Cameroun – Justice: Des avocats anglophones lancent leur barreau

Un renfort aux confrères du Sud Ouest est prévu ce jour pour consolider les bases du nouveau« barreau de la common law ».
Mercredi, 9 novembre 2016, peu d’avocats ont été aperçus dans les juridictions de la cour d’appel du Nord Ouest. Au lendemain de la marche réprimée de mardi, on sait peu de choses de l’état de santé de ces auxiliaires de justice dont deux étaient annoncés comme blessés, après l’usage des gaz lacrymogènes par les forces de l’ordre au « Liberty square ». A bonne source, la plupart de ceux qui revendiquent désormais le fédéralisme judiciaire, politique et éducatif ont délaissé leurs cabinets pour se rendre dans le Sud Ouest où leurs confrères devraient ce jour organiser une marche similaire à celle de Bamenda. « Les avocats ne sont pas des voyous pour qu’on les disperse avec des gaz. Quand on a affaire à eux, il y a toujours quelqu’un de précis à qui on peut s’adresser », dénonce un avocat. Si l’attitude des forces de l’ordre est critiquée, une frange des auxiliaires de justice comprend ce qui est arrivé. « Les avocats sont membres d’un ordre organisé. Etant donné que nos revendications ont été transmises au président de la république, ils devaient manifester en direction des tribunaux ou des bureaux administratifs », pense Me Ngek John Ngalla, représentant du président de l’assemblée générale des avocats dans la région. « En allant dans la rue et précisément à City Chemist qui n’est pas dénué d’arrière-pensée politique, ils ont aidé les benskineurs à infiltrer les rangs et à lancer des pierres aux forces de l’ordre. Ils n’en avaient pas besoin. La dernière fois, la police n’avait pas réagi. Si elle a fait usage des lance-gaz, c’est que quelque chose n’a pas marché », ajoute cet avocat qui s’est désolidarisé de la bande à Me Harmony Bobga depuis le mercredi, 19 octobre 2016. De nombreux avocats relativisent le bilan des échauffourées de mardi. Les deux avocats annoncés comme blessés, dont un stagiaire, auraient juste été égratignés au cours de la fuite occasionnée par le lancement des gaz. « Nous qui avons géré les émeutes des années de braise savons quelle attitude adopter en pareille circonstance. Pas ces jeunes gens qui n’ont entendu parler de révolution qu’à travers les journaux », raille l’un d’eux. Fait non anodin, l’information sur la création d’un nouveau barreau n’a cessé de circuler hier sur le crawl de la Crtv. Mardi 8 novembre 2016, la manifestation dispersée par la gendarmerie était la suite de l’avortement d’un sit-in devant la cour d’appel de Bamenda. Il était question d’annoncer solennellement la fin de l’inféodation du système judiciaire anglosaxon à « la république du Cameroun » et la création de ce barreau. A leur arrivée au palais de justice, les gendarmes avaient pris position. Ils ont délocalisé la rencontre au centre-ville. Une marche est bloquée par les forces de l’ordre déployées à City Chemist. Des badauds, dont de nombreux benskineurs, vont ériger des barricades sur la voie et provoquer les gendarmes. Qui font usage de gaz lacrymogènes.

Sécession
Ce n’est que maintenant que les observateurs comprennent la démission inattendue de Me Harmony Bobga de son poste de représentant du président de l’assemblée générale de ce qui apparaît aujourd’hui comme le barreau des avocats francophones. Sur les nombreuses banderoles déployées, l’on a découvert qu’un « barreau du common law » était lancé pour assurer la protection de la common law et la lutte contre toutes les formes d’injustice. Fin de carrière au « Southern Cameroon » pour les magistrats francophones, retour à l’éducation anglo-saxonne, fédéralisme à deux Etats, etc. « C’est quelle histoire ça ? Les avocats anglophones ne doivent pas nous renvoyer en arrière. A l’heure où l’on admire les Etats Unis, ils ne doivent pas faire du nombrilisme juridique. Qu’ils restent professionnels et on les soutiendra. Ils protestent contre la nomination des magistrats francophones alors que les anglophones sont sûrs d’être adjoints partout au Cameroun même quand ils ne sont pas les mieux lotis », s’étrangle un cadre du Rdpc, à Bamenda. Le jeudi 24 juin 2016, près de 100 avocats avaient manifesté dans le chef-lieu du Nord Ouest contre les manquements du nouveau code pénal et surtout les disparités qu’elle créait entre les citoyens. Ils étaient revenus à la charge avec l’absence de la version anglaise du traité Ohada. Mercredi, 19 octobre 2016, certains d’entre eux, accusant des infiltrations et des manipulations appelaient leurs collègues à mettre fin à la grève. « Des tracts sécessionnistes en provenance de Belgique et d’autres messages prônant la séparation ont fait leur entrée dans notre mouvement de grève. 237online.com Je pense qu’un avocat est un légaliste» dénonçait au cours d’un point de presse la bande à Me Ngek John Ngala. Elle soutenait qu’il fallait attendre les 21 jours que la loi offre au président de la république pour réagir avant de continuer. «On demandait la traduction en anglais des actes uniformes Ohada, mais aujourd’hui on parle du droit civil pratiqué dans les régions francophones, du redéploiement des magistrats francophones, des notaires en zone anglophone, de la réunification, etc. (…) Que viennent faire le Synes, la Cattu, les associations des commerçants, le syndicat des conducteurs de motos-taxis, des compagnies de transports, les bayam sellam ainsi que les chefs traditionnels dans notre grève ? », interrogeaient les avocats dissidents. La sécession est maintenant déclarée. Rendez-vous ce jour à Buéa.

Franklin Kamtche

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