Cameroun – Hubert Kamgang: Le père de la monnaie africaine est mort

Hubert Kamgaing

Le président de l’Union des populations africaines (Upa), fervent militant de la dissolution du Fcfa et non moins candidat aux élections présidentielles de 1997, 2004 et 2011, est décédé hier, mercredi 30 septembre à Yaoundé, des suites d’une courte maladie.

Il est mort sans voir son combat porter des fruits. Une mort que beaucoup trouvent précoce, puisque l’illustre défunt présentait une santé de fer et une telle vitalité dans les idées qu’il était presque impossible de le voir casser sa pipe si tôt. « Je suis profondément choqué par la disparition de ce monument du panafricanisme qui était par ailleurs mon père spirituel dans ce courant qu’il a défendu toute son existence », se lamente Olivier Bilé, président exécutif de l’Union pour la Fraternité et la prospérité (Ufp) qui a annoncé la triste nouvelle. Hubert Kamgang tire sa révérence alors que certains panafricanistes, porteurs d’une idéologie prospective sur la monnaie, proclament la mort inévitable du Fcfa.

Un postulat que l’homme a soutenu tout au long de sa vie. Ingénieur statisticien économiste, l’homme, comme par prémonition, a fait une publication en signe de testament sur sa page Facebook. L’homme y parle de tous ses combats de plus d’un quart de siècle. Premièrement, sur le plan de l’action politique, il a créé le parti de l’avant-garde panafricaniste. À chaque présidentielle, soutient-il, « j’ai fait campagne sur le panafricanisme tout en insistant sur l’articulation Cameroun-Etats-Unis d’Afrique. Mon discours sur la monnaie camerounaise dans un premier temps vers la monnaie unique africaine dans le cadre des Etats-Unis d’Afrique est connu de tous ».

Dans une interview accordée au quotidien Le Messager le 22 avril 2016, Hubert Kamgaing affirme que «le Fcfa a été créé par la France le 26 décembre 1945 pour exploiter les colonies. Les États africains qui l’utilisent encore sont pourtant censés avoir acquis la qualité d’États indépendants souverains depuis 1960». Et de renchérir, «la qualité d’État indépendant et souverain, acquise par le Cameroun, lui confère le droit de créer une monnaie nationale et un institut d’émission qui lui soient propres». L’opposant adossait son raisonnement sur l’article 5 de l’accord de coopération en matière économique, monétaire et financière du 13 novembre 1960. L’article 26 dudit accord souligne par ailleurs que «jusqu’à la création d’une unité monétaire camerounaise, la monnaie légale ayant pouvoir libératoire sur toute l’étendue du territoire du Cameroun est le Fcfa émis par la Banque centrale des États de l’Afrique équatoriale et du Cameroun», soutenait-il.

Stabilité et sécurité des Etats africains Le président de l’Upa était d’avis que ce débat n’est pas économique, et pour lui, «tous ceux qui se prévalent du titre d’économiste pour parler du Fcfa en bien sont des imposteurs». Les panafricanistes préconisent selon lui, «le parachèvement de la colonisation». «Mais les panafricanistes ne sont pas au pouvoir», déplorait-il. «Nous attendons de voir ce que ceux qui nous maintiennent dans cette sujétion vont «négocier». «Les Etats africains ne gagnent rien à rediscuter des conventions qui les maintient dans la servitude, servitude volontaire de la part de ceux qui les administrent» déclarait Hubert Kamgaing.

Prenant pour référence la légende Kwame Krumah qui a émergé comme figure emblématique du panafricanisme et a proposé en 1963 à Addis Abeba (Éthiopie), «une union politique basée sur la défense, les affaires étrangères et la diplomatie; sur une citoyenneté commune. (…) Autrement dit, arguait-il, « nous devons nous unir afin de réaliser la libération totale de notre continent; nous avons besoin d’un système de défense commun avec un haut commandement africain pour assurer la stabilité et la sécurité de nos pays».

Sur le plan littéraire, l’homme politique a commis trois livres : « Hubert Kamgang, au-delà de la conférence nationale-pour les Etats-Unis d’Afrique », Harmattan, Paris, 1993. Dans la foulée, il publie « Hubert Kamgang, le Cameroun au XXIe siècle – quitter la Cémac, puis œuvrer pour une monnaie unique dans le cadre des Etats-Unis d’Afrique », paru aux Editions Renaissance africaine, Yaoundé, 2000. L’homme était marié à une antillaise de la Guadeloupe. Et comme toutes les histoires d’amour sont confrontés à des hauts et des bas, « nous avons été contraints à une séparation de fait afin qu’elle aille là-bas bénéficier de l’aide publique pour élever nos quatre enfants dont le dernier est né en octobre 1981 » expliquait-t-il le vague à l’âme. « Je ne gagnais plus suffisamment d’argent pour assumer mes responsabilités de chef de famille. J’ai ainsi été placé devant un choix cornélien, choix entre l’amour et le devoir patriotique. Ma fibre patriotique l’ayant emporté, j’ai dû de surcroît subir des railleries, étant traité de rêveur, voire d’illuminé de la part d’une certaine presse pendant la campagne pour l’élection présidentielle de 1997 », confesse-t-il. Adieu combattant !

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