Cameroun – Présidentielle : pourquoi le FSNC n’a pas saisi le Conseil constitutionnel ?

Crise au Cameroun – déclaration d’Issa Tchiroma devant ses partisans

Alors que plusieurs partis ont déposé des recours devant le Conseil constitutionnel pour contester les résultats du scrutin présidentiel du 12 octobre 2025, un grand absent se fait remarquer : le Front pour le Salut National du Cameroun (FSNC). Le parti d’Issa Tchiroma Bakary, pourtant parmi les plus virulents dans la dénonciation de prétendues fraudes massives, n’a introduit aucun recours officiel. Une décision qui intrigue autant qu’elle inquiète.

« Comment un parti qui crie au vol électoral reste muet quand vient l’heure de la vérité juridique ? », s’interroge un analyste politique joint par 237online.com.

Ce silence du FSNC interroge sur ses véritables intentions. S’agit-il d’une erreur politique grave, d’une manœuvre calculée, ou d’un signe d’alignement tacite sur le pouvoir ?

Un parti qui crie au scandale mais reste inactif

Depuis la clôture du scrutin, Issa Tchiroma Bakary multiplie les prises de parole publiques pour dénoncer un processus « biaisé » et des « résultats déconnectés de la réalité des urnes ».
Le FSNC a notamment affirmé avoir été « spolié dans plusieurs bureaux de vote du Nord et de l’Adamaoua ».

Pourtant, contrairement à des formations comme le Mouvement populaire pour l’émergence du Cameroun (MPEC) ou le Parti Camerounais pour la Justice Sociale (PCJS), le parti n’a déposé aucune requête auprès du Conseil constitutionnel — la seule instance habilitée à juger des contentieux électoraux au Cameroun.

« C’est incompréhensible. Ne pas contester par voie légale revient à donner du crédit aux résultats officiels », estime un juriste électoral de l’Université de Yaoundé II.

Un choix risqué : la rue comme “recours politique” ?

En refusant d’emprunter la voie institutionnelle, le FSNC donne l’impression de préférer la tension populaire à la procédure républicaine.
Une telle posture pourrait être perçue comme un pari dangereux, voire un appel déguisé à la rue.

« Si vous ne faites pas confiance aux institutions, mais que vous refusez aussi d’y porter votre cause, c’est que vous misez sur la rue pour trancher », commente un observateur politique à Garoua.

Ce choix fragilise la crédibilité du FSNC, qui se pose en victime du système tout en refusant d’utiliser les outils juridiques à sa disposition. Dans le contexte actuel de tensions post-électorales à Dschang, Bafoussam et Maroua, cette attitude pourrait même être interprétée comme une irresponsabilité politique.

Silence stratégique ou loyauté cachée envers le régime ?

Certains analystes vont plus loin : pour eux, le silence du FSNC cache peut-être des arrangements politiques occultes.

« Le FSNC a souvent été perçu comme un allié critique du pouvoir. Ne pas déposer de recours, c’est éviter d’embarrasser Paul Biya dans un moment de fragilité politique », explique un analyste basé à Bafoussam.

En d’autres termes, Issa Tchiroma Bakary chercherait à préserver ses passerelles avec le régime tout en maintenant son image d’opposant “raisonnable”.
Mais ce positionnement ambigu pourrait se retourner contre lui : le parti risque d’être vu comme un “opposant de façade”, prompt à protester verbalement mais sans courage institutionnel.

« À force de jouer sur deux tableaux, le FSNC risque de perdre sur les deux », prévient un militant.

Une faute politique lourde de conséquences

Dans une démocratie, le silence face à l’injustice supposée équivaut à une acceptation tacite.
En ne contestant pas officiellement les résultats, le FSNC se retrouve piégé :

  • S’il conteste la victoire de Paul Biya sans recours légal, il sera accusé d’agitation ;
  • S’il reste silencieux, il sera perçu comme complice du pouvoir.

Ainsi, Issa Tchiroma se trouve dans une position intenable : soit il a manqué de courage politique, soit il a choisi la prudence pour préserver ses alliances.
Dans les deux cas, son image d’opposant sincère en sort affaiblie.

« Dans une République, on se bat avec le droit, pas avec la rue », résume un avocat du barreau de Douala.

En refusant de déposer un recours, le FSNC envoie un message troublant : celui d’un parti qui dénonce sans agir.
Un choix qui nourrit les soupçons d’un double jeu politique et d’une soumission stratégique à l’ordre établi.
Mais le peuple camerounais, lui, attend des actes clairs — pas des postures.
La vraie question désormais : Issa Tchiroma a-t-il encore la crédibilité pour parler au nom de l’opposition ?

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