Cameroun – Esther Sama Medjo : Une famille réhabilitée par le poisson fumé

Esther Sama Medjo

Originaire d’Ebolowa dans le Sud, épouse d’un ressortissant du Nord-Ouest, cette fille bulu étonne par le récit de sa condition de déplacée de la crise anglophone.

« Je suis redevenue moi-même. Regardez mon corps. Je suis moi-même étonnée. Soyez grandement bénis. Je prie tous les jours pour que Dieu change la condition du Cameroun ». Ainsi s’exprime une trentenaire, en pidgin, devant le parterre venu vivre la joie retrouvée des jeunes re-scolarisés. L’histoire de cette couturière née à Ebolowa change le jour où elle rencontre son mari, venu négocier le bois dans le Sud. Ils se mettent ensemble, en 2013. Deux ans après, le couple s’installe à Yaoundé. En 2017, ce sera Bambui, dans le Nord-Ouest. La femme s’occupe des champs de sa belle-mère, pendant que l’homme enseigne à Oku et fait de menus travaux. Leur domicile jouxte l’une des premières écoles attaquées par les rebelles, au déclenchement de la crise. Les élèves partis, les gendarmes ont transformé l’école en campement. Une nuit, ils attaquent. Sauve-qui-peut, lorsque les coups de feu cessent. Elle fait deux jours en brousse, avec les enfants. Au sortir de là, elle rejoint ses parents, près d’Ebolowa. Ces derniers ne font pas grand-chose, et la vie est difficile. La première école bilingue se trouve à 20km de la maison.

Sorti du Bui, le mari les rejoint dans un premier temps puis décide d’aller chercher du travail à Bafoussam. En sur-sollicitation, les collèges privés proposent 450F pour l’heure de cours. Il est employé par une provenderie, qui ne paie pas à la fin du mois. Début 2019, il réussit à louer une chambre, qu’il occupe avec ses trois enfants. La pension des enfants est payée par des frères en Christ. Kidnappée par les Ambaboys, sa belle-mère est libérée contre 800.000F, difficilement collectée par la famille. A sa libération, elle met le cap sur Bafoussam, avec sa fille et d’autres enfants. Ils sont désormais 13 dans une chambre. Malgré les petits travaux, ces bouches sont difficiles à nourrir. Esther Sama accuse le coup. Elle maigrit, alors que leur congrégation les a aidés à trouver un modeste appartement à Camp Zoua, lieudit Tpo, au quartier Haoussa.

Un matin, alors qu’elle rêvasse dans la rue, une voisine lui recommande d’aller au siège de l’Académie camerounaise des Formations. « Je n’avais même pas l’argent de transport. J’ai emprunté 500F pour le taxi. J’étais bizarre parce que je n’avais pas mangé ». La préposée lui offre des biscuits et 1000F pour rentrer. Lors de son entretien futur avec Heike Foaleng, elle manifeste l’envie de vendre du bois de chauffage. Un capital de 80.000F est mis à sa disposition. « Mais le bois se vend doucement. Certains jours, je vendais pour 200F ». Elle est sur le point de se décourager lorsqu’elle se souvient qu’une femme du quartier fume et vend du poisson, qu’on achète très vite. Elle se lance. Le premier essai est concluant. Désormais, elle a son four. Elle fume et vend du poisson dans les environs du quartier, lorsque son mari sort vaincre le chômage. « Grâce à cette activité, nous vivons déjà à peu près normalement », se réjouit son conjoint. « Les Camerounais doivent vivre dans l’amour et la paix, indépendamment de leur appartenance linguistique », plaide Esther Sama Medjo.

F. K.

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