Cameroun – Dialogue inclusif: Voici pourquoi le gouvernement a peur

L’engagement des pourparlers avec les vrais interlocuteurs de la crise anglophone pourrait mener au départ de Paul Biya.

Une crise, une cacophonie. D’un côté, le premier ministre Dion Ngute qui, durant sa tournée dans le Nord-Ouest, a soutenu que le président de la République était prêt au dialogue sur le fédéralisme. De l’autre, le ministre de l’administration territoriale, Paul Atanga Nji, qui a réitéré durant son séjour en France, la posture traditionnelle de l’Etat. La forme de celui-ci est non négociable. Atanga Nji était pourtant auprès du premier ministre lors de la tournée du Nord-Ouest. Mais, en taclant le premier ministre sur le plateau de France 24, le ministre de l’administration territoriale savait ce qu’il faisait, ce qu’il disait. Le caractère non-négociable de la forme de l’Etat veut dire qu’il n’y aura pas dialogue. Paul Biya n’en veut pas peut-être. D’ailleurs, toutes les initiatives qui auraient pu poser les jalons d’un véritable dialogue, comme la All anglophone conference initiée par le cardinal Christian Tumi, ont été étouffées dans l’œuf par le gouvernement.

Si dialogue il y a, Paul Biya veut être celui-là qui choisit ses propres interlocuteurs. Voilà d’ailleurs les signaux émis ces derniers temps par le gouvernement camerounais. Hélas ! Cela a du mal à porter des fruits. Ce qui signifie que, dans son schéma ou sa stratégie, il est hors de question que les sécessionnistes se trouvent autour de la table ou même les vrais fédéralistes, vu que la forme de l’Etat est non-négociable. Et, ce n’est pas parce que la communauté internationale fait pression pour un dialogue inclusif que le président camerounais va céder. Il sait que ledit dialogue va déboucher sur sa chute. Accepter cette formule signifie qu’il va devoir faire des concessions qui peuvent aboutir à son départ, ou le vider de ses pouvoirs absolus. Il sait que c’est le caractère absolu de son pouvoir qui a entraîné la guerre anglophone.

Le dialogue va imposer entre autres des réformes profondes, qui passeront aussi par le code électoral, instrument largement querellé ces derniers temps par la quasi-totalité des partis politiques de l’opposition et la communauté internationale. Autrement dit, la fin de la crise passe forcément par la destruction du centralisme qui constitue le pouvoir jacobin de Yaoundé. Or, la fin du pouvoir jacobin équivaut à la mort du système. En outre, durant les discussions, il faudra justifier la mort de plus de 2000 personnes, la destruction des villages…

Paul Biya sait que la communauté internationale risque de lui imposer son départ comme solution d’un retour à la paix. Cela pourrait même être un préalable. Et, cela, il n’en veut pas. On a encore souvenance qu’avant sa venue au Cameroun, le sous-secrétaire d’Etat américain aux affaires étrangères, Tibor Nagy, avait soutenu sur le plateau de France 24 que le problème du Cameroun, c’est le règne éternitaire de Paul Biya. On pourrait, à l’issue des discussions, lui imposer un retrait.

Paul Biya sait aussi qu’il ne peut y avoir un dialogue sérieux sans qu’il ne soit présent. L’entourloupette de la tripartite où il avait plutôt mis en avant son premier ministre, cela ne passera plus. Or, le pouvoir de Paul Biya est basé sur sa sacralité, son invisibilité, sa distance, gage de sa déification. Devant des individus lambda qui ne manqueront sans doute pas de lui cracher en plein visage ses quatre vérités, il perdra de son aura, il deviendra un homme. Pour un homme qui cumule plus de 50 ans de piédestal, il sortira de ces négociations profondément humilié et ébranlé. De tous les côtés, il est cerné.

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