Cameroun – Détention de KAMTO : Paul Biya de marbre face aux pressions extérieures

Le président de la République est déjà habitué aux immixtions des partenaires du Cameroun dans la gestion des dossiers judiciaires de certaines personnalités.

Le cas Maurice Kamto suscite diverses réactions frisant clairement l’immixtion dans les affaires internes du Cameroun. Fin février, Emmanuel Macron a décroché son téléphone pour en parler avec Paul Biya. S’il s’est bien gardé de placer un mot plus haut que l’autre, le président français a tout de même signifié à son homologue camerounais que Paris suit avec attention la situation du mauvais perdant de la présidentielle du 7 octobre 2018, placé en détention provisoire à la prison centrale de Yaoundé ainsi que certains de ses militants notamment pour rébellion en groupe, hostilité contre la patrie, troubles à l’ordre public, incitation à l’insurrection et insurrection. Huit chefs d’accusation retenus au terme des marches dites blanches apparues comme un début de mise en oeuvre du ‘’Programme national de résistance au hold-up électoral’’ ayant pour finalité une insurrection populaire. Ce qui fait d’eux des détenus de droit commun.

Si le ton utilisé par Paris se veut diplomatique, tel n’est pas le cas pour les autres partenaires étrangers. Celui des Etats-Unis est même comminatoire. Alors que Peter Henry Barlerin, l’ambassadeur des Etats-Unis à Yaoundé, au sortir d’une audience avec le ministre de la Communication en février dernier rappelle que « le Cameroun est un pays souverain », son sous-secrétaire d’Etat aux Affaires africaines croit devoir faire des injonctions à notre pays. Dans une interview à RFI le 4 mars, Tibor Nagy déclare, sans concession : « Le gouvernement camerounais assure que Maurice Kamto a été arrêté et emprisonné pour des raisons légitimes.

Moi, je pense vraiment qu’il serait très sage de le libérer. Parce que, que ce soit vrai ou faux, il est perçu comme ayant été incarcéré pour ses activités politiques et cela est inacceptable. Ses militants et lui doivent être libérés et nous ne passerons pas par quatre chemins pour le dire ». On croit écouter un maître donnant des directives à son élève.

UN POUVOIR FLEGMATIQUE

Un ton qui est loin de faire perdre son flegme à Yaoundé. Tout en regrettant vivement de tels propos qui « dénotent une méconnaissance des enjeux, des réalités et des faits concernant l’arrestation de Monsieur Kamto et nombre de ses partisans », le ministre de la Communication note que ceux-ci « trahissent une grave velléité d’immixtion à peine voilée et inadmissible dans les affaires intérieures du Cameroun. »

L’Union européenne n’est pas moins injonctive. Sa Haute représentante, dans une déclaration publiée le 5 mars, y va aussi de ses certitudes reposant surtout sur des a priori et préjugés savamment entretenus par leurs connivences locales. Mme Federica Mogherini écrit : « L’arrestation et détention prolongée de plusieurs dirigeants d’un parti de l’opposition, dont son leader Maurice Kamto, ainsi que l’ouverture de procédures disproportionnées à leur encontre devant la justice militaire, accroissent le malaise politique au Cameroun. L’Etat de droit requérant une justice équitable et la libération des détenus à l’encontre desquels des preuves probantes ne peuvent être présentées. »

Pour le gouvernement, ces affirmations de la Haute représentante de l’UE « résistent peu à l’analyse, à la réalité et à la véracité des faits ». Si, dans sa réaction datée du 11 mars, le ministre de la Communication rappelle que l’interpellation et la détention provisoire de Maurice Kamto « sont strictement conformes aux lois et règlements du Cameroun ainsi qu’aux conventions internationales ratifiées » par notre pays, René Emmanuel Sadi note que le tribunal militaire, juridiction à compétence spéciale et non d’exception, a bel et bien compétence pour connaître des chefs d’accusation retenus contre le président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) et ses compagnons d’infortune. Plus loin, le porte-parole du gouvernement précise que « le soi-disant malaise politique, si tant est qu’il y ait un malaise politique, ne serait que le fait de dirigeants d’un parti politique qui ont cru pouvoir s’emparer du pouvoir par des manoeuvres antidémocratiques, mus par l’outrance de leurs ambitions et par des certitudes oniriques, sans aucun rapport avec la volonté de l’immense majorité du peuple camerounais qui, lui, a choisi de renouveler, sans équivoque, sa confiance au président Paul Biya. »

RÉPLIQUE CINGLANTE

Au-delà des réactions du porte-parole du gouvernement, ayant surtout vocation à rétablir la vérité au sein d’une opinion internationale s’abreuvant volontiers à des sources ayant manifestement intérêt à donner la mauvaise information, les sorties de ces différents acteurs ne semblent pas outre mesure ébranler le président de la République. Tant Paul Biya a l’habitude de ces pressions extérieures, aussi bien pour la gestion des dossiers judiciaires de certaines personnalités que de son propre pouvoir. Dans le premier cas, il a rarement cédé, ne graciant quelques prisonniers comme Lydienne Eyoum qu’en temps voulu. Au sujet de son propre magistère, il a fait face, en 2011, à d’intenables pressions extérieures visant à décourager sa candidature à la présidentielle de cette année-là. Il a bien remis son mandat en jeu et gagné haut la main l’élection présidentielle. Par ailleurs, les pressions extérieures ont visé sa longévité à la tête de la magistrature suprême.

Dans cette optique, lors d’une tournée en Afrique, depuis le Benin François Hollande décoche des flèches visant le locataire d’Etoudi. Quand il fera une visite éclair à Yaoundé, c’est un journaliste français, au cours de la conférence de presse donnée par les deux chefs d’Etat, qui se chargera de rappeler à Paul Biya que son règne n’a que trop duré. Le président de la République aura cette réplique cinglante : « Ne dure pas au pouvoir qui veut, mais dure qui peut ».

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