Cameroun : Des émeutes après une bavure policière à Bafang

Loïc Axel Kamegni Tchayou

Des milliers de jeunes en colère ont pris d’assaut les rues samedi 14 août dernier, pour fulminer leur colère après la mort brusque et tragique de leur congénère.

Bafang était en ébullition samedi 14 août 2021. En effet, des jeunes ivres de colère, en nombre impressionnant, ont posé des barricades ainsi que la dépouille d’un des leurs sur la voie publique au lieu-dit ‘’échangeur’’. De même, des pneus ont été brûlés sur la chaussée à cet endroit. Le poste de contrôle de Bana a subi le même sort. Ainsi qu’une cylindrée au village Tchoumekeu. A travers ces actes, les manifestants extériorisaient leur colère à la suite de la mort brusque de Loïc Kamegni, abattu par un élément de la gendarmerie nationale en service selon nos sources, dans une Brigade de gendarmerie de Bafoussam, mais qui était depuis bientôt deux mois en détachement à la Brigade de gendarmerie de Bana. « Nous étions au village pour notre réunion familiale. Après, nous avons décidé d’aller reboiser notre champ. Pendant que nous y étions, autour de 11 heures, nous avons vu trois hommes arriver. Parmi eux, il y avait un élément de la gendarmerie en tenue. Surpris par leur présence, notre frère a demandé ce qu’ils faisaient dans notre champ. S’en est suivi des éclats de voix et une bagarre avec l’un de ces hommes. Notre frère ne savait pas que c’était le commandant de Brigade puisqu’il était en civil.

Constatant que son chef était roué de coups de poings, l’élément en tenue a sorti son arme, une kalachnikov, et a ouvert le feu. Nous sommes arrivés exactement quand notre frère s’écroulait. Pendant que nous le transportions à l’hôpital, l’auteur de ce coup de feu a pris fuite. Certains de mes frères et d’autres personnes ont arrêté celui avec qui il bagarrait. C’est en ce moment que nous avons constaté qu’il avait aussi une arme, un pistolet automatique. Cette arme a été saisie et remise au sous-préfet de Bana quand il est arrivé», relate un des frères de Loïc. Cette version des faits contraste avec celle donnée par un gendarme qui a requis l’anonymat. « Quand le Commandant de Brigade est arrivé pour suivre un litige foncier pour lequel il avait été appelé, il a trouvé ce jeune qui immédiatement a commencé à lui assener des coups de machettes. Au total, il a reçu trois coups au niveau de son bras qu’il avait présenté pour ne pas être atteint au niveau visage. Après le commandant, le jeune furieux se dirigeait vers le gendarme avec sa machette. C’est en ce moment qu’il a sorti son arme et tiré », renseigne-t-il. « Si nous voulions tuer ce gendarme, on l’aurait fait. Parce que quand son élément a fui, il était seul. Nous l’avons protégé et évité qu’il ne soit lynché », précisent des proches du jeune décédé.

Les voyageurs pris au piège

A l’hôpital, le corps médical n’a pas pu rien faire, sauf constater le décès du jeune atteint par balle. Aussitôt, la nouvelle de la mort de Loïc s’est propagée telle une drainée de poudre dans la ville de Bafang et ses environs. Des jeunes furieux, décidés de venger leur congénère ont assiégé les rues. Ni l’important déploiement des forces de l’ordre encore moins, les tirs de dissuasion n’ont pas suffi pour les faire décamper. C’est à environ de minuit que Luc Ndongo, Préfet du Département du Haut-Nkam, en promettant de s’investir personnellement pour que justice soit rendue, a réussi à édulcorer la colère des manifestants. Pour l’heure apprend-on, des enquêtes diligentées par le secrétariat d’Etat à la défense sont en cours. Ce dimanche 15 août 2021, plusieurs personnes ont été auditionnées.

L’une des conséquences de ces émeutes, est que les voyageurs se rendant dans la Région de l’Ouest en passant par Bafang ont été pris au piège. La file de voitures bloquées allait jusqu’à Kékem, soit environ 10 kilomètres plus loin.

Si les manifestants ont quitté les rues, leur colère reste vive. Selon nos sources, une autre gigantesque manifestation est annoncée vendredi prochain, date de la levée de corps du jeune tué par balle.

Mea-culpa du préfet du Haut-Nkam

Visiblement au courant de ce qui se mijote, le préfet du Haut-Nkam a signé samedi dernier, un communiqué dans lequel, il réitère les promesses faites à la famille du jeune tué. « face à ce qu’il se présente comme une bavure causée par un élément des forces de maintien de l’ordre, le Préfet a présenté les regrets et les excuses de l’administration locale à la famille frappée et annoncé que le haut commandement de la gendarmerie nationale a déjà diligenté une enquête d’urgence en vue d’établir les responsabilités et de punir les éventuels coupables, tout en assurant la famille éprouvée de son accompagnement quant aux obsèques du défunt », a écrit Luc Ndongo. Dans le même communiqué, l’autorité administrative a appelé les populations au calme afin de préserver l’ordre public et la paix sociale.

Vivien Tonfack, de retour de Bafang et Bana

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