A la suite de la cérémonie de présentations de vœux du corps diplomatique accrédité à Yaoundé, le chef de l’Etat reçoit, ceux des corps constitués nationaux parmi lesquels figurent en bonne place, l’équipe gouvernementale, tancée dans son discours du 31 décembre. Ce, juste au moment où tous les agendas de la haute administration sont pris en otage par le vent du remaniement.
La voix grave de Paul Biya va certainement saturer les ondes, ce jour et même ceux d’après. Car à l’occasion de la saison des vœux, le président de la République va prononcer son deuxième discours de circonstance. L’on imagine bien que le diplomate en chef qui va saisir le prétexte de son allocution, en réponse à celle du doyen du corps diplomatique accrédité à Yaoundé pour dérouler à tout le personnel diplomatique camerounais en poste à l’intérieur du pays comme à l’extérieur , le bréviaire annuel des options du Cameroun dans ses relations avec le reste du village planétaire, reviendra sur le cas de la Centrafrique, du Mali ou même de la Syrie pour rappeler que le Cameroun reste attaché aux valeurs de la paix et de la Justice… ou même repréciser après la nouvelle option prise par la France en vue d’un retour en force en Afrique considérée à nouveau comme « l’avenir de l’hexagone » que son pays n’est la chasse gardée d’aucune puissance.
Mais ce discours qui constitue le faîte des cérémonies de ce jour au palais de l’Unité, ne peut occulter les milliers de poignées de mains données entre différentes personnalités invitées. Chaque geste et chaque phrase seront interprétés. Surtout ceux du président de la République, ceux dirigés vers les membres du gouvernement déjà sur la sellette depuis la période post électorale des élections du 30 septembre 2013 et désormais sur le qui-vive depuis la saillie de Saint Sylvestre du chef de l’Etat. L’opinion sera donc bien curieuse, de voir l’attitude du vice Premier ministre, Amadou Ali qui va conduire la délégation du gouvernement, en l’absence de Philémon Yang envoyé, contre toute attente, en mission à Ndjamena. Son pas assuré ou sa mine décontractée pourrait augurer d’un climat de confiance entre lui et son patron après l’audience de lundi dernier, 5 janvier 2014 (confère Le Messager 3991 du mardi 8 janvier 2014).
Tout comme un visage fermé, un air hésitant pourrait traduire un climat peu rasséréné après la sortie inédite de Paul Biya le soir de réveillon de Saint Sylvestre. L’instant de la poignée de main entre les deux hommes sera en tout cas, l’un des moments les plus commentés sous le landerneau politique en ce début d’année. Surtout si Paul Biya, en recherche de magma médiatique met du sien dans ce spectacle en retenant la main de certains de ses ministres pour un court échange de quelques secondes ou pis, s’il le reste froid comme un bloc de glace devant eux en l’absence de son chef de gouvernement. Quoiqu’il en soit, les instants de poignées de mains entre le chef et ses ministres susciteront moult commentaires dans les milieux huppés, chacun des membres du gouvernement et leurs proches (collaborateurs et familles) recherchant dans le regard et la gestuelle « présidentielle », un signe d’encouragement qui pourrait traduire à leurs yeux, le renouvellement de la confiance.
Méthode Coué
Mais autant dans l’esprit des ministres, l’idée d’un mouvement dans l’équipe gouvernementale trotte, autant dans celui des prétendants consultés par des canaux divers, ou proposés par des parrains comme les présidents des chambres du parlement, eux aussi consultés ces temps-ci, le secrétaire général du Comité central du Rdpc ou tout autre mammouth du régime de Yaoundé, est gagné par un possible réaménagement. Parmi ces personnalités qui remuent salons et oracles, en vue d’une place au soleil, quelques uns sont invités à la cérémonie de ce jour sous la casquette qu’ils portent en ce moment. Pour elles aussi, le moment de la poignée de main avec le président est attendu comme un moment éminemment important avant le Saint Graal de la nomination que confirmerait le décret attendu depuis longtemps au point de mettre les nerfs à rude épreuve.
Dans tous les deux camps – ceux des aspirants à l’accès au navire et ceux des personnalités redoutant d’être jetées par-dessus bord – la folie de l’attente est quasi justifiée, si un tant soit peu, les propos prononcés par le chef de l’Etat le 31 décembre 2013 étaient mesurés. Car ils annonçaient bien un tsunami. A moins que ce fut, comme ça l’est depuis trois décennies, un autre coup de bluff, avatar de la méthode Coué qu’aime employer l’homme du 6 novembre 1982.
Rodrigue N. TONGUE
Focal: Philemon Yang privé de vœux à Biya
Le Premier ministre a quitté Yaoundé hier pour Ndjamena, la capitale tchadienne en vue d’y prendre part, ce jour, 9 janvier 2013, au sommet extraordinaire des chefs d’Etats et de gouvernements de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (Ceeac) au sujet de la crise centrafricaine. Philémon Yang ne devrait donc pas être revenu à Yaoundé avant ce jour à 12 heures pour conduire la délégation des membres du gouvernement conviés à la cérémonie de présentation des vœux de nouvel an 2014 des corps constitués nationaux au président de la République. C’est, selon l’ordre protocolaire, Amadou Ali, vice-Premier ministre qui devrait être la tête de file du gouvernement, en cette mi-journée au Palais de l’Unité. Lundi dernier déjà, le Premier ministre était reçu en audience par le chef de l’Etat au Palais de l’Unité. On peut alors imaginer qu’il s’est agi, au cours de l’entretien, entre autres, de cette mission importante à Ndjamena quelques jours après l’invitation adressée par le président Déby à son homologue camerounais. Mais cette absence est diversement appréciée sous le landerneau politique. Une forte majorité d’acteurs l’assimilent à un désaveu de plus après le propos véhément du chef de l’Etat dirigé contre lui le 31 décembre dernier au cours de sa traditionnelle adresse à la nation.
