Cameroun: Comment le « tireur de penalty » a mis le sérail en ébullition

En revendiquant sa victoire à l’élection présidentielle de dimanche dernier, le candidat du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), a jeté un trouble certain au sein de l’apparatchik. Une levée de boucliers discordants, même sur la toile, s’en est suivie, sorte de notre malaise social.

Le tireur du « penalty historique » affirme que le ballon est au fond des filets. « J’ai reçu mission de tirer le penalty historique. Je l’ai tiré, le but a été marqué ». Traduction, j’ai remporté l’élection présidentielle. C’est de bonne guerre. Mais deux faits sont troublants dans sa déclaration et laissent présager qu’il ne s’agit pas d’un fait d’annonce. D’abord, sur les réseaux sociaux les différents résultats partiels, faut-il le rappeler, issus de certains bureaux de vote tant à l’intérieur du pays qu’au sein de la diaspora, le placent en tête. Crédibles ou pas ? Le Conseil constitutionnel, sur la base des différents procès-verbaux (Pv) d’Elections Cameroon (Elecam), débrouillera à la lumière de la loi le vrai du faux. Le réseau sphère s’embrase au sujet de la victoire du professeur Maurice Kamto. Cela peut se comprendre.

Jamais une telle initiative n’est arrivée dans le jeu politique camerounais. Les acteurs politiques ont l’habitude d’attendre sagement dans leur coin l’annonce des résultats, hier par la Cour suprême et aujourd’hui par le Conseil constitutionnel. L’annonce du candidat du MRC est donc perçue comme une feinte inhabituelle d’un joueur, qui couperait le souffle à l’adversaire et l’arbitre à l’unisson. Ensuite, la sortie groupée du Secrétaire général au Comité central du Rdpc, du Secrétaire à la communication, du vice-secrétaire général du Comité central sur les réseaux sociaux, du porte-parole du gouvernement, atteste que cette revendication de la victoire, pour « légère » ou « fantasmagorique », soit-elle créée un branle-bas au sein du sérail.

Même les candidats de l’opposition sont montés au créneau pour tirer sur le tireur de penalty parce qu’il dit avoir marqué le but. On a entendu la déclaration particulièrement remontée de Garga Haman Adji, qui recommande à tous d’observer la loi, comme il en est allé de Joshua Osih, qui ne se frotte en personne pour la première fois à la réalité du suffrage universel pour l’accession à Etoudi.

D’ici le 22, date butoir fixée au Conseil constitutionnel pour prononcer les résultats, il y aura certainement encore des rebondissements dans cette crise électorale qui ne dit pas son nom.

Comme à l’école

Tout se passe exactement comme si ceux qui critiquent la sortie du candidat du MRC utilisent la même trajectoire querellée. Issa Tchiroma Bakary par exemple a avoué que le Rdpc a gagné dans le septentrion. D’où lui viennent les résultats du septentrion ? Nous voici dans une classe où les résultats sont connus d’avance et annoncés par les élèves. Pourquoi ce qui est critiqué de la bouche des uns est désapprouvé de la bouche des autres ? Pour illustrer ce que nous vivons aujourd’hui, on pourrait dire que les candidats sont engagés dans un concours dont un seul sera évidemment admis. Un jour après le concours, un des candidats annonce qu’il est le seul admis. Que vont faire les autres candidats ? Ils jaugent d’abord l’épaisseur du prétendant.

S’il pèse, il va de soi que les autres ne vont pas rester la langue cousue au palais. Sans même demander d’où lui viennent les notes, car ils le savent, chacun entre dans la périlleuse entreprise du jeu d’annonce. Chacun a-t-il des arguments solides pour faire valoir ses déclarations ? En attendant le rapport de la Commission nationale de recensement général des votes qui a été installée hier soir par le président du Conseil, on se demande déjà qui a gagné dans cette course épique vers Etoudi.

Le candidat du MRC qui crie victoire a certainement craint que l’instance en charge de proclamer le résultat du vote « oublie » ou « falsifie » ses notes. D’où lui viennent donc ses notes ? On peut valablement estimer que c’est la prescription de l’article 113 du Code électoral d’où le point faible dans le verrouillage pour la confidentialité des notes.

En effet, il dit ceci : « Immédiatement après le dépouillement, le résultat acquis dans chaque bureau de vote est rendu public. » C’est donc probablement la somme des voix et pourcentages acquis dans les différents bureaux de vote sur le territoire national et au sein de la diaspora qui a pu fonder Maurice Kamto à dire qu’il est le seul admis du concours.

Est-ce matériellement possible, un jour après les votes ? Les réseaux sociaux ont pu jouer leur partition dans l’affaire si tel avait était le cas. Les débats liés au contentieux postélectoral promettent de chaudes empoignades devant le Conseil constitutionnel.

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