Cameroun – Braderie sans fin des terrains de Douala: Le coup fumant de Jacqueline Koung à Béssiké :: Cameroon

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Même les femmes ! Est-on tenté de s’écrier devant la décision datant du 11 novembre 2013 par laquelle madame la ministre des Domaine attribue une parcelle de 30 hectares à la famille Njoh Kingue à Douala pour, explique-t-on, la construction de quelque 15 mille logements sociaux sur le site du Bois des Singes. Au mépris de la loi et au grand dam des Bellois.Incursion dans une vaste escroquerie.
La ministre ressortissante du Mbam tient à ne pas déroger à une tradition instituée depuis Hamadou Moustapha, le plus grand prédateur des terrains de Douala depuis le régime Ahmadou Ahidjo. Il y a eu Pascal Anong Adibimé, et l’actuelle titulaire du poste veut égaler ses prédécesseurs et n’y va pas avec le dos de la cuillère.

Braquage foncier en bande organisée
Un ministre des Domaines (on disait ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat il y a peu encore) au Cameroun a le droit de vendre des terrains du domaine privé de l’Etat de gré à gré. Il en profite toujours pour se constituer un gros patrimoine foncier. En 1996, Hamadou Moustapha, revenu au gouvernement à la faveur des accords politiques entre le Rdpc et l’Undp, a tenu à achever le travail commencé sous Ahidjo des années plus tôt. De vastes terrains du domaine privé de l’Etat vont passer à la trappe. Il a vendu à tous ses amis au gouvernementet parfois, il vendait des villas construites au prix du mètre carré non bâti à Bonanjo.

Paul Biya s’est fendu d’une belle colère et a annulé les ventes en question à Bonanjo, Bali, Koumassi et Akwa. Un décret d’application a été pris dans la foulée mais rien n’y a fait. Les terrains sont partis. Ils avaient été essentiellement vendus à des pontes du régime. Et comme de bien entendu, Hamadou Moustapha s’était adjugé la part du lion, à travers sa kyrielle de prête-noms et autres affidés. Au Cameroun, Paul Biya peut prendre des décrets, les ministres ont le droit de passer outre.

Jacqueline Koung à Béssiké a appris la leçon et peut, elle aussi, en faire à sa tête. Le deal est gros et une seule famille à Douala va bénéficier de trente hectares. Tout est irrégulier depuis le début. La famille en question n’a demandé à se faire rétrocéder 19 hectares, madame la ministre va leur en offrir trente ! Une telle sollicitude a quelque chose de suspect.

En comparaison, le Ngondo, l’Assemblée traditionnelle du Peuple Sawa, a entrepris des démarches politico-administratives auprès de Paul Biya pour obtenir un lopin de terre qui devrait abriter son siège. En réponse, il lui a été chichement attribué 5 mille mètres carrés dans un terrain marécageux à Douala, même pas un seul hectare. Mais une seule famille, chez les Bonadiwoto, va bénéficier de trente hectares.

L’astuce est connue.
Koung à Béssiké, qui n’est pas née de la dernière´pluie, sait qu’il faut faire vite après les dernières élections législatives et municipales. Elle n’est pas sûre qu’elle soit encore au prochain gouvernement, alors elle assure ses arrières et son avenir. Le deal est passé avec un certain Kingue Njoh, pas exactement connu au village. La ministre lui donne trente hectares alors qu’il n’en demandait que 19, on sait à qui reviendront les onze hectares restants. Il y a mieux encore.

Dans ses exposés de motifs pour justifier son acte monstrueux, elle laisse entendre que ladite famille avait été expropriée pour cause d’utilité publique dans le cadre du projet de l’aéroport intenational de Douala et n’avait jamais été indemnisée. En clair, cette famille expropriée dans les années 70 ne savait elle-même pas la consistance du terrain dont elle avait été délestée et qu’elle revendique quarante ans après. L’imposture est grosse comme le Mont Cameroun.

A quoi vont servir les trente hectares ? On nous annonce qu’il sera entrepris sur le site la construction de quinze mille logements sociaux. Le maître d’oeuvre n’est autre qu’un curieux group Turk qu’on nous dit qu’il est déjà sur le terrain pour les travaux topographiques. Ce groupe immobilier n’aura même pas attendu que la décision du ministre soit prise. La lettre de madame la ministre est signée le 11 novembre 2013, mais le Groupe Turk a déjà engagé des fouilles sur le terrain. La demande de la famille Njoh Kinguè a été initiée le 17 septembre 2013. La ministre a mis moins de deux mois à répondre. Quand on connaît la célérité dans le traitement des dossiers dans l’administration camerounaise, on est en plein dans le tableau du braquage foncier en bande organisée.

Larrons de la bulle immoblière
Le déficit de logements sociaux au Cameroun est évalué à quelques centaines de milliers de logements qu’il va falloir construire sur dix ans. Tout le monde y va donc de ses tours d’escroquerie.Il y a eu le projet pharaonique du Sawa Beach à Douala avec Etonde Ekoto et quelques gros partenaires parfois inattendus de l’espèce de Princesse Rameline Kamga. Ironie du sort, alors que le colonel en est à méditer sur son sort à la prison centrale de New Bell, le gouvernement a décidé de ressusciter le projet en envisageant de raser tout l’habitat spontané qui a poussé à Essenguè et à Youpwè.

C’était auparavant Hamadou Moustapha qui, armé de ses pinces Monseigneur, tallait comme un grand dans le domaine privé de l’Etat. Ensuite, il y a eu un certain Pascal Anong Abidimé, le cousin du village de Koung à Béssiké, qui avait annoncé sur des tracts distribués à Douala qu’il s’apprêtait à vendre, aux enchères et de gré à gré, tous les terrains non titrés dans les quartiers de Douala, à Nkongmondo, à Nganguè ou au Bois des Singes. Sa démarche diabolique s’est heurtée à une opposition farouche du Canton Bell, le ministre aujourd’hui sénateur de la République a dû battre en retraite.

A sa place, Jacqueline Koung à Béssiké vient de réussir un grand coup : dix ou onze hectares à Douala. Ce sera son apport personnel au tour de table pour le projet de construction de quinze mille logements sociaux. Et onze hectares, soit 110 mille mètres carrés, à seulement cinquante mille francs le mètre carré, représentent beaucoup d’argent.

Jacqueline Koung à Béssiké pèse désormais plus de milliards qu’elle ne pourra avoir le temps d’en compter. Le Canton Bell qui n’est pas encore au bout de ses cauchemars avec ses terrains depuis la pendaison du Roi Rudolf Douala Manga Bell en 1914 doit se résigner à compter les coups. Les terrains de l’Etat au Cameroun servent à enrichir les ministres des Domaines. Jacqueline Koung à Bésiké, pressée de se mettre à l’abri du besoin, n’a pas pris le temps d’apprendre que la réserve forestière du Bois des Singes à Douala est une réserve protégée par les instances de l’Unesco.

A Yaoundé, à la Présidence de la République, on se veut formel : on ne laissera pas faire madame la ministre qui vient de précipiter sa sortie du gouvernement. Mais il n’y a pas de quoi casser trois pattes à un canard. Hamadou Moustapha, le plus gros vendeur des terrains du domaine privé de l’Etat, continue bien à siéger au gouvernement après tous ses forfaits. La ministre Jacqueline Koung à Béssiké sera peut-être victime du faible qu’elle a pour les Douala. Mais le coup cette fois est un peu grossier. Et contrairement à tous ses prédécesseurs au poste, notre Jacqueline vient de se tirer une méchante balle dans la tête.

La vente des terrains à Douala est contrôlée de près. Dans le décret de 1996 en annulation des ventes du ministre Hamadou Moustapha, Paul Biya avait clairement fait savoir que l’avis de la Présidence de la République devait être requis pour les transactions foncières de cette nature. La ministre ne s’est pas crue obligée de demander l’avis de la Présidence de la République. Pas plus qu’elle n’aura cherché à se couvrir par son Premier ministre chef du gouvernement.

De plus, on nous parle de «rétrocession», il s’agit de rendre à la famille ce qui lui aura été pris il y a une quarantaine d’années. Jacqueline Koung à Béssiké devra batailler dur pour trouver à son ami Kingue Njoh un titre foncier en règle au moment où la mesure d’expropriation a été prise pour la construction de l’aéroport international de Douala. Le Cameroun était déjà sous le régime du titre foncier. Mais il est improbable qu’un tel titre foncier ait jamais existé chez le conservateur aux Domaines, madame la ministre court le risque de mal finir ses vieux jours.

Source: Les Nouvelles du Pays

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