Cameroun – Boko Haram: qui l’emporte, dans cette guerre sans témoin ?

« Ce dimanche 28 décembre 2014 restera dans la mémoire de l’armée camerounaise, relève le site d’information Afrik.com. La localité d’Achigachia dans l’extrême-nord du pays, qui abrite un camp militaire, a été prise d’assaut, dès 4h du matin par près de mille combattants de Boko Haram.[pagebreak] Il y a eu des combats d’une rare violence. Les soldats camerounais ont été contraints de battre en retraite. Une fois à l’intérieur du camp, les insurgés ont fait flotter le drapeau de Boko Haram pendant près de quatre heures. » Finalement, c’est l’aviation camerounaise qui a pu faire reculer les assaillants.
« Cameroun : Boko Haram se pointe à nouveau dans l’extrême nord », soupire le site d’information ivoirien Koaci.com. « La secte islamiste nigériane a planté son drapeau à Achigachia, constate également le site, après avoir réussi à pénétrer dans le camp militaire du lieu et semé la pagaille parmi les soldats de la Brigade d’infanterie motorisée. (…) Mi-décembre, rappelle Koaci.com, trois soldats camerounais avaient trouvé la mort dans cette même ville, suite à l’explosion d’une mine au passage de leur véhicule de patrouille. Quelques jours plus tard, l’armée camerounaise affirmait avoir tué 116 membres de la secte islamiste dans les localités voisines d’Amchidé et de Limani. »
 
Du souci à se faire !
Du coup, s’exclame le quotidien Le Pays au Burkina, « elle est désormais devenue une sanglante ritournelle, la complainte des populations du Nord Cameroun qui ont le malheur de partager leur frontière avec le Nigeria, ce géant aux pieds d’argile. La soldatesque de Boko Haram a pris l’habitude d’enjamber allègrement la rivière asséchée du village d’Achigachia, faisant office de ligne de démarcation entre les deux pays, pour semer la mort dans cette localité. » Qui plus est, relève encore le quotidien burkinabé, « sitôt le village mis sous coupe réglée, la secte islamiste a hissé son drapeau. Un geste qui en dit long sur les  motivations, la détermination et la volonté hégémonique de Boko Haram. »
Et Le Pays de prévenir : « Paul Biya a du souci à se faire. Il serait dangereux pour son règne de snober Boko Haram dont la puissance de feu est sans commune mesure avec celle des garnisons de cette zone frontalière. Mais plus que l’aspect militaire, c’est la graine idéologique que la secte est en train de semer en terre camerounaise, que le  chef de l’Etat doit redouter. Car, comme on le sait, Boko Haram sait très bien pêcher en eau trouble. Et l’eau trouble du Cameroun, précise le quotidien ouagalais, ce sont le chômage des jeunes, l’ignorance, la misère et un certain mécontentement politique généré par l’extrême longévité au pouvoir de Biya qui ne laisse entrevoir aucune possibilité d’alternance. »
 
Enracinement local…
En effet, Boko Haram est en train véritablement de s’implanter en terre camerounaise… C’est ce qu’explique le quotidien français Libération dans un reportage publié avant-hier sur son site internet : « Au début, les combattants de Boko Haram se contentaient d’incursions pour voler du bétail et de la nourriture sur un territoire qui leur servait de base arrière. D’autant plus facilement que la frontière n’est qu’une démarcation artificielle entre deux régions où les gens parlent les mêmes langues locales, ont souvent des liens de parenté. Mais, désormais, pointe donc Libération, Boko Haram a tendance à s’enraciner en territoire camerounais. Cette présence accrue n’est jamais évoquée par les autorités, qui ont fait de la bande frontalière et de l’extrémité nord du pays une zone interdite. Même les agences humanitaires y sont indésirables, malgré l’afflux de réfugiés venus du Nigeria et de déplacés, de plus en plus nombreux à fuir les villages camerounais attaqués. (…) Comme au Nigeria, le nord du Cameroun est une région depuis longtemps marginalisée, relève encore Libération, mais très peuplée, où une jeunesse privée d’horizon peut se montrer sensible au discours simpliste et conquérant de la secte nigériane ». « Elle a recruté beaucoup de jeunes Camerounais mais ça aussi, c’est un sujet tabou », confirme un connaisseur de la région (cité par le journal).
Libération précise encore que « les assaillants ne font pas de quartier : comme au Nigeria, chaque attaque se solde par des pillages et des tueries qui n’épargnent même pas l’imam local. Les militaires capturés sont décapités, parfois avec un couteau de cuisine. De leur côté, les soldats camerounais ne font pas non plus de prisonniers : ils seraient systématiquement exécutés. » Et le quotidien français de s’interroger : « Mais qui l’emporte, dans cette guerre sans témoin ? ‘Les Camerounais mènent une guerre sur la défensive. Ils estiment avoir gagné quand ils font reculer Boko Haram’, constate un journaliste local, qui déplore : ‘la guerre de Boko Haram est éclipsée au niveau international par les méfaits de l’Etat islamique. Et pourtant, c’est exactement le même poison’. »

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