Le procureur général près le TCS ordonne une nouvelle procédure contre l’ancien ADG et le liquidateur de la défunte compagnie aérienne.[pagebreak] En dépit des entraves, l’homme d’affaires montre sa bonne disposition à régler ce dossier en offrant sa résidence de Bandjoun. Ses trois avocats du barreau de Paris, recrutés en renfort des conseils camerounais afin de permettre d’« avoir un regard plus libre et indépendant », sont décidés à pousser l’Etat jusqu’à ses derniers retranchements. Et à apporter la preuve que « l’Etat a transformé des difficultés connues à l’époque par Camair en détournements de deniers publics ».
Au cours d’une rencontre avec la presse le 30 avril 2015 à Yaoundé, Mes Michael Buhler, Bénédicte Graulle et Dominique Inchauspé ont mis en lumière la mauvaise foi de l’Etat dans l’affaire Yves Michel Fotso contre ministère public et liquidation Camair. D’après eux, la disjonction de procédures ordonnée par le Tribunal criminel spécial (TCS) ne constitue ni plus ni moins qu’une manifestation de l’acharnement judiciaire contre leur client. Avec force arguments, ils démontrent que tout dans cette affaire montre qu’il s’agit bel et bien d’un même dossier.
Pour les avocats, la multiplication par le TCS des entraves « traduit une volonté de l’Etat d’empêcher Yves Michel Fotso de respecter les obligations que lui impose le protocole transactionnel signé avec le liquidateur de la Camair ». Ils en veulent pour preuve le fait que, alors qu’il a dès 2013 remboursé 665 millions, soit près de 40 % du corps du délit, la juge d’instruction a ordonné le blocage de tous ses comptes bancaires.
Mais l’accusé, comme gage de sa détermination à régler cette affaire, et en dépit du maintien du blocage de ses comptes, a fait conformément aux dispositions légales une offre de restitution en nature du corps du délit au procureur général près le TCS le 24 avril 2015. En clair, il a sollicité l’affectation à l’Etat de sa résidence de Bandjoun, qui lui appartient en toute propriété et est libre de toute hypothèque. M. Ayissi Bessala, expert agréé en évaluations immobilière et foncière par l’Etat, a réalisé une expertise le 2 avril 2014 qui lui confère une valeur de 1.720. 000. 000 FCFA.
L’accusé précise au procureur général qu’il « souhaite que la somme de 1. 085. 000. 000 FCFA (qui lui reste à payer) soit affectée à l’exécution finale du protocole et que le reliquat, soit 635 millions, puisse être affecté soit à d’autres procédures en cours, soit à toute autre créance que le trésor pourrait détenir à son encontre ».
En vérité, le TCS refuse de tenir compte de ce protocole d’accord dont la signature « emporte par elle-même et sans autre formalité désistement par la Camair de toutes actions pendantes et/ou toutes constitutions de partie civile faites dans le cadre des poursuites engagées ». En d’autres termes, en signant le protocole d’accord, Yves Michel « s’est engagé à verser à la liquidation Camair à titre de solde de tout compte la somme de 1. 750. 661.315 FCFA, en contrepartie de la renonciation expresse et irrévocable par Camair SA en liquidation et le liquidateur de la Camair à maintenir, engager ou soutenir toutes actions présentes et/ou futures, de quelque nature que ce soit, contre M. Yves Michel Fotso devant toutes les juridictions camerounaises et/ou étrangères ».
Le désistement concerne notamment « les faits dont le juge d’instruction du Tribunal criminel spécial est saisi par la liquidation Camair, qui ressortent de la plainte et des réquisitoires introductif et supplétif visés au préambule, ainsi que tous faits liés ou connexes ». Une extinction de l’affaire Yves Michel Fotso contre ministère public et Etat en somme.
Une issue qui n’emporte pas l’adhésion du procureur général près le TCS. Soupçonnant un arrangement entre Yves Michel Fotso et le liquidateur, Emile Zéphyrin Nsoga a prescrit une nouvelle procédure au service central des recherches judiciaires de la gendarmerie le 30 janvier 2014 contre Yves Michel Fotso, Emile Christian Bekolo et autres pour ‘’détournements de deniers publics en coaction’’. C’est dans le cadre de cette autre affaire en gestation que l’homme d’affaires a été auditionné le 5 février 2014 par le capitaine Seidou Batina. Or, le ministre des Finances, qui a nommé le liquidateur, n’a jamais dénoncé ce protocole.
Dominique Mbassi