Cameroun – Affaire Atangana Kouna: un déni de justice ?

Basile Atangana Kouna

Tribunal criminel spécial. Les prochaines audiences sont programmées les 10 et 11 août 2021.

Le 17 juin dernier, l’ancien ministre de l’Eau et de l’Energie, limogé le 2 mars 2018 et placé en détention provisoire à la prison centrale de Kondengui, le 23 mars de la même année, était à nouveau devant les juges duTcs (Tribunal criminel spécial). D’entrée de jeu, la présidente de cette juridiction, madame Bahounoui Annie Noëlle Batende a demandé à l’avocat général, Wessiba David, d’inviter le représentant de la Camwater, témoin de l’accusation désigné par le parquet général, pour être interrogé sur les faits reprochés à Basile Atangana Kouna et ses coaccusés, tous faisant partie de la gestion de Jean William Sollo. Tout comme à la précédente audience, les avocats de Basile Atangana Kouna, en l’occurrence maîtres Atangana Ayissi Michel, Luc Sack et Yossa Kamga n’étaient pas présents à l’audience. La cause a été renvoyée à la demande du représentant desdits conseils, maître Djon invoquant les raisons sanitaires liées à la pandémie du coronavirus, rappelant au passage que maître Atangana Ayissi Michel avait adressé à la présidente du Tcs une requête dans ce sens. Après une brève suspension de l’audience suite au débat qui s’en est suivi, les prochaines audiences sont programmées les 10 et 11 août 2021.

L’on se souvient que dans le cadre de cette affaire, le président de la République, usant de ses pouvoirs constitutionnels, a prescrit l’arrêt des poursuites engagées contre l’ancien ministre le 2 décembre 2020, instructions contenues dans une correspondance du ministre d’ État, secrétaire général de la présidence de la République, adressée au Garde des sceaux , Laurent Esso .

Alors que tout présageait la libération de l’ancien ministre de l’Eau et de l’Energie, l’opinion publique nationale et internationale s’interroge toujours sur la non application de la décision du chef de l’État, du reste, président du Conseil Supérieur de la Magistrature.

Pourtant, selon les experts du droit, les dispositions de l’article 18 de la loi numéro 2011/028 du 14 décembre 2011 portant création du Tribunal criminel spécial précisent qu’ « en cas de restitution du corps du délit, le procureur général près le tribunal peut, sur autorisation écrite du ministre de la Justice, arrêter les poursuites engagées avant la saisine de la juridiction de jugement. Toutefois, si la restitution du corps du délit intervient après la saisine de la juridiction de jugement, les poursuites peuvent être arrêtées avant toute décision au fond ».

L’on s’étonne que depuis le 2 décembre 2020, date d’une note du ministre d’État, secrétaire général de la présidence de la République, répercutant au ministre d’ État, ministre de la Justice, garde des Sceaux, les hautes directives du président de la République soient restées lettres mortes.
Certains magistrats approchés par notre rédaction semblent ne pas comprendre la logique de ce qu’ils considèrent comme un déni de justice. La correspondance du Sg/ Pr indique pourtant avec clarté et sans ambages les hautes directives du chef de l’État, s’appuyant sur la législation camerounaise. Plus de 7 mois après, la décision présidentielle n’est toujours pas suivie d’exécution.

Selon les avocats de Basile Atangana Kouna, la disjonction des procédures prescrite par le président de la République n’a pas non plus été appliquée. L’ ancien ministre, curieusement, est le seul responsable de sa période de gestion poursuivi pour les questions essentiellement liées à la conservation des pièces comptables de l’ex-Snec ( 2002 – 2004 ) et à la réforme des véhicules au profit du personnel utilisateur de l’ex- Snec, bien que tous les fonds aient été entièrement reversées dans les caisses de l’entreprise. Les mêmes avocats précisent qu’au moment de l’audit prescrit par le parquet général en 2017 à la suite d’une plainte contre X déposée par M. Sollo, l’ancien ministre n’ était plus en fonction pour répondre de l’absence des pièces comptables de la Snec, dissoute en 2008, à la suite d’une assemblée générale extraordinaire présidée par le ministre des Finances de l’époque, M. Essimi Menye et qui avait félicité l’ancien administrateur provisoire de la Société Nationale des Eaux du Cameroun pour le travail accompli aux côtés du gouvernement en vue de la restructuration du système d’approvisionnement en eau potable en milieu urbain et périurbain. Un ancien cadre de cette entreprise rappelle d’ailleurs, sous anonymat, qu’une lettre de félicitations du président de la République avait été adressée à M. Atangana Kouna sous couvert du ministre d’État, secrétaire général de la présidence de la République de l’époque, Jean Marie Atangana Mebara.

Malgré toutes ces incongruités, selon ses avocats, Basile Atangana Kouna a décidé de restituer le corps du délit comme le précise la loi, pour ne pas rester en prison, indéfiniment, connaissant la lourdeur et la lenteur des procédures du Tcs, qui durent parfois pendant plus d’une décennie. Qui a intérêt à garder, éternellement, Basile Atangana dans les geôles, infestes et puantes, de Kondengui? Question à un sou.

F.E.

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