Malgré le caractère sobre que le chef de l’Etat Paul Biya voulait donner aux obsèques de sa belle-mère, le «messie » de 1982, a été rattrapé par la rançon de la gloire et la charge d’assaut des courtisans, l’embastillement des apparatchiks et l’establishment institutionnel qui rampe à ses pieds.[pagebreak]Le président de la République, Paul Biya, voulait organiser des obsèques austères et sobres au titre du dernier hommage à sa belle-mère Mboutchouang, née Ndongo Mengolo Rosette Marie. Dans le message d’annonce du programme desdites obsèques, publié par le directeur du cabinet civil, Martin Belinga Eboutou, on pouvait bien lire la mention «dans la plus stricte intimité». Un accueil de la dépouille à l’aéroport international de Yaoundé-Nsimalen; une veillée à la résidence familiale au domicile du défunt quartier Bastos; des messes et recueillement; une levée de corps à l’hôpital Général de Yaoundé; une messe à la cathédrale Notre-Dame-des-Victoires de Yaoundé; départ pour Mvomeka’a; une messe solennelle de veillée… Aujourd’hui vendredi, inhumation dans la plus stricte intimité. On y voyait à première vue, de la frugalité.
En guise de célébration de la mémoire de l’illustre disparue, les Camerounais étaient invités sans y être trop forcés à verser des larmes, à manifester la profondeur de leur dernier hommage; leur sentiment de gratitude et un attachement inestimable que mérite bien une femme au grand cœur qui prenait du plaisir à partager son bonheur matériel que le destin lui offrait. Femme débordante de générosité, Mboutchouang, née Ndongo Mengolo Rosette Marie a mis son audace au service d’autrui. C’est tout naturellement que l’on observe la mobilisation devant la perte de cet être chèr. Mais quand même ! Il y a eu assez de complaisance, la comédie du pouvoir et la diversité des abus mêmes les plus spectaculaires et insensés des affidés du régime du Renouveau, des courtisans, les nombreux caciques et dinosaures qui encerclent et prennent Paul Biya en otage. Par un zèle indescriptible, ils ont imposé le service minimum dans la ville de Yaoundé. Il est certes vrai que depuis deux semaines, bien avant l’arrivée de la dépouille au Cameroun, les services de la morgue de l’hôpital Général de Yaoundé n’étaient plus accessibles au prétexte d’une totale réfection. L’heure était à la débrouille ; tout le pavillon de la morgue qui sert d’office religieux était bloqué. «Les gens sont obligés de s’exposer dans les couloirs entre les salles d’hospitalisation et le restaurant qui d’ordinaire est stérilisé. Du coup, il y a lieu de craindre des contaminations» explique un médecin.
Grands corps de l’Etat
Entendu que le cabinet civil s’occupe de toutes les affaires privées de la présidence de la République ; la belle-mère du président Paul Biya en faisant partie, l’on pouvait fermer les yeux sur cette curiosité à savoir que ce soit le directeur du cabinet civil qui a annoncé le décès de Mboutchouang, née Ndongo Mengolo Rosette Marie ; signé et fait publier le programme du deuil. Et encore, le protocole d’Etat a été mis en branle, toutes les forces de sécurité en mouvement aux frais du contribuable. La plus grosse curiosité est venue de tous les grands corps, chefs des institutions camerounaises. De l’accueil de la dépouille à l’aéroport international de Yaoundé-Nsimalen en passant par les différentes veillées à la résidence familiale, les messes, la levée de corps à l’Hôpital général de Yaoundé, la messe à la cathédrale Notre-Dame-des-Victoires de Yaoundé, ils étaient là. Toutes les personnalités de la République étaient mobilisées pour pleurer la belle-mère de Paul Biya. Ils ont encore abandonné leurs postes de travail hier.
Outre les présidents du Sénat, de l’Assemblée nationale, de la Cour suprême, le Premier ministre ; l’on pouvait percevoir : les membres du gouvernement au grand complet, directeurs généraux, directeurs de l’administration centrale, sénateurs, députés, maires, délégués du gouvernement… Jusqu’aux chefs de service. Ils étaient tous, en flagrant délit d’absence au travail. Malgré l’annonce d’une inhumation dans la plus stricte intimité à Mvomeka’a ce jour, pourrait se poursuivre, le déploiement de la bureaucratie administrative de Paul Biya dans son bunker présidentiel à son village natal. Sinon, comment expliquer la fanfaronnade d’Issa Tchiroma ? Le ministre de la Communication, porte parole du gouvernement autoproclamé, a fait feu de tout bois, au point d’accréditer des journalistes à la couverture des obsèques à caractère «solennellement» privé. Il a fait tout aussi dans la démesure comme celui qui a décidé que les routes soient barrées ; la circulation interrompue. Les plus nantis et bien positionnés, ont mis et mettrons encore à contribution : les biens de l’Etat, les structures, les voitures, le carburant de l’Etat, pour des activités purement privées du couple présidentiel.
Du coup l’on commence à spéculer si, pour régler cette affaire, il n’était pas opportun pour le chef de l’Etat, de décréter des obsèques officielles, nationales pour sa belle-mère. Un tel décret présidentiel, aurait fait éviter le deux poids deux mesures ; et surtout permis à tout le monde de pleurer la belle-mère du chef de l’Etat…
Focal: A qui profite cette agitation ?
Hier encore, à cause des obsèques officielles « dissimulées » pour la belle-mère de Paul Biya, la journée de travail, a été rude ; surtout pour les débrouillards, les chefs des entreprises privées et les employés du secteur de l’informel… La paralysie de tous les axes routiers a rendu la circulation difficile. Le parterre de courtisans et des prébendiers, spécialistes pour la majorité, du chantage alimentaire ; plus promptes à profiter des privilèges du système, a une fois de plus indigné le peuple. Les populations ne s’en sont pas données à cœur joie. Toute chose qui a rallumé les braises de la contestation et provoqué l’impression d’un ras-le-bol. Lasses d’affronter des routes barrées, mécontentes contre l’arrogance et les abus divers des hommes en tenue, les Camerounais les plus fragiles (happés par la spirale du désespoir), en sont venus à maudire le sort ; du fait de ne pouvoir accéder à leur lieu de travail. « Le président de la République Paul Biya pouvait organiser des obsèques solennelles en hommage à sa belle-mère au palais d’Etoudi et nous laisser tranquilles » se plaint une femme enceinte, incapable d’accéder à l’hôpital central de Yaoundé.
Au lieu d’aiguiser les haines, les rancœurs et l’indignation collectives, les collaborateurs du chef de l’Etat Paul Biya gagneraient à épargner aux Camerounais, le stress permanent de la mal vie, de la misère et de la galère. On attend de Paul Biya qu’il invente une nouvelle République qui fait de la justice sociale, l’équité et la juste répartition des fruits de la croissance. Seule cette empreinte d’une nouvelle gouvernance peut être salutaire pour le Cameroun. Alors des abus comme celui d’hier en plein cœur de la capitale…Etait-ce nécessaire ?