237online.com

L'ouverture sur le Cameroun

Batailles politiques: La Lékié à nouveau au bord de l’implosion

les vieux démons de la division dans la Lékié

De nouvelles dissensions tracent les sillons de querelles intestines à venir au sein de l’élite politique de cette localité où se développe malaisément, une dynamique de déstabilisation alimentée par des actions qui consacrent les clivages sur l’action politique locale.

Murmures et bruits de dissensions circulent depuis la remise du don présidentiel du matériel contre le Covid-19 pour le compte de ce département, dont la cérémonie était présidée, le vendredi 5 juin 2020, à Monatélé par le ministre, Chargé de mission à la présidence de la République, Benoît Ndong Soumhet. Un évènement, un lieu, du matériel pour la croisade contre cette pandémie dont l’élan de mobilisation nationale s’est déporté dans l’arrière pays, les localités les plus reculées du Cameroun.

La Lékié a reçu sa part du butin : des masques barrières estampillés d’une société pétrolière locale, dirigée par un fils de la Lékié, des gels hydro alcooliques, des cartons de savons, cartons d’huile végétale, des riz en sacs de 25 Kgs des sceaux à robinets, atomiseurs, des produits désinfectants, des cubitainers lave-mains etc. Soit un coût total, estimé à près de 290 millions de Fcfa. Les populations bénéficiaires étaient en majorité représentées par les élus locaux, les autorités et notabilités traditionnelles. Dans le décor des présences, des absences significatives. Le ministre des Domaines, du cadastre et des affaires foncières Henri Eyebe Ayissi, Chef de la commission départementale du Rdpc, le Secrétaire d’Etat à la Défense Galax Etoga et d’autres personnalités très connues dont les absences laissent songeur.

Querelles politiques intestines

Dans un extrait diffusé à la télévision nationale (Crtv), Benoît Ndong Soumhet va déclarer que, le don présidentiel du matériel contre le Covid-19 dans le département de la Lékié, remis aux populations s’effectue en solidarité avec toutes les élites dont les absences seraient liées à un problème d’agenda personnel. Propos sincères ou canular. Selon nos sources, la cérémonie de remise du don présidentiel à Monatélé est loin d’être un fait anecdotique.

Elle ressuscite de l’avis de nombreux observateurs les vieux démons de la division dans la Lékié. Les premières lignes de dissensions étaient déjà perceptibles au lendemain d’un découpage politique décidé par le comité central du Rdpc qui renvoyait les membres du gouvernement et d’autres personnalités de ce département dans leur bord sociologique respectif. Ce qui fait dire à certains que la Lékié serait sous le coup d’assauts de balkanisation de cette localité. Certains habitants rencontrés nous ont révélé que ce département surfe sur des vagues incessantes de querelles politiques intestines sur la question du leadership.

En dépit de la dynamique impulsée par Henri Eyebe Ayissi autour du concept de l’« union sacrée », difficile de s’accorder sur un véritable élan de solidarité dans cette localité. Et les effets de cet imbroglio restent visibles. Les résultats du double scrutin des municipales de février dernier auront été mitigés favorisant le partage des sièges avec les partis d’opposition à la mairie de Monatélé entre le Rdpc et le Parti de l’Alliance Libérale (Pal) de Célestin Bedziguiet le Fdc du jeune Dénis Emilien Atangana. Conséquences de dissensions qui profitent à la renaissance d’une opposition politique qui fait son lit dans ces batailles sans fin.

A qui profite la déstabilisation ?

La Lékié n’est pas toujours sortie des sentiers battus des frondes et de discordes fratricides liés à des confrontations ouvertes, parfois relayées sur la place publique entre personnalités et têtes de proue de ce département. Le calumet de la paix fumé il y’a quelques années entre frères protagonistes, distille encore les hoquets de vastes dissensions. Des sources crédibles évoquent la main mise d’officines tapies dans l’ombre, y compris jusqu’à la présidence de la République pour maintenir une vraie dynamique de déstabilisation de cette localité, alimentée par des actions qui consacrent les cloisonnements et les clivages sur l’action politique locale. D’autres n’hésitent pas à voir les germes de cette déstabilisation s’étendre jusqu’à la géopolitique au sein du Sérail.

L’actuel gouvernement de Dion Ngutea consacré trois fils de ce département issus de trois localités de la configuration géo sociologique de la Lékié. Si Henri Eyebe Ayissi reste le seul titulaire d’un portefeuille ministériel, le Ministre Chargé de mission Benoît Ndong Soumhet flirte avec une proximité influente à la Présidence de la République dont certains lui attribuent les bonnes grâces du Secrétariat général Ferdinand Ngoh Ngohdont la filiation étroite avec le Secrétaire d’Etat à la Défense Galax Etoga est régulièrement évoquée. Un analyste qui a requis l’anonymat persiste sur l’idée que tous les enjeux de la discorde se déroulent autour de ce noyau dur. La querelle du leadership dans le département de la Lékié apparaitrait alors comme la conséquence inévitable d’un bras de fer, hier encore ouvert, mais resté aujourd’hui, toujours latent.

La Lékié et l’alternance au Cameroun en question

Difficile de ne pas envisager cette perspective qui a pourtant ouvert un champ de bataille sans précédent dans cette localité. La côte de solidarité et de soutien au pouvoir en place par ce département, reste une vieille et longue histoire, pardelà les générations de ses fils, personnalités influentes du Sérail originaires de ce département. L’idylle entre Paul Biya et la Lékié, comme le soulignait le feu journaliste Gilbert Tsala Ekani est une relation d’« amour et de raison » malheureusement qui suscite des appétits aiguisés de positionnement, sur fond de luttes d’influences, vis-à-vis du pouvoir d’Etoudi.

En rappel, les initiatives d’envergure, à l’instar de l’élan de solidarité ou de mobilisation nationale, sont partis de cette localité. La lutte contre Boko Haram à travers l’effort de guerre, les soutiens financiers à la candidature de Paul Biya à la dernière présidentielle dans son actuel mandat que nombreux s’accordent à dire que c’est un mandat de trop. Si l’on lorgne toujours le ciel nuageux de l’alternance au Cameroun après Paul Biya, il reste que cette échéance laisse la voie ouverte aux nombreux conflits, de luttes de positionnement et de rivalités, des joutes politiques à l’échelon certes locale, en l’occurrence dans la Lékié, mais qui ont une incidence dans la géopolitique nationale. Des lignes de fractures qui apparaitraient dès lors que les itinéraires et les agendas des différents protagonistes seront opposés. Affaire à suivre…

Franck ESSOMBA

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *