Barreau du Cameroun : Le bâtonnier Charles Tchakouté remplace Jackson Gnié Kamga

Rejeté par ses confrères au terme de l’élection des 15 membres du conseil de l’ordre des avocats du Cameroun lors de l’assemblée générale élective des 24 et 25 novembre à Douala, le bâtonnier sortant s’est désisté.

Candidat à sa propre succession à la présidence du conseil de l’ordre des avocats du Cameroun, maitre Jackson Gnié Kamga a orchestré un coup de
théâtre hier, au terme de la première étape du processus devant aboutir à l’élection du nouveau bâtonnier de l’ordre des avocats du Cameroun.
L’assemblée générale élective a débuté samedi, 24 novembre 2018 au Castel Hall à Douala en présence de près de 1200 hommes et femmes de loi, et s’est achevée tard dans l’après-midi de dimanche. Les travaux étaient présidés hier par maitre Evaristus Morfaw qui, quelques heures plus tôt, a été élu président de l’assemblée général, en remplacement de maître Nico Halle. Classé 10ème dans la liste des 15 membres du conseil nouvellement élu, maitre Gnié Kamga a probablement pressenti la bourrasque qui se profilait sous des horizons déjà assombries, aussi a-t-il renoncé à poursuivre la course à la présidence du conseil de l’ordre. Du coup, maitre Charles Tchakouté Patié, qui demeurait le seul en lice, s’est retrouvé sur orbite, sous les projecteurs.

En ce moment-là, il aurait suffi d’une simple acclamation de l’assemblée, suivie de la proclamation de maitre Tchakouté Patié comme bâtonnier. Mais, fidèle au principe du barreau, qui est une instance de promotion de la démocratie et des droits de l’homme, le nouveau président de l’assemblée
générale a décidé de poursuivre le processus électoral jusqu’à son terme. Au terme du scrutin et des dépouillements, maître Tchakoute Patié est élu à la majorité de 988 voix pour un mandat de deux ans renouvelable. Dans la foulée, il est proclamé bâtonnier. Il succède à Jackson Gnié Kamga, qui a passé presque ces quatre dernières années à ce poste. Le bâtonnier sortant aurait dû remettre son poste en compétition depuis 2016. Mais, à cause de la crise anglophone, qui déclenche en octobre de la même année, les élections n’ont pas pu être organisées, officiellement pour des raisons sécuritaires : en effet, les deux régions anglophones du pays sont, depuis lors, entre les feux nourris des forces de sécurité nationale, aux prises avec des bandes rebelles réclamant la sécession de ces deux régions.

Avocats bastonnés

Ils sont d’ailleurs nombreux, les avocats qui soutiennent que l’attitude du barreau face à ce connait, explique en partie le vomissement presque concerté et quasi unanime du bâtonnier sortant. Même si maître Gnié Kamga, dans son bilan, se vante d’avoir effectué des dizaines de voyages dans les deux régions sinistrées, histoire de s’enquérir de la situation, bon nombre de ses confrères dénoncent le mutisme du conseil sortant face aux exactions perpétrées sur des hommes et femmes en robe, alors que ceux-ci manifestaient pour revendiquer, entre autres, la prise en compte des spécificités du système judiciaire du Commonlaw pratiqué dans les régions anglophones, et héritées du système juridique britannique, qui a exercé un mandat sur cette partie du pays. Une avocate résidant à Bamenda, dans la région du Nord-Ouest, nous a confié sous anonymat, que la crise anglophone a mis au grand jour la faiblesse du barreau camerounais. « J’attends qu’ils restaurent l’image du barreau. Le barreau est supposé être un. L’intérêt de chaque avocat est supposé être protégé. Par exemple, avec la crise anglophone, nous avons vu comment des avocats anglophones étaient tabassés, le conseil de l’ordre est resté silencieux, ils n’ont rien dit. Nous attendons du nouveau bureau qu’il prenne soin des intérêts de chaque avocat », a-t-elle affirmé, après avoir déploré les discordes au sein d’un barreau à unifier.
Un autre avocat, qui assume le rôle de premier plan qu’il a joué dans la déchéance de maître Gnié Kamga, affirme que la corporation a attendu en vain du barreau qu’il condamne fermement et avec la dernière énergie, cette barbarie ignominieuse de la police et de la gendarmerie. Le frondeur reproche également au bâtonnier sortant son « élitisme » . « Le bâtonnier n’est pas le plus grand avocat, il est tout juste le représentant de la corporation. Or, le bâtonnier sortant n’a jamais été aux côtés de ses confrères qui souffrent, qui ont un problème. Tout récemment à Douala, lors d’une manifestation du Mrc, maître Ndoki et un autre confrère ont été brutalisés par les forces de l’ordre. Les oreilles de notre confrère saignaient quand il est arrivé à l’hôpital. Le bâtonnier est resté de marbre », soutient le juriste.

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