Denis Nkwebo, président du Syndicat national des journalistes du Cameroun: «Nous récusons la commission de délivrance de la carte de presse et son président Séverin Tchounkeu»

Le président national du Syndicat national des journalistes du Cameroun invite ses membres à ne pas solliciter la carte de presse que va attribuer son nouveau dirigeant, accusé d’être celui qui va aider le gouvernement à museler les journalistes camerounais.[b]Séverin Tchounkeu, le nouveau président de la Commission de délivrance de la carte de presse vient d’être installé. Comment le Syndicat national des journalistes du Cameroun a-t-il réagi à sa nomination ?[/b]
Le Syndicat national des journalistes du Cameroun a pris acte de la nomination de monsieur Séverin Tchounkeu comme président de la Commission nationale de délivrance de la carte de presse et réitère sa position de presse et réitère sa position selon laquelle cette commission est nulle et de nul effet. Nous avons récusé la commission et par conséquent, nous récusons son président. Pour la simple raison que notre syndicat, affilié à la Fédération internationale des journalistes ne peut pas du tout accepter que le gouvernement de la République du Cameroun se charge de délivrer les cartes de presse par personnes interposées aux journalistes. Comme cela se fait dans le monde entier, une carte de presse qui matérialise la reconnaissance de pairs ne peut être délivrée à un journaliste que par une organisation de pairs au sein d’une commission paritaire constituée de représentants élus des patrons de presse et de représentants élus des employés de presse. Toute commission qui ne correspond pas à cette cartographie-là est nulle et de nul effet.

[b]Concrètement, comment manifestez-vous votre rejet ?[/b]
Le Syndicat national des journalistes du Cameroun est l’organisation professionnelle la plus représentative du secteur des médias au Cameroun. Personne ne nous conteste ce leadership. Le Syndicat national des journalistes du Cameroun est membre affilié à la Fédération internationale des journalistes. Et les membres de notre organisation sont éligibles à la carte internationale de presse que la Fédération internationale des journalistes seule délivre à travers le monde. Nous n’allons pas nous attaquer à la commission qui est une commission mise sur pied par le gouvernement pour remplir une mission que le gouvernement connaît. Seulement, nous n’allons pas inciter nos membres à solliciter une nouvelle carte. Cela participerait du suicide professionnel. Le Syndicat national des journalistes du Cameroun qui avec ses 500 membres est de loin plus fourni que les membres de toute autre organisation professionnelle ne va pas solliciter la carte gouvernementale. Nos membres vont se contenter de cartes du Syndicat et de celles délivrées par la Fédération internationale des journalistes. Une campagne internationale est en cours pour doter les membres affiliés de la Fij de ces cartes-là. L’avantage étant qu’elle ne sera pas une carte qui permet d’entrer uniquement au Palais de l’Unité ou à la Primature. Elle vous permet d’accéder dans tous les milieux à travers tous les pays qui reconnaissent la carte de la Fédération internationale des journalistes comme seule carte internationale de presse.

[b]Avez-vous fait part de vos griefs à ceux qui ont constitué la commission de délivrance de la carte de presse ?[/b]
Nous avons exprimé par différents canaux notre point de vue au gouvernement et nous constatons qu’il est déterminé à contrôler l’opinion des journalistes. Nous avons eu des contacts avec le Sénat et l’Assemblée nationale et la Présidence de la République effectivement. Mais nous nous sommes rendu compte qu’ils veulent caporaliser les journalistes. Notre syndicat est justement là pour lutter contre toute caporalisation de la presse. Nous travaillons pour la liberté des journalistes, la liberté de la presse, le respect des droits corporatistes des travailleurs de médias sous les conventions 87 et 98 de l’Organisation internationale du travail et sous principalement les chapitres 1 et 10 de la Charte universelle des journalistes qui est la Charte de Munich. Le gouvernement n’est pas notre interlocuteur. Nous sommes des employés de presse. Notre interlocuteur en tant que syndicat de travailleurs de médias ce sont les employeurs, les patrons de presse. Nous n’avons aucune obligation de travailler avec le gouvernement. Nous n’en avons pas besoin. Nous sommes des travailleurs et notre but en tant que syndicat, c’est de lutter pour que les droits fondamentaux des travailleurs soient respectés. Et l’un des droits fondamentaux des journalistes, c’est au moins ce qui est regroupé dans les chapitres 1 et 10 de la Charte de Munich. Pour cela donc, nous ne pouvons pas nous soumettre au diktat d’un organisme que le gouvernement met sur pied en y nommant des gens qui sont des obligés.
Je veux dire, s’agissant notamment du président, de la commission de la carte de presse que monsieur Séverin Tchounkeu a refusé de signer la Convention collective nationale des journalistes et des professionnels des métiers connexes de la communication sociale au Cameroun. Monsieur Séverin Tchounkeu s’est vanté, publiquement, d’avoir bloqué le processus d’application d’une convention collective dans le secteur au Cameroun. Je suis au moins sûr que les employés du groupe qu’il dirige ne sont pas les mieux lotis en matière de protection sociale. Or, l’une des conditions édictées par le gouvernement pour avoir accès à la carte de presse, c’est au moins une affiliation à la Cnps, la détention d’un contrat de travail. Or est-ce qu’aujourd’hui, le gouvernement a tenu compte du fait que tous les employés du groupe La nouvelle expression n’ont pas de contrat de travail et qui ne sont pas tous affiliés à la Cnps, pour y nommer son Pdg. Cela pose un problème moral, professionnel même si nous n’avons aucun problème avec monsieur Tchounkeu qui est du milieu de la presse. Sauf que nous n’avons pas non plus de fixation sur sa personne. Nous parlons de principes et nous nous en tenons aux principes.

[b]Propos recueillis par Robert Ndonkou[/b]

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