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Ahidjo condamnation mort : Le Cameroun face au traumatisme d’un procès fantôme

Amadou Ahidjo

Il y a exactement 41 ans, le 28 février 1984, le Cameroun inscrivait dans son histoire l’une de ses pages les plus sombres et controversées. En seulement cinq jours d’un procès expéditif, Ahmadou Ahidjo, l’homme qui avait dirigé le pays pendant 22 ans et orchestré une transition apparemment pacifique du pouvoir, était condamné à mort par contumace pour « complot contre la sécurité de l’État ». Une sentence qui continue de hanter la mémoire collective nationale.

La fracture politique qui a déchiré le Cameroun en 1984

Cette condamnation à mort par « fusillade sur la place publique » n’était pas anodine. À peine 18 mois après avoir volontairement cédé son fauteuil à Paul Biya, Ahmadou Ahidjo se retrouvait subitement transformé en ennemi public numéro un. Les accusations portées contre lui ? Avoir prétendument organisé des réunions séditieuses le 18 juin 1983, visant à « mettre le chef de l’État dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions » et à « entraîner le pays dans des troubles graves », notamment une possible sécession du nord-Cameroun.

Ahidjo condamnation mort : Un verdict prononcé dans l’absence et le silence

Le procès lui-même fut marqué par des anomalies flagrantes. Exilé en France dans sa propriété de Grasse, Ahmadou Ahidjo ne reçut jamais sa citation à comparaître, celle-ci ayant été envoyée à son domicile de Garoua. Cette manœuvre procédurale permit de le déclarer « en fuite » et de mener le procès sans sa présence ni celle d’une véritable défense.

C’est depuis Tunis que l’ancien président apprit sa condamnation à mort, prononcée par un tribunal militaire dont l’impartialité était questionnée par de nombreux observateurs. Ce jugement s’inscrivait dans une séquence politique tendue, marquée par sa démission forcée de la présidence de l’Union nationale camerounaise en août 1983 et ses accusations publiques contre son successeur d’avoir instauré « un régime policier de terreur ».

Une plaie jamais refermée : La dépouille d’Ahidjo toujours en exil

Si Paul Biya finit par gracier son prédécesseur, le mal était fait. Jamais Ahmadou Ahidjo ne reverra le Cameroun. Mort en exil au Sénégal en 1989, sa dépouille repose toujours dans le cimetière de Yoff à Dakar, symbole persistant d’une réconciliation nationale inachevée.

Cette absence de sépulture nationale pour le premier président du Cameroun indépendant illustre la complexité de l’héritage d’Ahidjo. Malgré les demandes répétées de sa veuve Germaine Ahidjo et de ses proches, le rapatriement de sa dépouille n’a jamais été autorisé par le régime de Paul Biya, prolongeant symboliquement cette condamnation au-delà de la mort.

Quarante-et-un ans après cette condamnation à mort, l’affaire Ahidjo reste une blessure ouverte dans la conscience nationale camerounaise, un chapitre non résolu qui continue d’alimenter les débats sur la réconciliation, la justice transitionnelle et la mémoire collective d’un pays qui cherche encore à faire la paix avec son histoire récente.

Par Laurent Diby pour 237online.com

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