Afrique Francophone: Du désamour de la France, parlons-en

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Soixante ans après les indépendances, le sentiment anti-français qui est certainement à son pic en Afrique aujourd’hui est entre autres, la résultante de déclarations publiques maladroites et controversées des chefs d’État français au sujet de l’Afrique.

Le 26 juillet 2007, à l’université Cheikh Anta-Diop de Dakar devant des étudiants, des enseignants et des personnalités politiques, Nicolas Sarkozy, fraichement élu à la tête de l’État français, prononce un discours très controversé sur l’Afrique et les Africains. Rédigé par son ami et conseiller Henri Guaino, ce texte aux accents paternalistes et au ton jugé condescendant est déclamé devant des Africains ahuris. Nicolas Sarkozy déclare notamment que la colonisation fut une faute tout en estimant que le « drame de l’Afrique » vient du fait que « l’homme africain n’est pas assez
entré dans l’Histoire. […] Le problème de l’Afrique, c’est qu’elle vit trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu de l’enfance. […] Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine ni pour l’idée de progrès ». Ce qui passe mal aux yeux des intellectuels et milieux politiques africains, c’est bien la référence à une incapacité de l’Afrique à entrer dans l’histoire. Tandis que certains pointent du doigt le colon venu faire la leçon aux assujettis d’hier, d’autres indiquent par contre que tant de propos querellés trahissent une parfaite méconnaissance de l’Afrique et même un entêtement du président français à ne pas vouloir connaître l’Afrique. Par la suite, la controverse donnera lieu à des invectives et une défiance des Africains à l’égard de la France et de la personne de Nicolas Sarkozy.

Élu en 2017, Emmanuel Macron n’a pas fait mieux, brillant lui aussi par des propos controversés jugés dégradant à la fois pour les Africains. Il n’est d’ailleurs pas exagéré de penser qu’il est le président français ayant eu des propos les plus controversés à l’égard du continent. Ainsi, deux mois seulement après son élection, alors qu’il est en visite dans le Morbihan en France, une vidéo le montre en train d’échanger avec des officiels, lors d’une visite au centre régional de surveillance et de sauvetage atlantique. L’un d’entre eux évoque différents types d’embarcations : « Il y a des tapouilles et des kwassa-kwassa. » « Ah non, c’est à Mayotte le kwassa-kwassa », relève alors le président de la République. « Mais le kwassa-kwassa pêche peu, il amène du Comorien, c’est différent », plaisante-t-il. L’allusion jugée insultante à l’endroit des migrants comoriens est fustigée et analysée comme l’expression du mépris nourri par l’homme d’état français à l’égard des Africains.

Dans ses prises de position et la communication en direction de ses homologues africains, Emmanuel Macron n’a pas non plus la réputation de parler avec toute la considération due à des homologues. L’on se souvient notamment du pavé dans la mare qu’il a jeté en décembre dernier, lors du sommet de l’Otan. Il exigé des dirigeants des pays du Sahel qu’ils « clarifient » leurs positions sur la présence des forces militaires françaises chez eux, dénonçant « l’ambiguïté » de « mouvements antiFrançais, parfois portés par des responsables politiques ». Une accusation à peine voilée qui suggère que ces dirigeants travailleraient à raviver le sentiment antifrançais dans cette région d’Afrique, ou l’armée français est engagée dans la lutte contre les groupes terroristes. Cette controverse qui a fait grand bruit et qui est retombée après que l’Élysée se soit lancé dans une clarification de propos assez peu diplomatiques, n’a pas contribué tout comme les prises de position de Macron à faire de la France, un pays très aimé en Afrique aujourd’hui.

Dominique Beling Nkoumba

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