Affaire du Pad : Brève sur l’intervention de la CCJA dans l’épiscopat du juge administratif camerounais

Regie du PAD

Le P.A.D suivant un Décret de 2020 est une entreprise publique dotée de la personnalité morale de droit privé.

Comme telle, elle est soumise aux dispositions de l’Acte uniforme OHADA sur le Droit des Sociétés Commerciales (ci-après désigné AUDSC), entre autres sur la base de son article 2. Du coup et en principe, l’activité du P.A.D rentre dans le domaine du commerce et ne devrait être connue que du Juge Judiciaire et donc de la CCJA en cassation.

Il faut néanmoins éviter des conclusions hâtives et martiales

L’analyse doit combiner le raisonnement des privatistes réputé stable, compact et rigoureux à celui des publicistes qualifié de dynamique, flexible et  »prudent ». En effet, l’article 916 AUDSC permet l’application aux entreprises publiques des règles dérogatoires à celles de droit commun des sociétés dans des cas précis, objets d’une réglementation nationale. C’est dans ce sens qu’il faut d’abord comprendre l’application à ces entreprises, de la Loi du 12 Juillet 2017 les régissant.

C’est dans le même sens qu’il faut comprendre l’application du Décret n°2018-355 du 12 Juin 2018 fixant les règles communes applicables aux marchés publics des entreprises Publiques. Ça paraît curieux, mais c’est logique car, ces entreprises ont un capital entièrement ou majoritairement public.

C’est également ce qui explique la qualification de détournement et non celle d’abus de biens sociaux que des Juristes cartésiens ont retenu sur la base de l’article 108 de la Loi du 22 Décembre 1999 régissant entreprises publiques et établissements publics, majestueusement repris et clarifiée par la Loi du 12 Juillet 2017 précitée en son article 112 sauf erreur.

Dès lors, on doit réaliser que le fait qu’elles soient des personnes morales de droit privé n’emporte pas nécessairement le droit de leur appliquer hâtivement seulement le droit privé.

La Loi n°1998/021 du 24 Décembre 1998 sur le secteur portuaire au Cameroun, modifiée par celle n°2001/04 du 16 Avril 2001 prévoit en substance que les institutions portuaires peuvent être gérées par des concessionnaires et qu’en cas de défaillance dûment constatée de ces derniers, l’institution peut décider de passer à la gestion autonome via la régie.

Avant de détailler, il faut relever que la concession en question est un mode de gestion du service public. C’est un contrat administratif dit de délégation de la gestion. La régie est également un mécanisme qui ne se comprend comme tel qu’en Droit Administratif.

En outre, une entreprise publique peut donc, sous le couvert de ces mécanismes poser des actes administratifs qui ne relèvent que de l’épiscopat du Juge Administratif.

On doit se souvenir qu’à l’origine du Contentieux en cause, le PAD a lancé un appel à candidature pour une concession. Une short liste de soumissionnaires présélectionnés a été dressée. On est donc dans le cadre des contrats administratifs et dans l’univers du droit Public.

Qui doit connaitre le contentieux qui s’en est suivi ?

L’analyse doit être agrémentée par le fait que le PAD, entreprise publique dotée de la personnalité morale utilise des mécanismes du droit public tels que ceux énumérés plus haut et même, le pouvoir de réquisition.

Notre modeste conclusion en deux temps est la suivante (je précise qu’elle se limite à la compétence et ne s’aventure par sur le fond).

1/ Les opérations entreprises sont et demeurent administratives et trouvent leurs fondements dans les dispositions des articles 916 AUDSC et celles des Loi du 12 Juillet 2017 sur les entreprises publiques, n°98/021 du 24 Décembre 1998 modifiée et par interprétation analogique, celles du Décret n°2018/335 du 12 juin 2018.

2/ Le Tribunal Administratif est absolument compétent. Ses décisions ne peuvent être connues en cassation que par la Chambre Administrative de la Cour Suprême du Cameroun.

La CCJA n’a aucun périmètre de compétence en la matière sauf à faire de l’alchimie judiciaire. Les articles 13 et 14 du Traité de l’OHADA qui fondent son office lui permettent de connaitre en cassation de toutes les décisions rendues en matière d’application et d’interprétation du droit OHADA. Le texte parle des décisions rendues certes, mais le Tribunal Administratif ne rend pas des décisions relatives à l’application ou à l’interprétation du droit OHADA.

En outre, la CCJA, clé de voute et sommet de la pyramide juridictionnelle de l’ordre judiciaire ne saurait confirmer, infirmer ou casser une décision du Tribunal Administratif qui statue en premier et dernier ressort dans le cadre de l’ordre administratif.

L’arrêt rendu le 28 Janvier 2021 par la CCJA rentre dans l’inédit et constitue un précédent isolable à notre avis.

MOUKÉTÈ ÉKOUMÈ, Juriste Tranversaliste

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