Togo: CUBES MAGGI, JAMILA, GINO, JUMBO… Des poisons lents dans nos assiettes

Ils se nomment Maggi, Sossa, Jamila, Jumbo, Gino, Cockzen, Onga etc.
Très prisés par les femmes africaines, ces bouillons alimentaires communément appelés cubes (à cause de la forme cubique de leurs premiers modèles) donnent une saveur particulière aux plats cuisinés. Malheureusement, les spécialistes sont unanimes pour reconnaître qu’ils représentent un véritable danger pour la santé des consommateurs. Une situation qui n’empêche pas l’industrie de bouillons de prospérer et de brasser plusieurs milliards de francs CFA chaque année. Au marché de Totsi dans la banlieue de Lomé, la boutique d’alimentation générale de Da Akoua ne désemplit pas. Les clients se succèdent, des bonnes dames pour la plupart, chacune venue faire ses courses pour la cuisine. Un produit de choix est présent sur leur liste d’achats à effectuer : les bouillons. Pour répondre à la forte demande, la gérante en propose tout un éventail : Onga, Sossa, Jamila, Magie Poulet, Jumbo, Gino, Cokzen, Evivi, Maxi Goût, Bonfood….. Pour des prix variant entre 15 FCFA et 25 FCFA l’unité. Ces produits sont un véritable plébiscite dans les ménages. Et pour cause. Mme Marcelline Akpi explique par exemple que « c’est le bouillon qui rend la sauce succulente ». Il faut reconnaitre que les cubes présentent trois atouts majeurs : ils sont exhausteurs de goût, augmentent le pouvoir nutritionnel des plats et stimulent l’activité de l’appareil digestif. De fait, toute une industrie très rentable s’est développée autour des bouillons alimentaires et des multinationales comme Unilever et Nestlé en ont fait leurs produits phares sur le continent. Si la plupart sont importées comme Cockzen venu de la Chine, certains sont produits en Afrique de l’Ouest. Notamment Maggi marque de Nestlé, de loin le préféré des consommateurs de la zone, fabriqué par des usines installées en Côte d’Ivoire et au Nigéria. Ou encore Sossa produit au Togo par la société Unifood installée dans la zone franche industrielle.

Grands risques pour la sante
Ce qui au départ était un simple additif destiné à donner du goût à la sauce, est aujourd’hui un ingrédient incontournable dans l’assiette des ménages. Il est devenu un élément constitutif des recettes de cuisine, remplaçant les épices traditionnels. Non sans danger. D’après les conclusions d’un atelier tenu à Bamako ( Mali) il y a quelques années sur le sujet, la consommation des exhausteurs de goût et autres arômes peut être à l’origine de graves maladies dont des troubles cardiaques, l’hypo ou l’hypertension, la gastrite, des troubles du comportement chez l’enfant, le gonflement de la prostate, les maladies de Parkinson, d’Alzheimer, la faiblesse s*e*xuelle chez l’homme, des saignements vaginaux, des troubles uro-génitaux. De fait, le principal problème de ces bouillons reste leur teneur importante en sel. « un cube peut concentrer 4,8 g de sel ; pratiquement la quantité de sel quotidienne recommandée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui est de 5g tout aliment confondu » relève un nutritionniste. Or, il n’est pas rare que les femmes mettent 3 à 4 cubes dans la même sauce, d’abord pour le déjeuner, ensuite pour le diner , et qu’elles ajoutent encore du sel à leur sauce en dépit de la mention « ne salez pas, ce produit remplace le sel» que l’on retrouve régulièrement sur les emballages. Sans oublier tous les autres apports en sel des aliments consommés dans la journée. C’est dire donc que la dangerosité des bouillons réside aussi bien dans leur composition que dans leur consommation excessive. « Les bouillons cubes quelles que soient les marques contiennent beaucoup de sel. Si on ajoute ce bouillon à toutes les sauces chaque jour, la limite indiquée par l’OMS pour la consommation du sel sera largement dépassée. Pourtant, en plus de ces cubes, les femmes ajoutent encore du sel. L’excès de la consommation de sel est nocif pour la santé, le cœur en causant des problèmes d’hypertension artérielle et par de là même, des complications cardiaques ou même rénales.» confirme Dr Bassuka, nutritionniste.

Substances toxiques :
Dans beaucoup de pays comme au Togo où la législation en la matière est permissive, le détail des ingrédients entrant dans la composition des bouillons n’apparait pas sur l’emballage. Pour autant, l’on sait que les bouillons sont fabriqués avec des ingrédients chimiques dont les plus utilisés ont pour nom scientifique glutamate mono sodique (GMS), guanylate disodique, inosinate disodique, ainsi que des huiles végétales hydrogénées et raffinées, des graisses animales, des extraits de viande, de poisson, de levure et de légumes. Certaines des substances utilisées peuvent s’avérer très nocives pour la santé humaine. Notamment le GMS (E 621) l’élément chimique à la base de la plupart des additifs alimentaires dont les exhausteurs de goût ( lire l’encadré), l’aluminium, un élément neurotoxique reconnu, l’arsénite et la dioxine deux substances considérées comme cancérogènes pour les humains, ou encore le perchlorobenzene, le triazine et le carbendazime des polluants qui proviennent souvent des pesticides.

Solutions alternatives
« Revenons à nos anciennes pratiques qui étaient les bonnes et je crois que notre santé sera meilleure. » conseille Dr Bassuka. « Beaucoup de gens sont convaincus que tout ce qui vient des industries ou est moderne est nécessairement meilleur. Or, il n’y a rien de mieux que des produits naturels » soutient-elle. Le « lanhonhoin » (du poisson en décomposition produit localement), s’il est bien préparé selon les normes et s’il n’est pas trop exposé au soleil ou aux mouches, ce qui revient à la pratique d’une bonne hygiène, peut faire l’affaire, estime- t-elle, expliquant que les Togolais ont toujours fait de la cuisine réputée de qualité avant l’arrivée des bouillons sur nos marchés. Elle a également recensé les crevettes séchées écrasées, les petits poissons, l’oignon, l’ail etc. qui peuvent selon elle, remplacer valablement le cube. Ou encore la menthe, le gingembre, les petits poissons fumés «dewôèvi». « Une longue liste de produits locaux existent et peuvent valablement remplacer les cubes de bouillons », a
estimé une commerçante d’épices et d’assaisonnements rencontrée dans le cadre de notre enquête. « Par exemple ici, nous avons la moutarde de néré communément appelé «Afiti». Mais le problème avec l’Afiti est qu’il faut le mettre en début de cuisson et non en fin parce qu’il contient un composant un peu toxique quand il n’est pas cuit, mais la cuisson permet d’évacuer cet élément. » a –t-elle indiqué.

Marc ABOFLAN, Focus Infos

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