France 24 ou Françafrique ? Quand France 24 relaie une agence de propagande politico-économique

Investir au Cameroun

Une drôle de pub que celle que France 24 a fait subir aux téléspectateurs, juste avant la diffusion du « Journal de l’Afrique » le 11 octobre dernier.

Trente secondes de Camerounais parfaitement immobiles face caméra, souriants mais pensifs, sur fond d’une musique new age et d’une voix off qui entonne : « On dit de notre pays qu’il est l’Afrique en miniature. Au Centre, du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, sa plus grande richesse ce sont ses hommes et ses femmes. Nous sommes tous différents mais ensemble nous partageons le même sentiment : Tous fiers d’être Camerounais ». L’effet de réel tourne à plein régime.

Pas de chance, à l’heure actuelle les Camerounais sont loin d’être tous fiers de l’être. Il y en a même beaucoup qui préféreraient être tout sauf. C’est que – et France 24 est forcément au courant – depuis plus d’un an les deux régions anglophones du pays sont en rébellion ouverte. Quelques centaines de civils tués, 300 000 déplacés, 40 000 exilés au Nigéria, des villages entiers brûlés par le régime de Yaoundé, comme en témoigne l’association Survie, régime soutenu par Paris depuis toujours, et par Washington depuis le 11 septembre 2001.

Ce qu’il y a de curieux dans le clip « Tous fiers d’être Camerounais », c’est que le nom du fier annonceur n’y figure nulle part. C’est la boîte parisienne Stratline Communication qui l’a fourni à France 24, comme l’indique son site fort édifiant (voir dernière icône au bas à droite du site internet). Spécialiste du publie-reportage bien connue en Françafrique depuis sa création en 2006, Stratline Communication se consacre en particulier à la gloire du régime Biya. Elle poussa même l’obligeance, en mai 2011, jusqu’à organiser, à la demande du dictateur, un séjour très confortable à une quinzaine de journalistes français, triés sur le volet.

Contactée, Yasmine Bahri Domon, directrice de Stratline Communication, précise que le spot a été justement concocté en 2011 pour fêter le 50ème anniversaire de la réunification des zones anglophones et francophones au lendemain de « l’indépendance » du Cameroun. Et d’exposer la stratégie de comm’ suivante : « Cette année – Stratline a décidé, au vu du contexte, de le diffuser de nouveau à nos frais. Le message est simple : éviter le « communautarisme ». » Un désintéressement d’autant plus louable que la cheffe de Stratline est également directrice du site « Investir au Cameroun » – dont l’intitulé est déjà tout un programme – et (pourquoi se priver !) présidente de la fondation EMA, basée à Genève, dont le but est « d’offrir aux acteurs économiques des pays en développement un meilleur accès aux capitaux, aux technologies, aux marchés et aux médias internationaux. ».

Elle ne voit pas en quoi « un message de paix et d’unité pourrait […] poser problème ».

La bonne vieille tentative de dépolitisation. Et pourquoi pas, en ouverture du JT de France 2, une ode à l’unité chinoise, chantée par une amie du parti communiste chinois ? Ouïghours et Tibétains n’ont qu’à bien se tenir.

Arnaud Labrousse, Action-CRItique-MEDias [Acrimed]

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