Cameroun – Centrale à gaz de Kribi: Pourquoi l’extension coince

Alors que cette phase est censée apporter une capacité additionnelle dans le réseau interconnecté Sud, le gouvernement freine les quatre fers.[pagebreak]La centrale à gaz de Kribi, entrée en production au mois de mai 2013, aurait à ce jour, dû faire l’objet de travaux d’extension. D’une capacité installée de 216 Mégawatts (MW), la puissance de cette infrastructure devait être portée à 330 MW, question de résorber le déficit structurel de l’offre énergétique du pays. «Lorsque la centrale a été pensée, il était question qu’elle comble le déficit de fourniture d’énergie ; mais malheureusement, à sa livraison, la demande avait cru de 100MW, ce qui fait que Kribi ne nous apporte qu’un peu plus de 100MW additionnels», confie un responsable de Kribi power development corporation (Kpdc).
Selon le chronogramme arrêté de commun accord entre le gouvernement et le concessionnaire de l’énergie électrique à l’époque, les travaux d’extension dont le montant s’élève à 65 milliards de Fcfa, auraient du être livrés en 2015, question d’éviter la survenance de délestages sévères au cours de l’étiage de cet exercice. Mais dans le secteur, l’on indique que le problème vient de la Société nationale des hydrocarbures (Snh), entreprise qui fournit le combustible à la centrale. «Kpdc est dans un contrat de «Take or pay» avec la Snh, c’est-à-dire que chaque mois, ils doivent enlever une quantité précise de gaz et payer la facture. Cependant, qu’ils le fassent ou pas, ils doivent remplir cette obligation contractuelle. La centrale ne tournant pas au maximum de sa puissance, les quotas de combustible ne sont pas enlevés», explique une source proche du dossier.
Du côté de Kpdc, on souligne que la centrale fonctionne à plein régime et produit plus de 180MW d’électricité. «Kribi produit l’énergie en fonction de la demande du marché et des ménages ; si on produit plus qu’il n’en faut, cela fait des pertes d’énergie, et celle-ci ne peut alimenter aucun foyer ou entreprise parce que personne n’en fait la demande. On peut admettre qu’il y ait des pannes de groupes, mais ce sont des incidents qui peuvent arriver», se défend-on à Kpdc.
Du côté de l’Agence de régulation du secteur de l’électricité (Arsel), l’on soulève d’autres aspects. «Il faut d’abord auditer toute cette infrastructure sur les plans technique et financier. D’après ce qui nous est revenu, la centrale n’a pas été construite suivant un modèle technologique bénéfique qui réponde à nos besoins», indique une source à l’Arsel. Elle poursuit : «la technologie utilisée à Kribi, c’est-à-dire des moteurs à pistons, est dépassée ; parce que cette centrale ayant été construite à Kribi, on aurait du utiliser des turbines et mettre en place un cycle combiné, à savoir produire l’énergie électrique avec du gaz et de l’eau», souligne un expert de l’Arsel.
Face à ce faisceau de problèmes, le gouvernement, selon des sources autorisées au ministère de l’Eau et de l’Energie ou encore aux Finances, a décidé de mettre en veilleuse les travaux d’extension, en attendant la réalisation de cet audit, condition sine qua non à tout investissement dans le projet d’extension. D’autres voix s’élèvent pour dénoncer un projet monté dans l’urgence, sans études approfondies, permettant de sélectionner les meilleures opportunités en termes de technologies et de financement. «Tous les projets qu’on monte dans l’urgence ouvrent la voie à toutes sortes de combines tant au niveau des choix technologiques que des finances. C’est pourquoi nous voulons voir clair dans cette centrale avant tout autre investissement», souligne une source gouvernementale qui, sous cape, révèle que les bailleurs de fonds ne sont pas prêts, pour l’instant, à investir dans le secteur de l’énergie au Cameroun, compte tenue de la conjoncture actuelle.
«En attendant, on fait quoi ? s’interroge-t-on à Kpdc. Si l’énergie n’est pas produite, ce sont les ménages qui vont encore souffrir des délestages». Au-delà, des incompréhensions sur la fourniture du gaz par la Snh éclatent. «Nous ne comprenons pas pourquoi Gaz du Cameroun livre le combustible à Eneo (la marque du repreneur de l’énergie au Cameroun) à 9 dollars (environ 4500Fcfa) le Btu alors que nous le faisons à 2,99dollars (moins de 1500Fcfa). Nous souhaitons nous aussi dans le cadre de notre contrat Kpdc et notamment pour ce qui est de l’extension, revoir à la hausse le prix du gaz», confie-t-on à la Snh.

Pierre Célestin Atangana

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