Paul Eric Kinguè : Le maire victime des émeutes de la faim

Interpellé lors des émeutes de février 2008 et condamné à six ans de prison, puis à dix ans, une troisième peine est en attente.Ses différentes sorties pour se rendre à la Cour d??appel du Littoral drainent toujours une foule de personnes. Parmi elles, des dizaines de personnes venues de Njombé Penja, l??arrondissement dont Paul Eric Kinguè a été le maire avant son arrestation le 28 février 2008. Paul Eric Kinguè est inculpé pour «réunion et manifestation, complicité de pillage en bande, activités dangereuses, obstacles sur la voie publique, attroupement, destruction, vol aggravé» pendant les émeutes de février 2008. Excepté ces sorties, pour des raisons de jugement, sa vie est

monotone. Néanmoins, il garde sa forme et affiche toujours fière allure. L??ex maire n??a rien perdu de sa superbe.Au contraire, il ne cesse de prendre des rondeurs même si sa vie sentimentale n??est pas du tout rose. Ce d??autant plus que «je suis en instance de divorce avec son épouse», informe t-il. Il aime donc se faire discret lors de ses multiples sorties de prison où il profite pour se refaire une beauté avant de regagner le pénitencier. Du fond de la prison centrale de Douala où il est occupe le bloc 3 de la cellule spéciale 18, ses journées sont quasi identiques. «Je me réveille avant 7h du matin. J??écoute les informations locales, la revue de la presse avant de me câbler sur les chaînes internationales. Ce n??est qu??après cela que je prend mon bain et mon petit déjeuner», relève t-il. La suite de ses journées se décline à l??écoute des informations du journal de 12h sur les chaînes étrangères telles que Tf1, France 2, Crtv. Ce d??autant plus qu??il est câblé à Tv+.Entre la sieste et les heures d??informations, Paul Eric Kinguè se consacre à la lecture et à l??écriture de son livre sur les conditions de détentions et les droits des détenus. La lecture, elle, est celle des livres des hommes politiques qui ont marqué le monde. Un programme quotidien qui est souvent perturbé par des visites car dit-il, «les visites inattendues perturbent mon planning. C??est pourquoi mes visiteurs me préviennent au moins un jour à l??avance. Ainsi, je l??intègre dans mon programme et me prépare à les recevoir». Ses journées s??achèvent tard après minuit après avoir suivi les éditions des journaux.Pourtant, s??adapter a été très difficile. Arrivé à la prison de Douala en mars 2008, Paul Eric Kinguè a dû faire face aux conflits d??ego avec les autres détenus de la cellule spéciale 18 qui ont, comme lui, occupé des hautes fonctions dans le public. Une adaptation rendue plus facile par la présence de Lambo Sandjo Pierre Roger, (Lapiro de Mbanga) incarcéré bien avant lui, toujours dans le cadre des émeutes de la faim. «Paul Eric Kinguè est un frère. Nous nous connaissions déjà bien avant. En plus, nous avons tous deux été incarcérés à la prison de Nkongsamba et nous avons été arrêté pour la même cause», aime dire Lapiro. Néanmoins, au fil du temps, la sympathie s??est installée avec les autres détenus Vip tels que Ngamo Hamani, Edouard Etondè Ekoto.AcharnementC??est que, les malheurs de M. le maire commencent au lendemain des émeutes de la faim, en février 2008. Paul Eric Kinguè, alors maire de la commune de Penja est arrêté le 28 février 2008 par une forte escorte escouade de militaires et gendarmes. Il est immédiatement conduit à la prison principale de Nkongsamba où il va cohabiter avec Lapiro de Mbanga interpellé lui aussi pour les mêmes faits. Le 19 mars 2008, le maire est déféré à la prison centrale de Douala, dans la cellule spéciale 18. Au terme du procès qui s??en suit, Paul Eric Kinguè dont le conseil d??avocat est conduit par Me René Manfo est condamné à six (06) ans de prison ferme. Pourtant, au cours du procès, Ambomo Guy Modeste, le seul de ses coaccusés qui a plaidé coupable dit avoir été payé pour accuser le maire. Les autres accusés tels que Kong Zachée, Kolla Mathurin disent avoir fait des dépositions accusant le maire sous la contrainte.Le vendredi 14 janvier 2010, une autre condamnation est rendue par le Tribunal de grande instance du Moungo à Nkongsamba. 10 ans de prison ferme. Le Tgi de Nkongsamba déclare Paul Eric Kinguè coupable de «détournement de la somme de 1.400 millions de Fcfa au préjudice de la mairie de Penja ; de coaction de faux, d??usage de faux en écriture publique». Il est accusé d??avoir scanné la signature de l??ex Sous préfet de Njombé Penja pour décaisser la somme de 1.400 millions Fcfa pour organiser la cérémonie de son installation dans ses fonctions de maire. Paul Eric Kinguè est poursuivi avec trois autres personnes : David Saba, receveur municipal, Polycarpe Nfongang, agent du secrétariat général et la secrétaire générale au moment des faits, Chantal Ndédi, épouse Tsala. Outre ces deux procès, un troisième jugement sera bientôt rendu contre lui par le Tgi du Moungo. Paul Eric Kinguè est accusé de détournement de la somme de 4.950 millions Fcfa. Somme qu??il avait perçu de la Spm (société des plantations de Mbanga) alors qu??il était encore maire pour installer un réseau d??eau Snec à l??hôtel de ville de Penja. Le tribunal de grande instance du Moungo à Nkongsamba s??est saisi de l??affaire.MusicienCependant, Paul Eric Kinguè qui n??a pas sa langue dans la poche a multiplié des lettres à l??endroit des autorités camerounaises et des chancelleries. Mars 2011, il menace de s??immoler avant l??élection présidentielle du 09 octobre 2011 si justice ne lui est pas rendu. Ce qui fait venir à son chevet, les services de renseignements extérieurs, les hommes politiques, la Commission internationale des droits de l??homme et des libertés, l??exhortant de ne pas mettre sa menace à exécution. Il se fait également remarqué par ses nombreuses lettres et plaintes. Le 07 mars 2011, il porte une «plainte avec constitution de partie civile contre sieurs Ntyame Ntyame Michel, président du tribunal de grande instance du Moungo et M. Bifouna Ndongo, Obama Obama tous deux procureur et substitut du procureur au Tgi du Moungo pour substitution des preuves matérielles». C??est dans ces circonstances qu??il apprend, le 08 mars 2011, le décès de son fils, Paul Eric Kinguè Junior, le jour même de son onzième anniversaire. Décès survenu à l??hôpital Laquintinie de Douala à la suite d??une transfusion sanguine.Un décès qu??il attribut à ses malheurs politiques. Néanmoins, ce dernier né d??une famille de 13 enfants dont 9 décédés ne regrette pas son choix de vie.«J??aurais pu être musicien», lance t-il avant de poursuivre. «Dans les établissements scolaires que j??ai fréquenté, j??étais dans le club musique et j??étais chanteur dans les concerts scolaires avec des personnes telles que Gabi Fopa, Valto N, Baïs Coper, Alain Foka, Guy Lobè». Paul Eric Kinguè était par ailleurs président des coopératives et chef d??orchestre au «Yaoundé university music», le club de musique de l??université de Yaoundé. Mais, face à la rigueur de ses parents, il ne choisira pas la musique et va plutôt poursuivre ses études universitaires. Pourtant, «j??avais le virus de la musique, mais, j??étais très obéissant à ma mère. Donc, je ne pouvais pas interrompre mes études», explique t-il. C??est ainsi qu??il obtient une Licence en droit privé francophone et, un an plus tard, un master en droit. Malgré son incarcération, Paul Eric Kinguè est actuellement inscrit en Master en science politique dans une université privée de Douala.Les affairesEn 1993, Paul Eric Kinguè s??envole pour L??Afrique du Sud grâce à un projet, le Festival international des arts universitaires dont il est le promoteur. Il est invité par l??université de Prétoria. Pendant son séjour en Afrique du Sud, Paul Eric Kinguè s??inscrit en Maîtrise de droit de l??environnement à l??université de Wist Waternrand de Johanesbourg. Il travaille ensuite pour le compte de la mission économique Sud africaine au Cameroun. Cette mission regroupe toutes les chambres de commerces Sud africaines, du Tchad, du Cameroun, de la Guinée Equatoriale, la République Centrafricaine, de Sao Tomé et Principe. Une activité qu??il mène parallèlement avec le courtage, l??importation des salons en cuire, des produits cosmétiques.Pourtant, c??est en 1995 que commence sa carrière politique. «Chaque fois que j??allais à Penja, j??étais marqué par la grande misère des populations dont le niveau de vie se dégradait eu fur et à mesure. Pour apporter ma contribution, j??offrais des sacs d??engrais, des fournitures scolaires, motos??». Face à cet élan de c??ur, les élites de la localité lui proposent de faire ses dons dans le cadre d??un parti politique, notamment le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) où il commence son ascension comme militant de cellule, puis, militant du comité de base, président de Sous section et maire. Une fonction qu??il n??exercera que quelques mois avant son arrestation. «Je souhaite juste que justice me soit rendu. Si je dois mourir pour une bonne cause. Ce serait pour moi une grande joie. J??irais me reposer près de mon fils», aime t-il dire.
 

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