Communication sur l'ordre naturel et la nécessité de langues officielles africaines pour l'Afrique

A Monsieur le Président de la Commission de l??Union Africaine, Addis Abéba, Ethiopie. J??ai l??honneur de soumettre à votre haute et bienveillante attention la Communication ci-dessus indiquée en objet. Je voudrais, toutefois, me permettre d??indiquer qu??il y a de cela trois ans, soit le 17 juillet 2005, je m??étais senti le devoir de saisir sur le même thème Son Excellence Monsieur Essy AMARA, alors Secrétaire Général de l??Organisation de l??Unité Africaine. Excellence Monsieur le Président de la Commission, comme je l??avais auparavant fait ressortir, l??objectif de la présente Communication qui se veut avant tout technique est de remettre, avec toute l??humilité requise, à l??ordre du jour, la question vitale

de langues officielles africaines.
Et pour cause, la nécessité d??une  langue officielle africaine pour l??Afrique fut l??un des thèmes dominants qui avait  marqué profondément les premières années des indépendances des pays africains. Il ne fait aucun doute, de notre humble entendement, qu??une telle noble requête fondée sur l??affirmation de l??identité africaine demeure et restera un  thème d??actualité pour le continent africain.
Monsieur le Président, les peuples africains, faut-il le rappeler ont hérité de la colonisation leurs langues de travail ou langues dites officielles. Aussi, du nord au sud et de l??est à l??ouest, les Africains communiquent-ils entre eux dans les trois principales langues que sont l??anglais , le français et le portugais. Il convient d??admettre que toute langue humaine est un instrument de rapprochement des hommes et de fraternisation des peuples. Autant nous continuons d??affirmer que dans le cadre de ??la question africaine??, le mal colonial est un mal absolu, autant nous devons reconnaître que la maîtrise de toutes langues étrangères est un acquis précieux qu??il faut analyser comme telle. Toutefois, la revendication légitime des Africains dès la première grande vague des indépendances dans les années 60 à vouloir se doter d??une langue officielle ou de travail est sans aucun doute conforme à l??ordre naturel et allait dans le bon sens. La langue choisie à l??époque était le ??Swahili??. Après pratiquement un demi- siècle d??indépendance, force est de reconnaître que l??Afrique ne dispose toujours pas de langue de travail ou langue officielle. Serait-il  donc normal au terme des infructueuses décennies passées de nous poser des questions sur les raisons d??un tel échec ? Nous sommes d??avis qu??il est non seulement normal mais impératif d??identifier les causes et de trouver et/ou proposer des solutions.  Aussi, convient-il à ce niveau et avant tout, de recourir à un bref rappel historique. Nous  voudrions donc noter que, toujours, durant cette période des années 60 ci-dessus évoquée, les peuples africains assistèrent à la naissance d??une doctrine connue sous le nom de panafricanisme. La doctrine du panafricanisme peut se définir à travers ses deux composantes que nous voudrions volontiers caractériser de facettes. Il s??agit d??une part de regroupement des pays africains sous forme de fédération d??où l??idée des ?? Etats-Unis d??Afrique?? et d??autre part de doter le continent africain d??une  langue unique, le swahili. Il va sans dire qu??une telle structure étatique s??inspire largement d??un pays qui porte le nom des Etats-Unis d??Amérique même si pour paradoxal que ceci puisse  paraître les tenants du panafricanisme étaient à l??époque des pays  (l??Egypte, le Ghana, la Guinée et le Mali entre autres) dont les dirigeants étaient étiquetés à l??époque  comme étant ?? de gauche ou progressistes?? c??est à dire idéologiquement plus proche du bloc socialiste. Qu??à cela ne tienne, le panafricanisme continue à ce jour de marquer l??histoire des peuples africains et pour cause  l??Organisation de l??Unité Africaine dans son évolution changea de nom  pour devenir l??Union Africaine. C??est dire que la facette du panafricanisme relative à la fédération  continue de hanter l??Afrique et ses dirigeants. Je voudrais toutefois, pour rester dans l??objet de la Communication, me dispenser de m??appesantir sur cet aspect.
A propos de la langue unique, le swahili, nous pouvons affirmer sans risque de nous tromper que cette facette du panafricanisme a totalement disparu des préoccupations des dirigeants et des peuples africains. La première cause de la disparition du swahili du paysage africain est simple et le diagnostic facile : l??instabilité politique des pays africains.
Monsieur le Président, à ce niveau,  nous  devons avouer qu??il nous faut prendre notre courage à deux mains pour aller un peu plus en profondeur de cette question. Certes, eu égard à la nature et/ou au caractère fort sensibles de l??usage de langue officielle africaine, il nous impose d??admettre sans ménagement qu??il n??y aura point de propositions ou de solution miracle. Aussi, nous semble-t-il indispensable de noter que si le swahili comme langue unique africaine est souhaitable, elle ne saurait constituer une fin en soi et surtout ne devrait pas constituer un obstacle insurmontable dans cette évidente et combien éminente quête de langue officielle africaine. Il serait par ailleurs indiqué d??ouvrir une parenthèse à ce stade  pour dire qu??on observe de nos jours une influence croissante de l??espagnol comme seconde langue aux Etats-Unis d??Amérique. Il ne sera pas surprenant de voir, dans  un avenir proche ou lointain,  ce pays passé de la langue unique qu??est l??Anglais, au bilinguisme. Du reste, les Africains ne doivent pas oublier que du fait de la   colonisation, ils communiquent entre eux dans trois principales langues différentes (anglais ; français et portugais), ce qui est un acquis précieux et une richesse immense qui permet à beaucoup d??Africains d??être bilingues. Nous sommes d??avis que comparaison, dit-on, n??est pas raison, mais une telle réalité constitue une base solide d??analyses et une source de viables propositions. Nous voudrions donc nous fonder sur la géographie et l??histoire pour soumettre des pistes de réflexion et/ou des propositions concrètes.
Au plan géographique, les peuples de la région septentrionale de l??Afrique, soit du Grand Maghreb au Soudan en passant par l??Egypte, partagent en commun l??usage de la langue arabe. Dans la région orientale, australe et centrale, l??influence du swahili est perceptible. Quant à la partie occidentale du continent, le haoussa semble être la langue la plus répandue. Si du point de vue de l??histoire, il paraîtrait que l??arabe et le swahili partagent une certaine affinité, ce n??est sans doute pas le cas du haoussa. Le plus important, nous semble-t-il, une fois de plus, n??est point tant l??influence de telle ou telle langue par rapport aux différentes régions africaines mais l??énoncé des conditions préalables et l??identification des obstacles dans un continent qui compte des centaines ou des milliers de langues ethniques, tribales ou vernaculaires et ce quels que soient les mots ou qualificatifs que l??on veut employer.  Face à la réalité africaine et à sa complexité, d??aucuns estimeront à juste titre la mise en place de langues officielles africaines irréalisables. Mais alors, nous voudrions humblement et avec respect leur signifier notre désaccord en rappelant que toute affirmation identitaire procède d??un ordre naturel qui par essence est inéluctable.
En fait, notre histoire humaine nous enseigne que toutefois que les hommes se sont engagés avec vision vers le bien, ils ont pu surmonter des situations et/ou épreuves qui à priori paraissaient utopiques. Nous sommes absolument convaincus que les peuples africains pris globalement et tout Africain pris individuellement sauront se surpasser pour que l??avenir de ceux qui viendront après eux passent toujours avant les considérations et/ou intérêts à courte vue.  L??Afrique, heureusement, peut se targuer de compter au panthéon de notre histoire humaine de grands hommes  dont les actes et/ou actions placent honorablement bien en avance et/ou au-delà de leur temps. Ces grands hommes que l??histoire ennoblit par le simple nom de ?? visionnaires??.C??est fort d??une si réjouissante réalité que nous voudrions tenter de répertorier les conditions préalables et les obstacles relatifs à la mise en place de langues officielles ou de travail en Afrique.
Conditions préalables à la mise en place des langues officielles ou de travail en Afrique.
La mise en place de toutes  langues officielles ou de travail en Afrique (en l??occurrence le Swahili, l??Arabe et le Haoussa) doit s??accompagner d??une garantie absolue de préservation et de pérennisation de toutes les langues africaines existantes. En fait les peuples africains se doivent de reconnaître que la plus petite langue vernaculaire participe à la richesse linguistique du continent et qu??à ce titre il constitue un patrimoine qu??il faut impérativement et rigoureusement conserver.  Les institutions  nécessaires à la mise en place des-dites langues devront être, nous osons nous en convaincre, entièrement autonomes. Elles devront inclure dans leur organigramme respectif un département chargé non seulement de veiller à la préservation et à la pérennisation de toutes les langues africaines existantes mais également à leur promotion. A cet effet, deux Institutions que nous désignons sous les vocables d??Institut de Recherche et d??Illustration des langues africaines et l??Académie devront y servir de véhicule.
– L??Institut comme son nom l??indique aura pour mission de bâtir non seulement des langues africaines solides grammaticalement mais riches en vocabulaires. L??Institut devra veiller à donner une envergure internationale aux langues africaines sans  leur faire perdre leurs racines. Il devra s??occuper et/ou coordonner entre autre la traduction des documents scientifiques et littéraires en langues étrangères.     -L??Académie, outre son rôle traditionnel, devra suivre l??évolution et la promotion des langues africaines.  L??enseignement des langues africaines, en l??occurrence le swahili, l??arabe et le haoussa,  devra permettre aux enfants d??Afrique d??être parfaitement trilingues. Pour se faire, dès l??école primaire et au cours des trois premières années, l??écolier (ière)  africain (e) débutera sa scolarité par la langue officielle de sa région mais dès les quatrième et cinquième années devront s??ajouter l??enseignement des deux autres langues. Cet enseignement trilingue devra se poursuivre tant au niveau de l??enseignement secondaire qu??universitaire non point seulement sous sa forme littéraire mais également scientifique.
La mise en place de langues africaines ne devra pas aboutir, nous en concevons, à une autarcie linguistique, bien au contraire. Aussi, eu égard à la capacité naturelle de l??homme à maîtriser plusieurs langues, sera-t-il fortement recommandé d??inclure dans le programme d??études de l??élève africain des lycées et collèges l??enseignement des langues étrangères.    Après cet énoncé sommaire des conditions préalables, nous allons devoir, Monsieur le Président de la Commission, évoquer le problème relatif aux obstacles.
Obstacles relatifs à la mise en place des langues officielles ou de travail en Afrique
Les Romains avaient coutume d??appeler tous ceux qui ne parlaient pas le latin, la langue de Cicéron et de César, les ?? barbares ??. De nos jours le latin n??est plus une langue parlée d??où le qualificatif de langue ?? morte??. Les langues des ?? barbares?? sont devenues pour certaines d??entre elles, des langues dominantes et/ou prestigieuses. Une telle réalité historique est suffisamment éloquente et doit convaincre les peuples africains du bien fondé de la mise en place de langues officielles africaines pour les générations à venir et ce en dépit de ces quelques obstacles suivants que nous tenterions de mettre en lumière.
-Le problème tribal et/ou ethnique, il faut l??admettre, constitue l??élément clé qui freine toute évolution linguistique en Afrique. Outre les considérations humaines ou sociologiques normales, ce que l??on nomme en Afrique ?? tribalisme??, d??aucuns diront,  découle de ??la règle d??or du mal colonial?? qui se résume en trois mots ?? Diviser pour régner??. Ainsi, la tribu ou l??ethnie, qui au plan culturel est une immense richesse parce qu??elle participe à la diversité naturelle au sein d??une nation, est devenue un facteur de rivalité et d??affrontement. Pour les observateurs avertis de la ?? question africaine??, ces rivalités et affrontements sont surtout le fait des ambitions politiques démesurées. La politique a été donc utilisée comme instrument de division à des fins personnelles et les peuples africains, hélas,  en sont les premières et seules victimes. Ceci nous amène, au second obstacle majeur que constitue la politique.
-La politique, de l??avis même d??un grand nombre d??hommes politiques en Occident,  n??a pas toujours bénéficié de termes positifs pour sa description. Aussi, des hommes d??Etat aux hommes politiques les plus respectés en Occident, a-t-on souvent entendu les termes tels que : ??destruction, cynisme et mensonge?? pour décrire la politique. C??est en cela qu??il faut une analyse visionnaire et humaniste dans l??évaluation de la réalité africaine. Dans ce cadre, les peuples africains ont à leur disposition une source inépuisable d??hommes ressources, d??illustres visionnaires dont nous voudrions bien taire les noms pour préserver le caractère avant tout technique et exploratoire de la présente Communication.
Le financement d??un tel projet/programme devra faire l??objet d??une étude spécifique. Cette étude, qu??il nous soit permis  de le réitérer, devra à notre point de vue, garantir l??autonomie des deux Institutions précitées qui seront les véhicules des trois langues officielles africaines. Nous demeurons convaincus que les peuples africains et les bonnes volontés de par le monde apporteront leur franc soutien pour la concrétisation de cette aspiration et revendication naturelles et légitimes.
Monsieur le Président de la Commission, nous mesurons bien la complexité et /ou la difficulté de la tâche. Nous demeurons toutefois convaincus que vous n??êtes pas seul, car les peuples africains qui vous confient cette mission sacrée vous apporteront leur soutien sans faille. Oui, les peuples africains savent, Monsieur le Président de la Commission, que vous êtes capable de relever ce défi. Aussi, ensemble comme un seul homme, ils sont prêts avec vous à surmonter tous les obstacles qui avaient et continuent de constituer un frein à la mise en place des langues officielles africaines. Il ne nous fait aucun doute que par ce tournant historique, l??Afrique connaîtra  des avancées spectaculaires inimaginables. De même, les Africains et leurs descendants, partout où ils se trouvent sur cette terre des hommes, iront au rendez-vous du donner et du recevoir de l??universel en se rendant compte qu??ils ont beaucoup à donner à l??humanité.
Tout en vous remerciant d??avance pour la haute attention que vous voudriez bien accorder à l??examen de la présente Communication, je vous prie d??agréer, Excellence Monsieur le Président de la Commission de l?? Union Africaine, l??expression de notre haute et fraternelle  considération.
Correspondance : Mamavi Sylvain ATTIGLAH

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