Âgé de 90 ans, et aux affaires depuis 27 ans, Robert Gabriel Mugabe reste indéboulonnable. Les moins avisés de la boulimie du pouvoir de l’homme d’État zimbabwéen ont cru qu’il allait passer le relais lors du congrès de l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (Zanu-Pf), la semaine dernière.[pagebreak] Que nenni ! Le plus vieux des chefs d’État en exercice d’Afrique subsaharienne s’accroche toujours à la mangeoire. En effet, pendant que la majorité de participants au conclave du 04 au 06 décembre à Harare (la capitale) gardait l’intime espoir de voir la Zanu-Pf changer de leader (synonyme de potentiel successeur du chef de l’État sortant), ils ont plutôt assisté à une guerre de succession ouverte entre Robert Mugabe et l Joice Mujuru, respectivement président et vice-présidente (depuis 2004) du parti au pouvoir. Et comme si cela n’était pas suffisant, Robert Mugabe vient de placer sa femme Grâce (âgée de 49 ans) à la tête de la puissante ligue des femmes du Zanu-Pf. Et du coup, d’aucuns voient en elle le potentiel successeur du nonagénaire époux à la magistrature suprême.
En effet, comme en juillet 2013 (date de sa réélection à la présidence de la République), l’homme a été reconduit à la tête de son mouvement, non sans avoir qualifié d’ »idiotes » les spéculations selon lesquelles il quitterait le pouvoir. Sans coup férir, pour évincer sa concurrente, le pouvoiriste a tôt fait d’accuser Mme Mujuru de corruption et de complot en vue de l’assassiner.
En rappel, en 1980, Robert Mugabe devient Premier ministre du nouvel État du Zimbabwe accédant à l’indépendance. Le nonagénaire jouit alors d’une aura comparable à celle de Nelson Mandela (en Afrique du Sud), pour sa politique de réconciliation avec la minorité blanche. Mais cette comparaison s’effrite très vite. Car, en 1983, le politique déploie sa 5e brigade sur le pays Ndébélé, dans le Matabeland. Bilan: au moins 10.000 morts. Et en 1987, il devient chef de l’État. En 1990, 1996, 2002, 2008 et 2013, il est réélu président avec 90% des voix exprimées. A 90 ans, le sauveur devenu dictateur ne compte pas raccrocher. Le «Vieux Bob» pense plutôt à faire gouverner le pays par la dynastie Mugabe.
Pierre Amougou