Le chef de l??Etat camerounais a, depuis son jeune âge, fait sienne la maxime latine « in medio stat virtus » (la vertu se trouve au milieu). Le sphinx. Ce mot, selon un journaliste de la chaîne de télévision française France 24 qui esquissait mardi l??image de Paul Biya au premier jour de sa visite officielle dans l??Hexagone, résume le portrait du président de la République. Intervenant
peu après la sortie médiatisée de l??ouvrage d??un autre journaliste français, François Mattei, intitulé « Le Code Biya » livre destiné à mettre à la portée de tous les lecteurs les instruments utiles pour décoder l??énigme ou le mystère Biya, ce portrait collerait-il encore à l??actualité ? Il révèle, en tout cas que demeure peu connue, mal connue ou méconnue la personnalité du président de la République. S??il y a lieu de convenir avec le Pr. Jacques Fame Ndongo, secrétaire à la communication au secrétariat du comité central du RDPC, ministre de l??Enseignement supérieur, qu??« un chef est, par essence, imprévisible et difficilement décryptable », (voir C.T. du 18 mai 2009 P. 5) il y a également lieu de reconnaître que le parcours extraordinaire du président Paul Biya abonde d??éléments publiquement connus de nature à éclairer la découverte ou la connaissance de sa personnalité marquée depuis son jeune âge, par le sens de la mesure, la force de l??équilibre, jusque dans sa tenue vestimentaire et ses attentions courtoises. Tout ou presque, a été dit et écrit sur l??itinéraire exceptionnel de Paul Biya. Sa naissance le 13 février 1933 à Mvomeka??a, petit village de la forêt équatoriale au Sud du Cameroun, dans l??actuel arrondissement de Meyomessala, département du Dja et Lobo, de parents agriculteurs, feu Etienne Mvondo Assam, son père et feue Anastasie Eyenga, sa mère, tous deux profondément ancrés dans la foi et les vertus chrétiennes au sein de l??Eglise catholique romaine. CEPE à l??école primaire de Nden, dans l??arrondissement de Zoétélé, où, comme plus tard au pré-séminaire Saint-Tharcisius à Edéa puis au petit séminaire d??Akono, sont enseignés, pratiqués et exaltés le culte de l??abnégation de l??effort et du travail bien fait ( « ce qui mérite d??être fait mérite d??être bien fait »). Avec finesse, dans le détail, car il n??ya pas de petite chose. En somme, les valeurs d??humanisme. BEPC au petit séminaire d??Akono, puis Baccalauréat, première et deuxième parties au lycée Leclerc. Le Pr. Jacques Fame Ndongo, dans l??interview déjà citée, résume de fort belle manière le reste du parcours. « Une culture générale, juridique, politique, internationale consolidée à Paris dès 1956 ; lycée Louis Le Grand où l??on pétrit les beaux esprits titulaires du Baccalauréat?? avant de les forger dans le moule des universaux académiques dans les grandes écoles élitistes ; droit et sciences économiques à la Sorbonne?? ; Institut d??études politiques où ont fleuri la plupart des hauts responsables et des chefs d??Etat français ; Institut des hautes études d??Outre-Mer où étaient formatés les hauts cadres appelés à gérer les territoires nouvellement indépendants, après l??Ecole nationale de la France d??Outre-Mer (ENFOM) et avant l??Institut de l??Administration publique (IAP) de Paris.» Ainsi, moulé aux valeurs de l??humanisme chrétien, configuré aux institutions académiques de référence, Paul Biya rentre au Cameroun et réussit un parcours inédit dans les hautes sphères de l??Etat chargé de mission à la présidence de la République, secrétaire général du ministère de l??Education nationale, de la Jeunesse, de la Culture et des Sports, directeur du cabinet civil et secrétaire général de la présidence de la République, Premier ministre, président de la République. Adoubé par le premier chef de l??Etat camerounais Ahmadou Ahidjo, il gravit les marches de la hiérarchie politique : 2e vice-président de l??UNC (Union nationale Camerounaise, parti unique depuis 1966), 1er vice-président de l??UNC. Après la rupture consommée entre les deux hommes, Paul Biya est élu président de l??UNC puis fonde le RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais) en 1985 à Bamenda, parti politique dont il préside aux destinées depuis lors. Success Story Un parcours aussi brillant, exigeant pour le protagoniste, réalisé sur une longue randonnée escarpée, jalonné d??épreuves et d??embûches surmontées, de drames dépassés et maîtrisés voire de pièges déjoués, ne peut être effectué avec succès que par un homme de grand dessein appelé par un prestigieux destin pour son pays. De nombreux témoignages convergent sur ses qualités intrinsèques nourries dans la sobriété, son sens de la mesure, de l??équilibre, du respect de l??homme. Il n??entreprend rien qui n??ait été profondément étudié avec discernement, s??éloigne de la précipitation pour se « hâter lentement » selon le sage conseil du poète français Boileau. A sa manière, feu Moussa Yaya Sarkifada, ancien vice-président de l??Assemblée nationale et membre du bureau politique de l??UNC, appréciait le calme et la pondération du président Paul Biya dans une interview à Radio-Cameroun au lendemain de l??accession de celui-ci à la magistrature suprême le 6 novembre 1982 : « un encaisseur », concluait-il. Qu??il s??agisse du drame de la tentative du coup d??Etat de 1984 et ses conséquences sur la vie de la nation, des évènements des années de braise (1990) ayant marqué le retour du Cameroun au multipartisme, ou encore de l??affaire Bakassi dont l??épilogue heureux est reconnu et cité en exemple à travers le monde, la gestion pertinente de ces faits et bien d??autres révèle que le président Paul Biya est, selon l??expression de François Mattei « un maître du temps. » Pas plus que dans l??action, le président Paul Biya ne se précipite dans la prise de parole. Si ses messages traditionnels à ses compatriotes (fin d??année, fête de la jeunesse) sont attendus comme un rite, ses interventions dans la presse sont distillées avec parcimonie. Il y a quelques années, lors d??un enregistrement d??un message radio-télévisé au palais de l??Unité, un technicien prie le président Paul Biya de dire quelque chose pour l??essai de voix. « Qu??est-ce que je dis », demande le président. « N??importe quoi », répond le technicien. « Justement, je ne peux pas dire n??importe quoi », rétorque le président. Ses rares sorties médiatiques font plutôt de lui un homme d??Etat disert : il ne cultive point l??art de paraître. Sans doute, comme Jean Jacques Rousseau, a-t-il très tôt compris que « généralement les gens qui savent peu parlent beaucoup et les gens qui savent beaucoup parlent peu ». Pourtant, ses boutades ne laissent pas indifférents ses compatriotes. Sous les chaumières ou dans les amphis, ils les répètent pour s??en amuser ou les étudient pour en décoder le sens et le style. Le vocabulaire n??est jamais agressif. Serait-il un tribun? Il n??apparaît pas, en tout cas, comme une bête de scène. Même dans la fermeté, il demeure mesuré. Ainsi, ce qu??un universitaire appelle « les proverbes de Paul Biya » sera probablement inscrit dans les annales des talentueux orateurs de notre pays. Exemples : « le Cameroun, c??est le Cameroun. », « la conférence nationale souveraine est sans objet. » ; « l??activisme n??est pas signe de vitalité » ou encore « un seul mot, continuez ». Dans toutes ses formes d??expression, l??être ou le paraître, l??action ou le verbe, le président Paul Biya se situe aux antipodes des excès. C??est aussi ce sens de la mesure qui fait de lui un homme d??Etat méritant la confiance de ses compatriotes et respecté sur la scène internationale, tout en apportant un éclairage pertinent sur sa « success story ». Il serait étonnant qu??une personnalité si profondément trempée en vienne à se renier du tout au tout à 76 ans, comme le laisse croire une campagne de désinformation. Rappelons simplement ce qu??il a lui-même déclaré récemment : « je n??ai pas changé».
ESSAMA ESSOMBA, Cameroon Tribune