Faudrait-il désespérer d??expurger, à court terme, la Fonction publique camerounaise de ces agents véreux dont les indélicatesses, concussions et autres forfaitures en ont fait une jungle exécrable ? S??il est hasardeux d??apporter une réponse définitive à cette interrogation, on peut tout de même relever que les récentes sanctions contre certains fonctionnaires de la
police, de l??enseignement secondaire et des régies financières laissent l??observateur quelque peu pantois. Du fait d??une tenace récurrence des actes délictueux. Et ce, en dépit de la ferme volonté des pouvoirs publics ?? le président de la République en tête de redonner un sens à la morale publique. Dans le cadre de cette croisade, aucun segment de l??administration publique nationale n??a été épargné, ces dernières années, des sanctions extrêmement lourdes ayant été appliquées parfois à l??encontre de fonctionnaires relevant du corps d??Etat fort prestigieux qui passaient naguère pour être intouchables. Nous avons particulièrement en mémoire cette scène pathétique de cruauté et de commisération, au perron du palais de l??Unité, de magistrats confits et littéralement atterrés après une comparution douloureuse devant le conseil supérieur de la magistrature, sous la houlette du président Paul Biya en personne. Pour n??avoir pas su demeurer à la hauteur du serment qu??ils avaient prononcé de rendre la justice « au nom du peuple camerounais », nombre d??entre eux, égarés dans les sables mouvants de la corruption, font régulièrement l??objet de sanctions allant parfois jusqu??à la révocation. L??opprobre. La déchéance. Un quasi bannissement. Encore que d??autres agents publics se retrouvent même derrière les barreaux. Pour l??exemple, croyait-on. Et pourtant, au fil des ans, en dépit des mesures aussi retentissantes de dissuasion, d??autres fonctionnaires, en grand nombre, se laissent encore séduire par les sirènes du gain facile, de l??atteinte à la fortune publique. Que l??on ne s??y trompe pas, en effet : lorsque pour asseoir des sanctions contre certains de leurs collaborateurs, ministres et chefs des corps invoquent, non sans pudeur, un « comportement contraire à l??éthique et à la déontologie professionnelle, un manquement à l??honneur et à la dignité », c??est bien de corruption qu??il s??agit. En termes prosaïques. C??est-à-dire, ce fléau qui gangrène notre société. Jusqu??à la moelle. Comment s??y prendre pour venir à bout de ce véritable serpent de mer qui s??installe désormais dans la banalité ? Naturellement, baisser les bras constituerait un danger absolu pouvant donner des ailes aux prévaricateurs qui ne rêvent que de faire légitimer le principe hérétique selon lequel « la chèvre broute?? » Il n??y a donc pas de choix : l??assainissement des m??urs doit se poursuivre. Le mouvement demande même à être amplifié. Il s??agit d??un impératif de survie pour notre pays si riche, et paradoxalement si pauvre (appauvri). Du fait de pillages massifs savamment orchestrés par des criminels à col blanc qui ont opté, en toute conscience, de sacrifier l??intérêt général à l??autel de leurs ambitions, de leurs appétits boulimiques. De leurs intérêts égoïstes. Afin de garantir une efficacité maximale à l????uvre de salut public déjà amorcée, aucune mesure ne sera de trop. Y compris l??instauration, comme ce fut le cas sous d??autres cieux à une époque reculée, de « carnets de doléances »?? Ne nous leurrons pourtant pas : le combat sera de longue haleine. C??est pour cette raison qu??il est utile et judicieux de parier sur les générations montantes. Sur le long terme. Sur l??avenir. Par le truchement de l??éducation. On se rappelle, à cet égard, l??argument majeur qui prévalut à la création, en novembre 1946, de l??Unesco (Organisation des Nations-Unies pour l??éducation, la science et la culture). Il était apparu aux yeux des géniteurs de cette structure que « les guerres prenant naissance dans l??esprit des hommes, c??est dans l??esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix ». Et l??on sait que les jeunes personnes sont plus malléables, plus aptes à s??approprier certaines valeurs. Les planificateurs dans le secteur vital de l??éducation ont donc du pain sur la planche. Il est impérieux de s??attaquer à la corruption dès les bancs de l??école primaire, des lycées et collèges. C??est-à-dire, combattre le mal à la racine. Si l??on ne parvient pas à contenir ou même à dissuader les chasseurs « d??eau », alors vain serait le combat contre la corruption. Point de salut, point de victoire contre la corruption si le penchant à la tricherie n??est éradiqué chez nos élèves et étudiants !
MAKON ma PONDI, Cameroon Tribune