L’enseignement du journalisme a-t-il changé dans les écoles qui se consacrent à cette tâche à travers le monde ?[pagebreak]Cette interrogation à l’entame de mon propos peut paraître cocasse, voire saugrenue.
Mais elle m’est venue, tel un jaillissement, à la lecture d’un article signé de Rémi Carayol paru dans le magazine « Jeune Afrique » (n°2814 du 14 au 20 décembre 2014, pages 43 à 45), avec pour titre « Cameroun : le péril Jeune ». La lecture de cet article, mieux de ce pamphlet, interpelle au sujet de la notion de l’efficience en journalisme.
L’efficience, m’a-t-on appris en école de journalisme, c’est la performance, la validité des faits exposés, de telle sorte qu’ils puissent être reproduits ou simplement vérifiables par tout professionnel engagé dans une démarche sérieuse de recherche de l’information. La prise en compte de cette exigence épistémologique, qui est la condition élémentaire devant fonder la crédibilité de la démarche du journaliste, ne constitue guère une donnée facultative, sauf dans les cas où ce dernier choisit d’user de sa plume, tel un sicaire, comme un instrument de destruction et de chantage en vue d’assouvir des intérêts inavoués. Lorsqu’il s’agit d’un exercice complexe comme l’enquête, cette exigence s’impose avec plus d’acuité et commande au journaliste de respecter les canons scientifiques de l’investigation que sont notamment l’observation, la formulation des hypothèses et leur vérification à la confrontation des faits.
A la lumière de ce qui précède, l’on est en droit de se poser la question de savoir si Rémi Carayol qui signe comme « envoyé spécial » l’article sus référé a véritablement recherché l’information, tant le rendu de ses investigations est un salmigondis d’inexactitudes, qui mérite qu’on le chicane. Voici quelques morceaux choisis :
1- S’agissant du Président de la République du Cameroun, Rémi Carayol affirme que « c’est après le Zimbabwéen Robert MUGABE, le doyen des chefs d’Etat du continent ». Cette affirmation est à l’évidence fausse. En évitant de s’y attarder, l’on notera simplement que l’exemple équato-guinéen suffit à en démontrer le contraire.
2- Le vacillement et l’indécision de l’auteur de l’article sus-évoqué témoignent de la pauvreté de sa démarche intellectuelle et de la légèreté de son travail. En effet, pour évoquer la moyenne d’âge du gouvernement camerounais, il cite le cabinet International Crisis Group (ICG). En revanche, pour parler du chômage des jeunes, il se limite à des formules vagues, en affirmant par exemple que « des chiffres circulent, peut être pas fiables : 60 à 70% ». Contrairement à ce journalisme approximatif, une attitude d’équilibre n’aurait-elle pas commandé de faire également valoir les chiffres officiels pourtant disponibles au ministère en charge de l’Emploi?
PAS DE CENSURE
3- L’envoyé spécial de J.A. affirme que « régulièrement, des journalistes sont jetés en prison ». Cette affirmation est tout aussi fausse. La vérité consiste à reconnaître que depuis la promulgation, par le Président de la République, de la loi du 04 janvier 1996 portant révision de la loi du 19 décembre 1990 relative à la liberté de la communication sociale, la censure sur les médias n’existe plus au Cameroun. Par ailleurs, aucun journaliste n’est en prison dans notre pays pour délit de presse. A titre anecdotique, l’on peut sans le citer nommément, mentionner le cas d’un journaliste qui, sous le prétexte de l’investigation, avait nuitamment accédé par effraction au domicile d’une personnalité publique pour photographier ses biens. Une telle infraction, naturellement sanctionnée par la loi pénale, relève d’un délit de droit commun.
4- Faisant allusion à la liberté d’expression, Rémi Carayol soutient qu’au Cameroun « la parole est largement contrôlée ». Faux.
Notre africaniste de la Tour Eiffel a-t-il seulement été à Douala ou à Yaoundé pour découvrir chaque matin la tonalité des journaux et leur causticité langagière qui n’épargne personne ? S’est-il informé sur la floraison médiatique exceptionnelle que connait le Cameroun avec plus de 600 titres en presse écrite, 17 chaînes de télévision et environ 100 stations de radio ?
5- Pour l’envoyé spécial de J.A. « l’inertie, on la voit partout à Yaoundé ». Affirmation bien curieuse dans un pays qui, bien qu’en guerre contre le terrorisme, avance de manière déterminée vers la modernité et la croissance avec un peuple digne et soudé derrière son chef. Au demeurant, lorsqu’il a fallu combattre cette inertie, c’est le président Paul BIYA lui-même qui l’a dénoncée, en appelant à un sursaut patriotique et en imprimant un rythme effréné à la réalisation de grands projets structurants tels que la construction de ports, de ponts,de barrages hydrauliques, ou encore la mise en œuvre d’un plan d’urgence touchant tous les aspects socio-économiques, qui est salué par tous les acteurs de la vie nationale.
6- Evoquant un aspect de l’économie informelle, le très spécial envoyé de J.A. mentionne que « chaque jour des hordes de jeunes viennent commercer dans les boutiques ou sur les trottoirs ». Une fois de plus, les mots utilisés par Rémi Carayol trahissent ses véritables intentions. Traiter les jeunes Camerounais qui s’activent dans l’informel de « hordes » est proprement insultant pour une catégorie sociale sur laquelle l’on prétend s’apitoyer, à moins qu’il ne s’agisse une fois de plus d’une tentative macabre de la pousser dans la rue, ourdie par des mercenaires avides de chaos, des vampires assoiffés de sang, des destructeurs pressés de créer une situation de désordre pour profiter des richesses et des efforts séculaires d’un peuple travailleur et courageux. Non ! Les jeunes Camerounais ne sont pas des voyous indisciplinés. Si certains d’entre eux exercent dans l’informel en milieu urbain, cela ne constitue guère une curiosité au regard des pays de même niveau de développement que le nôtre. Quelques-uns parmi ces jeunes prospèrent même dans ce secteur d’activité qui contribue largement à la formation de la richesse nationale.
De plus, sous l’impulsion du président de la République, les municipalités conduisent des actions appropriées pour organiser et encadrer ces jeunes entreprenants que le gouvernement encourage à aller vers les PME, grâce à l’appui désormais disponible d’une banque spécialisée à cet effet qui vient de voir le jour ou à des incubateurs d’entreprises dans les Universités d’Etat.
7- Le journaliste de J.A. mentionne que « le vieillissement du pouvoir est général. Les chefs d’institutions sont vieux. Les dirigeants des sociétés d’Etat sont vieux. Les généraux sont vieux. Même les dirigeants des partis sont vieux. » Il s’agit de propos sans nuances, qui méritent d’être relativisés en commençant par indiquer à partir de quel âge l’on doit être considéré comme étant vieux pour occuper une fonction donnée.
PEUPLE SOUVERAIN
Si l’on s’intéresse à la fonction présidentielle, pour laquelle l’âge du président BIYA heurte subitement « Jeune Afrique », va-t-on ôter au peuple souverain la prérogative de se donner les dirigeants de son choix ? Cette habilitation constitutionnelle qui est la garantie universelle de la démocratie veut que la souveraineté nationale appartienne au peuple, qui l’exerce à travers les dirigeants qu’il choisit librement.
Cette réalité ne relève guère d’une originalité camerounaise.
Au demeurant, parlant de l’âge des dirigeants, l’on peut observer au-delà de l’exemple camerounais, que le Vice-président américain a 72 ans. Le Président zimbabwéen a 90 ans. Le Président tunisien, récemment élu par toutes les classes d’âge de son pays, a 88 ans. Le Président de la transition au Burkina Faso, pays pris pour référence ces derniers temps par « Jeune Afrique », a 72 ans, etc…
Sont-ce des jeunes ?
Le Président Paul BIYA restera donc à la tête du Cameroun aussi longtemps que le peuple camerounais le voudra.
Pour le reste, il y a lieu d’indiquer que le dispositif législatif en vigueur au Cameroun ne fait aucunement obstacle à un jeune qui veut créer un parti politique. Et puis, va-t-on fabriquer des généraux d’armées de 35 ans ? N’y at-il pas parmi les généraux que compte le Cameroun ceux que l’on considère comme étant véritablement jeunes ? Par ailleurs, « Jeune Afrique » aurait pu nous renseigner sur l’âge du Maréchal Pétain au moment où il exerçait le pouvoir d’Etat en France (84 ans), ou pour rester en hexagone, sur celui du Général Paul Delattre de Tassigny aux années de sa luminance.
J’affirme sans risque de me tromper ou d’être démenti que le gouvernement camerounais compte de nombreux jeunes. Il en est de même des dirigeants des sociétés d’Etat que je me garderais de nommer par souci de pudeur. Il y a également lieu de relever qu’au Cameroun, si tant est que le pouvoir exécutif soit confié aux ministres qui l’exercent au nom du chef de l’Etat, il n’en demeure pas moins que le suivi des dossiers est essentiellement fait par des secrétaires généraux, clés de voûte des départements ministériels, des directeurs, des sous-directeurs, des chefs de service et des cadres.
Les détenteurs de ces différents postes, tous jeunes, se comptent par milliers dans la haute administration du Cameroun.
J’abhorre la fixation qui est faite sur le seul pouvoir exécutif. Les spécialistes des Sciences politiques nous renseignent que les pouvoirs sont éclatés au sein des sociétés. Ils sont politiques, judiciaires, économiques, sportifs, religieux, etc… Béchir Ben Yahmed exerce ainsi, depuis 1960, un pouvoir social et médiatique incontestable à travers sa chronique « Ce que je crois », qui est le condensé de la puissance de J.A
Faut-il limiter la question de l’emploi des jeunes au seul secteur public ? Pourquoi « Jeune Afrique » met-il sous le boisseau la place et le rôle de la jeunesse dans le secteur privé que l’on sait particulièrement dynamique,grâce un l’environnement juridico-institutionnel aménagé par le gouvernement de la épublique ? Pendant qu’on y est, la jeunesse étant désormais synonyme d’excellence pour « Jeune Afrique », ceux qui lisent ce magazine depuis 1960 attendent impatiemment le jour où Béchir Ben Yahmed (86 ans) passera la main à un jeune de 30 ans pour la rédaction de « Ce que je crois ».
8- L’article de « Jeune Afrique » parle d’une « relative prospérité économique » comme pouvant constituer un des freins à la révolte qui sourd. Comme autres freins il aurait dû ajouter la paix sociale et l’unité nationale auxquelles le peuple camerounais est très attaché.
S’agissant de la santé économique du Cameroun sur laquelle « Jeune Afrique » passe très furtivement, elle n’est pas relative. Elle rassure même et permet de rester confiant en l’avenir.
En dépit des actions terroristes de Boko Haram et des effets collatéraux de la crise centrafricaine qui obligent depuis un certain temps l’Etat à orienter les ressources publiques vers les zones troublées, le Cameroun est aujourd’hui le grand chantier annoncé par le Président Paul BIYA au lendemain de son élection à la magistrature suprême en 2011. Qu’il s’agisse des appuis décisifs en faveur du développement rural, des infrastructures sociales (hôpitaux, écoles, lycées, universités), portuaires et aéroportuaires (à l’exemple du port en eau profonde de Kribi), routière (autoroutes Yaoundé-Douala ou Yaoundé-Nsimalen, deuxième pont sur le Wouri), le Cameroun bouge du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest.
PETARD MOUILLE
Bien plus encore, le Plan d’urgence que vient de lancer le chef de l’Etat en personne,est financé à hauteur de 925 milliards de francs CFA grâce aux prêts des banques privées.Il va constituer un levain de plus dans la voie de l’émergence. De nombreux investisseurs se bousculent au portillon du Cameroun, confiants en la stabilité du pays. Leur arrivée prochaine va constituer, à n’en point douter, de nouvelles opportunités d’emplois nombreux et diversifiés pour une jeunesse dynamique et bien formée dans un système scolaire, universitaire et professionnel performant et en cours de modernisation.
Au total, comme on le voit, la réalité camerounaise est bien différente de celle qui est faite dans le numéro 2814 de « Jeune Afrique ».
L’appel à l’insurrection qu’il exhibe dès la Une (« jusqu’à quand les jeunes supporteront-ils ? ») est resté lettre morte et sans écho de puis la parution de ce pétard mouillé le 14 décembre dernier. Les quelques Camerounais qui ont eu le courage de lire de bout en bout l’article séditieux, déséquilibré et donc peu professionnel de Rémy Carayol, l’ont vite assimilé aux prédictions de Cassandre. Mais, en général, les Camerounais, depuis cette publication ubuesque, se posent en grande majorité la question de savoir pourquoi, à 86 ans, Béchir Ben Yahmed signe encore et ce depuis 55 ans la chronique « Ce que je crois ». N’y aurait-il pas de jeunes journalistes talentueux à « Jeune Afrique » ? Ces cadets de la profession ne rumineraient-il pas une sourde révolte propice à une implosion de la rédaction de cet hebdomadaire familial dont la parution querellée s’apparente, à ne point s’y méprendre,à une réaction de fille de petite vertu ?
Correspondance particulière de Joseph Janvier MVOTO OBOUNOU,
journaliste principal hors échelle émérite