Le Secrétaire général du Syndicat des enseignants du Cameroun pour l’Afrique (Seca), solidaire de la grève avec Ots et Ota, revient sur les raisons de leur prétendue radicalisation.
La rentrée scolaire aura-t-elle lieu pour tous ce jour ? Pourquoi ?
Chacun aura sa rentrée. D’un côté, il y aura la rentrée du gouvernement avec une poignée d’enseignants complices de leur propre malheur. De l’autre côté, l’écrasante majorité des enseignants avec beaucoup de problèmes non résolus mais que le gouvernement et ses syndicats satellites ont résolus par les discours à 95%, aura la sienne. Il s’agira pour chaque enseignant de cette dernière catégorie de prendre ou reprendre service, de participer au conseil d’enseignement de sa discipline et à l’Assemblée Générale de rentrée. A ses heures de cours, il fera un tour d’à peine cinq minutes juste pour marquer sa présence et rentrer en salle de professeurs. Il ne mènera pendant la première semaine aucune activité pédagogique en attendant de nouvelles actions si le gouvernement continue l’esbroufe.
Que répondez-vous au gouvernement, qui vous accuse de chantage ?
Ma réaction à cette préoccupation commence par cet extrait de l’adresse du chef de l’Etat à la Jeunesse le 10 février 2013 : « Aux enseignants, je veux dire à nouveau toute mon estime et ma compréhension ; ils occupent une place centrale dans la formation de la jeunesse. C’est pourquoi il est indispensable qu’ils retrouvent le ‘’ feu sacré’’. Ceci pourrait être obtenu de deux façons d’abord : en engageant une réflexion d’ensemble sur l’avenir de notre système éducatif dont l’un des objectifs devrait être de réhabiliter de la fonction enseignante ; ensuite poursuivre le dialogue sur leurs revendications, y compris salariales, dans un esprit ouvert… Il serait paradoxal qu’on ne donne pas à la fonction enseignante la place qui lui revient ». Au regard de ces propos du Président de la République, où est le chantage dans nos revendications ? Sauf si pour le Gouvernement, chantage est synonyme de vérité ! Présentement, il y a 772 collègues qui continuent d’être victime du système de 2/3.
Et en dépit de toutes leurs démarches, pas d’écho favorable. Certains enseignants ayant des arrêtés d’avancement signés avant le 1er avril 2022 ne bénéficient pas des effets financiers induits. Aucun des milliers d’instituteurs de l’enseignement technique qui sont dans la rue n’est encore recruté malgré le décret présidentiel de 1980 qui leur en donne droit. Les collègues des filières Espagnol, lettres bilingues et SVT sortis de l’ENS de Maroua en 2021 qui jusqu’à date n’ont pas encore touché un kopeck de leur salaire. Il y a aussi des enseignants qui accusent un retard de plusieurs avancements sans arrêtés signés. Quel est le sort est réservé aux avancements signés après le 1er avril 2022, le Gouvernement n’en dit mot. L’Etat est une fois de plus en train de s’endetter auprès des enseignants. Et au regard de l’inflation, c’est une baisse de salaire qui ne dit pas son nom.
N’avez-vous pas peur d’hypothéquer définitivement l’avenir des élèves, déjà victimes des effets du COVID-19 et de la dernière grève ?
Ne tombons dans le piège du Gouvernement en tirant à tort la fibre émotionnelle. Nous sommes aussi des parents et nos enfants fréquentent également les établissements publics. Nous revendiquons de même l’amélioration de nos conditions de vie pour bien voire mieux nous occuper de ces enfants. La bonne question que nous devons nous poser est celle de savoir comme nous en sommes arrivés là. C’est parce que les droits des enseignants ont été violés. La grève n’en est que la conséquence. Si on élimine la cause, la disparition de la conséquence coule de source.
Certains soupçonnent les diplômes de cette session. C’est aussi votre avis ?
Depuis que la paupérisation de l’enseignant lui fait perdre « son feu sacré », la qualité de l’Education a pris un coup. Mais curieusement, les taux de réussite aux examens certificatifs n’ont pas suivi la même cadence. La raison est fort simple : nos diplômes sont plus politiques que pédagogiques. Nos gouvernants pensent qu’ils peuvent tout décréter, y compris la compétence.