Hans Peter Schadek (ambassadeur de l’UE): «l’UE est fermement attachée au respect de l’intégrité territoriale du Cameroun

Dans une interview exclusive accordée au quotidien Le Jour en kiosque le 10 mai 2019, l’ambassadeur-chef de la Délégation de l’Union Européenne au Cameroun revient sur la résolution du Parlement Européen relative à la situation sociopolitique dans notre pays, adoptée le 18 avril 2019.

237online.com a sélectionné des extraits de cette interview:

Le Parlement européen vient de prendre une série de résolutions fortes sur la situation sécuritaire et sociopolitique au Cameroun. Yaoundé n’a pas apprécié. Comment appréciez-vous la réaction du gouvernement camerounais par rapport à la résolution du Parlement européen?

Hans Peter Schadek: Certaines réactions ont été vives, effectivement, et il y eu un débat public très animé, et très libre, dans les médias. A ce sujet, je crois qu’il est important de rappeler que c’est une seule résolution qui fait foi, c’est celle qui a été adoptée par le Parlement Européen le 18 avril. Elle repose sur un consensus entre les différents groupes parlementaires et n’est pas identique avec celle rendue publique par un seul groupe parlementaire, un jour même avant le débat. Il est intéressant donc de lire les deux versions et de constater les différences entre la version finale et celle d’un groupe parlementaire particulier. Deuxièmement, il me semble utile de rappeler le rôle des différentes institutions européennes, car certains ont parlé de l’Union Européenne dans son ensemble. Mais il y a bien une répartition des compétences et de prérogatives. En effet, le Parlement européen est souverain de ses actes. Il ne dépend pas de l’exécutif, au contraire il le contrôle, et il définit librement les questions qu’il porte à son agenda. Il faut donc faire la distinction entre une résolution du Parlement Européen et une déclaration de la Haute Représentante pour les affaires étrangères au nom des 28 Etats membres, comme celle du 5 mars dernier. Lors du débat au Parlement le 18 avril, elle a d’ailleurs aussi pris la parole. Là aussi, il est peut-être intéressant de relire son intervention.

La Haute Représentante, Federica Mogherini, avait déjà fait une déclaration le 5 mars dernier au nom des 28 États membres de l’Union européenne sur la détérioration de la situation politique et sécuritaire au Cameroun. Une petite précision, la France a-t-elle bien validé cette déclaration?

Hans Peter Schadek: La déclaration à laquelle vous faites référence avait effectivement été faite par la Haute Représentante Federica Mogherini au nom des 28 Etats membres, y compris la France. Le principe de la politique extérieure de l’Union Européenne est bien l’unanimité. S’il n’y avait pas eu d’accord entre tous les 28, cette déclaration n’aurait donc pas été adoptée.

La déclaration évoquait la persistance de la violence et des violations des droits de l’homme dans les régions du Nord-Ouest et Sud-Ouest du Cameroun avec un nombre inacceptable de victimes et un impact lourd en termes humanitaire et économique. Sur ce point, quelle évaluation faites-vous de la situation six semaines après la déclaration?

Hans Peter Schadek: Effectivement, l’EU a exprimé sa préoccupation par rapport à la situation humanitaire et le niveau de violence qui sévit dans les deux régions, et des nombreux défis restent posés. Je profite d’ailleurs de l’occasion que vous m’offrez pour dire que l’UE est fermement attachée au respect de l’intégrité territoriale du Cameroun, de même qu’elle est foncièrement attachée aux valeurs des Droits de l’Homme et des principes démocratiques. Sur ces questions, nous sommes d’ailleurs engagés dans un dialogue régulier avec les autorités camerounaises et cela fait partie de notre partenariat. C’est un dialogue ouvert et confiant. Je pense donc qu’à travers ce dialogue, les deux parties donnent leurs points de vue respectifs et échangent sur les voies et moyens de sortir de la situation actuelle.

La déclaration évoquait aussi expressément l’arrestation et la détention prolongée de plusieurs dirigeants d’un parti de l’opposition, dont son leader Maurice Kamto, et d’un nombre important de manifestants et de sympathisants, ainsi que l’ouverture de procédures disproportionnées à leur encontre devant la justice militaire. Pensez-vous que les autorités camerounaises ont pris des mesures qui vont dans le sens de l’apaisement du malaise politique?

Hans Peter Schadek: Je pense que je ne serais pas dans mon rôle si je devais commenter en détail l’action des autorités camerounaises dans cette affaire. La Déclaration de la Haute Représentante, au nom des 28 Etats membres, est une référence importante et ne nécessite pas un commentaire additionnel de ma part. Je dirais juste que les questions liées aux principes démocratiques et à l’Etat de droit font également l’objet de notre dialogue politique que j’ai mentionné tout à l’heure.

L’Union européenne lançait aussi dans la même déclaration un appel au dialogue politique inclusif dans un contexte de respect des libertés fondamentales et d’État de droit. Le silence du gouvernement camerounais vous préoccupe-il ?

Hans Peter Schadek: Il faut dire que nous n’avons pas, s’agissant d’un dialogue sur la situation dans le Nord-Ouest et Sud-Ouest, de solution toute faite, à importer de l’extérieur. C’est d’abord aux Camerounais de définir les contours d’un tel dialogue et de trouver une voie de sortie de la situation actuelle. Dans ce sens, la déclaration est plutôt l’expression de notre préoccupation et de notre solidarité avec la population civile qui est victime des violences et qui aspire à revenir à une vie normale et paisible. Mais nous restons évidemment attentifs aux questions humanitaires et de droits de l’Homme dans ce contexte, et nous tenons prêts à « être utiles », comme d’autres acteurs, en cas de besoin. Par ailleurs, il faut dire que nous appuyons déjà la réponse humanitaire en cours.

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