Braquages, arnaques, corruption, vols, viols, trafics d’influences, détournement du matériel militaire, désertions, exécutions sommaires, enrichissements illicites… depuis quelques années plusieurs hommes en tenue ignorent tous les codes liés à l’exercice de leurs métiers.
Ces hommes servent-ils encore la République ?
Les forces de défense et de sécurité camerounaise s’illustrent, depuis quelques années, par des agissements et des postures qui questionnent sur le rapport que certains de leurs hommes ont avec l’honneur et l’intégrité de la nation ainsi que la préservation de la quiétude sociale. Depuis quelques jours, l’actualité est rivée sur le cas de ces éléments de l’armée camerounaise interpellés au Togo alors qu’ils braquaient un opérateur économique. Des hommes connus des rangs. Et même issus des corps névralgiques de l’armée camerounaise. La télévision togolaise qui fait la révélation exclusive indique que les militaires camerounais interpellés sont en service au quartier général de Yaoundé. Mais aussi qu’après leur exploitation par les services de renseignement et de sécurité togolais, il apparaît que ces hommes d’arme agissaient à la commande d’un officier supérieur camerounais en service à la présidence de la République. Des révélations en partie soutenues par le ministre délégué à la présidence de la République qui promet des sanctions à l’encontre des personnes impliquées.
Derrière ce cas, présenté comme le plus récent, l’armée camerounaise a monopolisé l’actualité en 2018, avec la publication par la presse internationale d’une sulfureuse affaire d’achat d’armes et de matériels militaire assortie de relents de détournement de fonds et de blanchiment de devises. Une affaire qui impliquait des hauts gradés de l’armée camerounaise ainsi que des responsables de la haute administration camerounaise. Des personnes que de nombreux journaux internationaux associaient à des organisations criminelles établies en France et dans des régions du monde présentées comme des paradis fiscaux. Autant dans l’affaire Magforce que dans l’affaire Defex, il apparaît que les services de renseignement français et espagnol établissent la forte implication des hauts cadres de l’armée camerounaise, comme l’ont indiqué Jeune Afrique et Le Point.
Des hauts cadres mêlés
Un an après le déclenchement de la crise sécuritaire dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-ouest, un autre fait est venu s’ajouter au tableau peu glorieux des tares de l’armée camerounaise.
Dans une note d’information curieusement diffusée sur les réseaux sociaux début octobre 2017, la deuxième région militaire évoque la préparation d’un coup de force armée. Une tentative de déstabilisation du Cameroun qui, expliquait la note, devait partir des régions du Sud-ouest, du Nord-Ouest et de l’Est du Cameroun. Le projet de chao dénoncé par la note militaire indiquait l’implication d’activistes camerounais installés aux Etats-Unis, au Canada, en Europe, en Afrique du sud et au Nigéria. Surtout, le document dont l’authenticité a été vérifiée en ces temps par Le Messager soutenait que des personnalités en service dans la haute administration et des cadres des forces de défense y étaient impliquées. De même que le même document soutenait que des «combattants» recrutés pour cette opération étaient formés par des anciens militaires américains.
Devant la gravité des assertions contenues dans ladite correspondance, nous avons contacté l’ambassade des Etats-Unis à Yaoundé. Question d’en savoir sur l’identité des 80 anciens soldats présents sur le sol camerounais ? Mais aussi sur celle des marines et autres mercenaires indiqués par la note de renseignement mis dans l’espace public ? Le conseiller pour les affaires publiques et porte-parole de l’ambassade des Etats-Unis au Cameroun avait alors indiqué que «Il y a actuellement 300 soldats américains dans le Nord du Cameroun dans un rôle de soutien à l’armée camerounaise dans sa lutte contre Boko Haram.
Les Etats-Unis contribuent aux efforts pour vaincre Boko Haram à travers des programmes d’assistance sécuritaire et antiterroriste qui fournissent de l’intelligence, des conseillers, de la formation, des équipements et de la logistique.» Le diplomate Lee McManis a aussi expliqué que «Nous apportons de manière active sur un plan bilatéral et à travers la Force Multinationale que les pays du Bassin du Lac Tchad et le Bénin ont mis sur pied pour coordonner les efforts régionaux pour lutter contre Boko Haram. Nous vous referons au gouvernement de la République du Cameroun pour toutes autres questions relatives à votre document en pièce jointe dont la provenance est d’ailleurs».
Sécurité et défense des citoyens
Les motifs de divergence entre les hommes qui ont pour vocation de défendre et assurer la sécurité des biens et des personnes sont aussi légion sur l’ensemble du territoire. Les dysfonctionnements observés dans la localité de Ngarbuh restent vivaces à l’esprit de l’opinion. Des incartades souvent répétées dans les zones en conflit du Nord-Ouest, du Sud-ouest et de l’Extrême-Nord où des exécutions sommaires sont souvent constatées. De même que l’on observe depuis quelques années des cas de fronde dans les rangs de nos forces de défense et de sécurité. Souvent, des hommes de rangs en arrivent à dégainer sur leurs supérieurs hiérarchiques.
Au quotidien, la réalité devient plus préoccupante dans les relations entre le citoyen et les forces de sécurité. Plus proche de nous, le cas d’un homme abattu de sang froid, à Bafoussam, par un cadre de gendarmerie nationale reste d’actualité. De même que le cas de cette adolescente enlevée puis violée par un élément de la police nationale questionne sur la posture de certains personnels des forces de sécurité et de l’ordre. Il en est des agissements d’un gendarme à la réputation sulfureuse dans la localité de Bangou qui, lui aussi, a défrayé la chronique il y a quelques temps.
Forces de violation ?
Nul doute que nombreux parmi les personnes détenteurs du mandat de sécurisation de la nation font leurs devoirs dans le respect des codes établis. Reste que la gangrène semble gagner le corps causant des dommages qui pourraient incurables si rien n’est fait. C’est que, au quotidien, les attitudes de nombreux hommes en tenue frisent le déni du droit et des règles qui régissent pourtant ces corps de métiers au service de la nation. C’est une réalité permanente et indéniable sur nos axes routiers. Assignés au strict contrôle des identifications et de la circulation des personnes et des biens, les postes de contrôle qui se multiplient même sur des voies secondaires en zone rurale procèdent plus souvent à la collecte des fonds. Réalités établies au point où les éléments en faction dans ces espaces se soucient peu des regards. Sur l’ensemble des axes, les tarifs sont même fixés à l’avance selon qu’on soit détenteurs de toutes ses pièces ou non. Selon que le conducteur soit régulier du trajet ou pas.
Situation similaire dans le système d’établissement des pièces d’identification camerounaises où certains personnels de la police s’investissent à l’attribution de la carte d’identité nationale et du passeport à des individus ne justifiant pas de la nationalité camerounaise. Dans l’espace urbain, il n’est pas extraordinaire que des hommes en tenue entretiennent des relations questionnables avec des personnes où des groupes à la réputation contestable. C’est un phénomène observable dans les villes de Bafoussam, Yaoundé et Douala où des casinos sauvages versent régulièrement des impôts parallèles à certains agents des forces de maintien de l’ordre. Des lieux pourtant connus pour être des refuges de brigands et des foyers de distribution de stupéfiants et de recel. Comme le rappelle l’actualité alimentée par les militaires camerounais interpellés au Togo, il est fréquent que des hommes de nos forces de défense et de sécurité soient impliqués dans des groupes de braquage et autres agressions.
De même que de nombreuses interpellations sont effectuées au mépris des règles régissant les droits des citoyens. Il en est de ses rafles à répétition au terme desquelles des sommes d’argent importantes sont exigées aux victimes pour leur libération. Dans les marchés et autres lieux de commerce, certains agents de nos forces de maintien de l’ordre se substituent régulièrement aux services spécialisés pour percevoir des taxes particulières auprès des commerçants. Souvent même, il est exigé des impôts particuliers aux consommateurs. Des actes auxquels s’ajoutent la confiscation des pièces d’identité contre paiement de sommes forfaitaires versées au verbalisateur sans le moindre reçu du trésor public. Des actes dont la résultante est la multiplication des enrichissements autant spectaculaires que suspects de plusieurs éléments des forces de maintien de l’ordre depuis quelques années au Cameroun. Souvent en contraste avec le niveau de vie de certains de leurs supérieurs hiérarchiques.