Exclusif: Confessions inédites de Christian Tumi

Archidiocèse de Douala : L??Aurevoir de Christian Tumi
Le samedi 9 janvier 2010, à l??esplanade de la cathédrale Saint Pierre et Paul de Bonadibong à Douala, le nouvel archevêque métropolitain Mgr Samuel Kléda sera présenté au clergé et au peuple de Dieu qui est dans la capitale économique du Cameroun.
Deux ans après avoir été nommé archevêque coadjuteur de l??archevêché de Douala, Mgr Samuel Kléda succède effectivement à Christian Cardinal Tumi qui a été archevêque métropolitain de Douala de 1991 à 2009. Christian Tumi va bientôt dire au revoir aux fidèles et passer le témoin à son successeur que sa Sainteté le pape Benoît XVI a nommé le 17 novembre 2009. Avant de passer le bâton de commandement d??archevêque à Mgr Samuel Kléda, le cardinal Tumi

va écouter attentivement la
profession de foi de celui que le Souverain pontife a choisi pour le remplacer; ceci, pour s??assurer que Mgr Samuel Kléda continue à professer cette foi qui les unit encore ou qu??il n??a pas changé d??avis.
C??est après cette importante procédure que Christian Cardinal Tumi quittera la cathèdre pour la céder à son successeur.
Dans cette autre interview exclusive qu??il accorde à La Nouvelle Expression, Christian Cardinal Tumi dit tout. Il se confie sur sa vie, sur son ??uvre, sur ses préoccupations et projets. L??archevêque émérite de Douala s??exprime sur la vie et les défis de l??Eglise catholique à Douala, au Cameroun, et dans le monde.
Pas peur de mourir
Avec sa verve habituelle et son style direct, Christian Cardinal Tumi se prononce sur la vie sociale, culturelle, économique et politique du pays. Il évoque les menaces qui pèsent sur la famille et donne son avis sur des affaires qui secouent la République. Notamment « l??Opération épervier » qui remplit nos prisons de ministres et autres grands commis de l??Etat coupables ou soupçonnés de détournement des fonds publics.
Après plus de 43 ans de sacerdoce, plus de 30 ans d??épiscopat et plus de 21 ans de cardinalat, Christian Tumi est globalement satisfait de son ??uvre comme prêtre, évêque et archevêque. Mais, sa modestie et son perfectionnisme l??amènent à avoir des regrets.
Agé de 79 ans et deux mois, Christian Cardinal Tumi dont la mère a 112 ans, n??a pas peur de mourir. Récemment éprouvé par le décès de l??une de ses s??urs cadettes, l??archevêque émérite de Douala est demeuré ce philosophe qui supporte tout avec sérénité.
Quels sentiments éprouvez-vous à quelques jours de l??installation de Mgr Samuel Kléda comme archevêque métropolitain de Douala ?
Depuis le 17 novembre 2009, le Pape Benoit XVI a accepté ma demande de passer le gouvernement pastoral de l??archidiocèse de Douala à quelqu??un d??autre. Et cette personne est celle qui, pendant les deux dernières années, a été l??archevêque coadjuteur de Douala, Mgr Samuel Kléda. Depuis ce jour-là, il est effectivement mon successeur. C??est pourquoi lors des messes, pendant la prière eucharistique depuis le 18 novembre 2009, lorsque le prêtre célébrant dit de prier pour notre évêque, son nom est mentionné avec le mien. On prononce son nom en premier lieu et ensuite le mien de la manière suivante : « Notre archevêque Mgr Samuel Kléda et notre archevêque émérite Christian ». C??est un privilège que le Saint-Siège m??a accordé sans que j??en fasse la demande.
Vous avez passé presque vingt ans à Douala. Qu??est-ce qui vous a marqué et comment avez-vous trouvé le peuple de Dieu qui est à Douala ?
Ce qui m??a marqué, c??est d??abord l??Eglise de Dieu ,et, bien sûr, la décision du Saint-père Jean-Paul II, de vénérée mémoire, de m??affecter à Douala. J??étais auparavant archevêque de Garoua. Et, je peux dire qu??à Douala, j??ai été un évêque heureux, même s??il y avait des difficultés de temps en temps ?? on ne peut pas imaginer une vie sans difficultés. Dans l??ensemble, j??ai trouvé un clergé qui a collaboré avec moi et un laïcat qui aime son Eglise. Le travail est devenu pour moi comme un jeu.Partout où je suis passé dans les paroisses, j??ai trouvé la collaboration de tout le monde. J??ai réalisé beaucoup de choses à Douala. Cela ne doit pas être attribué à ma seule personne. Je le dois à toute l??Eglise qui est à Douala. Le peuple de Dieu qui est à Douala. Nous avons travaillé ensemble. Je les remercie infiniment au moment où je passe la main à mon successeur.
Certains événements vous ont-ils personnellement marqué pendant que vous étiez archevêque métropolitain de Douala ?
Il y a des événements qui m??ont rendu heureux. Par exemple, le fait de savoir qu??il y a beaucoup de jeunes prêtres que j??ai ordonnés. C??est quelque chose qui me frappe encore aujourd??hui. Je suis aussi ému lorsque des membres du clergé m??invitent à la célébration de leurs anniversaires dans le ministère ou le sacerdoce. Je pense au nombre de prêtres que par mon ministère j??ai donné à l??Eglise qui est à Douala.
Combien y a-t-il de prêtres dans l??archidiocèse de Douala ?
Il y a une centaine de prêtres dans l??archidiocèse de Douala. Le nombre augmente. Nous venons d??ordonner 12 prêtres. Ce n??est pas donné à tous les diocèses du monde d??ordonner 12 prêtres le même jour.
Que peut-on retenir de votre bilan pastoral et de vos réalisations dans l??archidiocèse de Douala ?
En ce qui concerne mon bilan pastoral à Douala, je dirai qu??à mon arrivée ici, j??ai trouvé deux évêques auxiliaires : Mgr Victor Tonye Bakot et Mgr Gabriel Simo. Le premier est actuellement archevêque métropolitain de Yaoundé. Le second est évêque auxiliaire à Bafoussam. Avec les deux évêques auxiliaires trouvés sur place à Douala, nous avons constitué un directoire pastoral. Ils connaissaient mieux que moi le diocèse de Douala dont ils avaient déjà une certaine expérience. Ils ont proposé d??agir ensemble dans l??unité ; car selon eux, l??activité pastorale était trop dispersée. Chacun faisait comme il pouvait dans sa paroisse. Entre temps, Mgr Tonye Bakot a été nommé évêque d??Edéa et Mgr Gabriel Simo, évêque auxiliaire à Bafoussam.
Avec Mgr Dieudonné Bogmis, également évêque auxiliaire, nous avons continué avec le travail pastoral. J??ai proposé aux fidèles un guide pastoral. Il faut toujours un guide pastoral pour donner des directives aux prêtres. Nous sommes-là pour guider le peuple de Dieu. Beaucoup de laïcs sont au courant de ce guide pastoral. Nous mettons l??accent sur deux choses : la parole de Dieu et l??administration des sacrements. Ce sont deux instruments, deux moyens que Jésus-Christ a laissés dans son Eglise.
En ce qui concerne les autres réalisations, il y a des hôpitaux, des collèges, des écoles, etc. J??ai travaillé avec des personnes compétentes dans plusieurs domaines. J??ai, par exemple, beaucoup travaillé avec le coordonnateur diocésain de la santé et des activités socio-caritatives. Nous avons deux importants hôpitaux catholiques à Douala. Le premier fonctionne déjà à Logpom. C??est l??hôpital Notre-Dame de l??Amour. Bientôt, l??hôpital Saint Albert Legrand de Bonabéri pourra aussi fonctionner.
J??ajoute qu??il y a un troisième hôpital du côté de Deido – Akwa-Nord. Un hôpital qui va s??appeler Padre Pio et qui appartient aux Franciscains. Je veux parler de l??hôpital des s??urs de Shisong. J??ai créé quelques collèges. Je pense au collège Saint Charles Borromée, au Sacred Heart College qui est un établissement scolaire anglophone avec internat ; ainsi qu??au collège Notre Dame des Nations de Yassa qui possède aussi un internat. En dehors de ces trois collèges, tous les autres existaient déjà quand je suis arrivé à Douala.
En ce qui concerne les paroisses, on en a créé un certain nombre. Dix paroisses ont été créées entre l??année passée et cette année par exemple. Le nouvel archevêque va en créer d??autres encore.  A ce jour, on peut dénombrer 46 paroisses. Sur le plan de la communication, personne ne peut oublier Radio Veritas qui est un important instrument pastoral dans l??archidiocèse de Douala. Je suis très content de ce que les fidèles écoutent et font écouter cette radio, grand outil d??information et d??évangélisation. J??ai relancé L??Effort Camerounais et créé la Maison catholique de la communication sociale (Macacos) qui comporte en son sein une imprimerie très sollicitée. Dans l??audiovisuel, il y a la structure Videopro.
Comme je l??ai dit tantôt, je n??ai pas réalisé tout cela tout seul. Je pense spécialement à l??actuel directeur général de la Société nationale de raffinage (Sonara) du Cameroun, Charles Metouck ,qui a été à un moment donné directeur – sans salaire – à Macacos. Il m??a aidé à bien organiser Macacos et continue de jeter un regard sur cette structure en sa qualité de membre du conseil d??administration de Macacos.
D??évêque de Yagoua à archevêque de Douala, en passant par archevêque de Garoua, comment appréciez-vous votre itinéraire pastoral ?
Quel que soit le lieu où l??on se trouve, l??Eglise continue le travail de Jésus-Christ. La mission de notre Seigneur était de proclamer le Royaume de Dieu et d??appeler tout le monde à la conversion. C??est cela l??essentiel. C??est ce que chaque prêtre fait. Ainsi que tous les évêques. On peut employer des méthodes différentes, mais l??essentiel est le même. Et comme disent les évêques du Cameroun, on ne peut pas séparer l??Evangélisation du développement. C??est pourquoi dans tous les diocèses au Cameroun, il y a les activités socio-caritatives pour aider les gens à se mettre debout autant que nous pouvons. Avec le peu de moyens que nous avons, nous ne ratons pas l??occasion d??aider les gens du mieux que nous pouvons.
Les hôpitaux que nous avons construits, on ne l??a pas fait avec nos moyens propres de l??archidiocèse de Douala. Ce sont les Eglises s??urs, dans les diocèses des pays développés, qui nous ont aidés à réaliser ces ??uvres. Par exemple, l??hôpital de Logpom a été construit par les chrétiens des Pays-Bas. L??hôpital catholique de Bonabéri est construit avec le soutien d??autres Eglises s??urs et autres bienfaiteurs.
Votre esprit de bâtisseur nous rappelle feu Mgr Albert Ndongmo. Il disait qu??on ne peut pas envoyer les gens au ciel comme si la Terre n??existait pas. Est-ce de lui que vous vient l??idée de doter l??archidiocèse de Douala d??une véritable autonomie financière ?
Non. L??Eglise a toujours été pour l??évangélisation et le développement. Chaque diocèse doit rechercher les moyens lui permettant de bien fonctionner. L??Eglise a toujours pensé qu??il faut développer l??Homme dans son intégralité. Développer l??Homme, c??est développer ses facultés pour qu??il puisse raisonner et poser des actes d??homme. Mais aussi continuer la création.
L??Eglise vise le bien-être et le salut de l??Homme. C??est l??Eglise catholique qui a fondé les toutes premières universités au monde. La Sorbonne, Oxford et Bologne étaient des universités catholiques par exemple. Les réalisations effectuées dans l??archidiocèse de Douala n??ont rien à voir avec les propos de Mgr Albert Ndongmo.
Quels étaient vos rapports avec Mgr Albert Ndongmo ?
Nous n??avions pas des rapports.
A-t-il été votre mentor ?
Non. Pas du tout. Quand il était évêque de Nkongsamba, j??étais un jeune prêtre. Je ne l??ai pas bien connu. Mais, j??entendais parler de lui. J??étais plein d??admiration pour lui et pour ce qu??il faisait. Mgr Albert Ndongmo aimait beaucoup son pays.
Je reconnais qu??il a eu à intervenir dans ma vie, au niveau de mes études en Europe. Alors que j??étais encore jeune prêtre, mon évêque, Mgr Julius Peeters, voulait que j??aille étudier à Rome. J??ai dit à mon évêque que mon pays était devenu bilingue, que je pouvais aller étudier dans un pays francophone. Mon évêque m??a répondu qu??il ne savait pas dans quel pays francophone m??envoyer. Or, mon évêque était très proche de Mgr Albert Ndongmo. Ils étaient des amis. Ils se rendaient visite. Un jour, Mgr Ndongmo est venu rendre visite à Buea à mon évêque. C??est Mgr Albert Ndongmo qui a suggéré à mon évêque de m??envoyer faire des études à l??université de Lyon, en France. C??est ainsi qu??en 1969, je suis allé faire des études de théologie à Lyon. Et plus tard, j??ai continué mes études à Fribourg, en Suisse où j??ai obtenu en 1973 mon doctorat en philosophie. Je suis retourné au bercail. Cette même année 1973, j??ai été nommé recteur du grand séminaire Saint Thomas d??Aquin de Bambui. J??en étais le recteur-fondateur
Le seul moment où Mgr Albert Ndongmo intervient dans mon parcours, c??est quand il conseille Mgr Peeters de m??envoyer faire des études à l??université de Lyon où le diocèse de Nkongsamba avait coutume d??orienter ses prêtres et séminaristes. A Lyon, je vais obtenir une maîtrise en théologie et une autre en philosophie. Je rencontrerai Mgr Albert Ndongmo en 1985, lors de la première visite du pape Jean-Paul II au Cameroun.
Quelles sont vos préoccupations depuis que vous êtes archevêque émérite de Douala ?
Ma première préoccupation est de bien former les jeunes prêtres. Je voudrais aussi que le laïcat soit engagé et efficace dans les paroisses. C??est pourquoi je dis souvent ceci aux prêtres : un prêtre qui ne travaille pas bien avec les fidèles laïcs n??a rien compris du Concile Vatican II. Un prêtre qui veut travailler seul dans sa paroisse ne peut pas réussir aujourd??hui dans sa mission. A Douala, lorsque l??archevêque et moi allions en visite pastorale, nous demandons deux rapports. Le rapport pastoral que présente le curé, premier responsable paroissial en ce qui concerne la vie spirituelle et le rapport des activités matérielles de la paroisse. Ce dernier rapport est présenté par un responsable laïc qui s??occupe des activités économiques de la paroisse. Le tout est bien sûr réalisé en tenant compte du fait que le curé est responsable de la vie pastorale et de la bonne gestion des biens de sa paroisse.
Rien d??autre ne me préoccupe vraiment. Sinon, je suis en train d??écrire un nouvel ouvrage. Je crois avoir terminé le premier chapitre de mon deuxième livre qui sera beaucoup plus spirituel que le premier. La thèse que je veux défendre dans ce livre, c??est que sans la spiritualité que j??appellerai l??Ethique humaine, un pays ne peut pas réussir, même matériellement.
Ils gouvernent à la place de quelqu??un à qui tout appartient. C??est Dieu qui a créé le monde. On ne peut pas gouverner le monde sans Dieu. Si on gouverne sans Dieu, on va échouer. C??est ce que je suis en train de prouver. Je parle dans mon livre de la création du monde, de la place de Dieu dans le monde et je termine par la place du chrétien dans la vie civile, comme dans le monde. Tout ce que nous faisons doit être bien fait. L??activité du chrétien est toujours pour la gloire de Dieu.
Nous avons appris que vous allez continuer à donner des cours à l??Ecole cathédrale de Théologie pour les laïcs de Douala (Ecathed). Que pensez-vous de cette Ecole dont les lauréats de la première promotion ont reçu le 26 novembre 2009, leurs parchemins après trois années de formation théologique ?
L??Ecathed est l??une des ??uvres dont nous sommes très fiers. Si nous avons lancé cette Ecole cathédrale de théologie pour les laïcs, c??est à la demande des laïcs eux-mêmes. A trois reprises, lors des rencontres en congrès diocésains, les laïcs demandaient la formation doctrinale pour les laïcs. Avec le père Fidèle Mabegle qui a passé quinze ans à la tête du grand séminaire, nous avons pensé que le moment était venu de lancer cette Ecole. La nouvelle a été annoncée à Radio Veritas et la réponse nous a beaucoup surpris. Des centaines de personnes se sont inscrites dès l??ouverture de l??Ecathed dont la première rentrée académique a eu lieu en octobre 2006. Cela signifie qu??il y avait une grande attente des fidèles. Deux cent trente parchemins ont été remis par l??archevêque Mgr Samuel Kléda et moi-même, le 26 novembre dernier, aux étudiants de  la première promotion de l??Ecathed. Oui. Je vais continuer à donner des cours à l??Ecathed tant que ma santé me le permettra. Je me prépare cette fois-ci à donner des cours de philosophie. Les gens aimeraient connaître la logique formelle et la métaphysique que j??aime beaucoup. C??est une matière que j??ai enseignée pendant six ans. L??archevêque Mgr Samuel Kléda est très impliqué dans cette formation où il enseigne l??Ecriture Sainte. Il y a un jeune prêtre qui va l??aider souvent, l??abbé Michael Tchoumbou qui a une licence en exégèse, comme Mgr Samuel Kléda.
Depuis cette année académique 2009/2010, l??Ecole forme des étudiants au sein de l??Institut supérieur des sciences religieuses de Douala (Issrd). Les futurs lauréats obtiendront une licence en théologie après quatre ans de formation ! Comment en êtes-vous arrivé là ?
On a fait une demande de création  d??une université catholique à Douala, l??université catholique de l??Afrique Centrale (Ucac) de Yaoundé étant devenue trop petite pour répondre à la demande sans cesse croissante de formation. Chaque année, il y a une demande de presque 2000 étudiants, surtout pour entrer dans la faculté des sciences sociales et de gestion de l??Ucac. Or, il n??y a de places disponibles que pour 200 personnes. Beaucoup de jeunes désireux de se former venant de Douala, on a pensé qu??il fallait qu??on commence quelque chose à Douala. L??Etat nous a fait l??honneur d??autoriser l??ouverture de l??Institut universitaire catholique de Douala (IUCD) qui a débuté cette année académique 2009/2010 par la filière des sciences religieuses. L??année académique prochaine, nous ouvrirons la filière sciences de gestion appliquée.
Au niveau du gouvernement et précisément au sein du Rdpc, le parti au pouvoir, certaines personnalités vous soupçonnent de vouloir bientôt participer aux activités politiques maintenant que vous êtes en retraite. Qu??en est-il exactement ?
Quoi de plus normal que je m??intéresse à la vie politique de mon pays ! Je vois ça comme une obligation. Je suis d??abord un citoyen. Je suis né Camerounais. Je suis devenu chrétien. Donc, je ne peux pas me mettre à l??écart de la vie politique de mon pays. Je ne peux ne pas participer aux élections. Que je sois candidat ? C??est mon droit de citoyen, mais je n??ai jamais rêvé de faire les choses pour lesquelles on me soupçonne.
L??opposition et la société civile n??ont pas renoncé à l??idée de vous solliciter comme candidat à la prochaine élection présidentielle. Que leur répondrez-vous s??ils vous relancent ?
Je leur répondrai simplement Non. Car, ce n??est pas mon domaine.
A quand les diocèses de Kumba et de Bafang ?
Le nonce apostolique au Cameroun et en Guinée équatoriale, Mgr Eliseo Antonio Ariotti ?? qui va quitter le Cameroun pour le Paraguay où il a été affecté par le Pape Benoît XVI ?? avait annoncé publiquement qu??il y aurait un diocèse à Kumba et un autre à Bafang. On ne peut plus faire marche arrière. Ce que l??on attend maintenant selon la nonciature, ce sont les candidats. Une fois que les candidats seront trouvés pour être désignés évêques, les choses vont avancer rapidement.
Mgr Joseph Atanga a été promu archevêque de Bertoua, l??abbé Faustin Ambassa Ndjodo a été nommé évêque de Batouri et l??abbé Sosthène Léopold Bayemi nommé évêque d??Obala le jeudi 3 décembre 2009. Avez-vous un message pour eux ?
Aucun message. Je leur souhaite seulement bonne chance dans leur ministère épiscopal.
Il vous est arrivé de sanctionner un prêtre vivant en concubinage notoire avec progéniture. Ne pensez-vous pas qu??il y a un malaise réel lorsque certains prêtres n??hésitent pas à violer leur v??u de chasteté ?
Il y a des infidélités parmi les clergés partout à travers le monde. Ce n??est pas seulement en Afrique ou au Cameroun. Chez tout homme, il y a cette tendance à être attiré par la femme. La femme aussi est attirée par l??homme. Cette tendance à se rapprocher d??une personne de s*e*xe opposé est naturelle. C??est le bon Dieu qui a voulu que cela soit ainsi en vue du mariage. Quand on devient prêtre, cette tendance ne disparaît pas, elle n??est pas détruite. La tendance est toujours présente d??aimer une femme. Le bon Dieu a voulu les rapports s*e*xuels entre un homme et une femme, mais dans le mariage. En dehors du mariage, c??est toujours une faute morale grave. On trouve des cas où des prêtres peuvent chuter. Mais, il faut qu??ils se relèvent.
Si un prêtre est marié à l??état-civil avec une femme ou s??il vit en concubinage notoire avec une femme, il doit savoir qu??il vit dans un état de péché. Dans ces conditions, il ne peut pas continuer à exercer le ministère sacerdotal.
Cela ne remet-il pas sur la place publique le débat sur le célibat des prêtres ?
Le mariage ne résout pas tous les problèmes. Il y a des mariés qui ne sont pas fidèles à leurs conjoints. Le débat sur le célibat des prêtres ne résout aucun problème. Que dites-vous des monogames qui entretiennent des « seconds bureaux » avec des enfants ? Il faut seulement demander la grâce d??être vigilant et de maîtriser ses penchants. Jésus-Christ propose la fidélité et la chasteté à tout le monde. Pas seulement au clergé ou aux chrétiens. Chasteté pour le Royaume en ce qui concerne les personnes consacrées. Mais, les mariés vivent aussi la chasteté dans leur mariage. Un homme marié ne devrait pas convoiter une femme autre que la sienne.
Pouvez-vous donner les grandes lignes des 57 propositions présentées au pape Benoît XVI par les pères synodaux lors de la deuxième assemblée spéciale du synode des évêques pour l??Afrique auquel vous avez pris part en octobre dernier ?
Bien sûr. Pour nous, chacune des 57 propositions est très importante. Nous avons voté démocratiquement chaque proposition. Ces propositions ont été adressées au pape Benoît XVI. Après une étude minutieuse de ces propositions avec l??aide de techniciens et d??experts, le Saint-Père va publier un document post-synodal comme il le fait après chaque synode. Il proposera dans un document post-synodal comment vivre le thème du synode qui porte sur la réconciliation, la justice et la paix.
Bien sûr, nous avons abordé d??autres sujets dans la lettre qui a été adressée à tous les fidèles d??Afrique et à toutes les personnes de bonne volonté. On a abordé les questions de bonne gouvernance et surtout l??article 14 du Protocole de Maputo. Cette disposition du protocole à la charte africaine des droits de l??homme et des peuples relatif aux droits de la femme avait déjà été condamnée par le Saint-père et quelques conférences épiscopales nationales. Le synode des évêques a réaffirmé ce que nous avons fait à Douala par rapport à ce fameux article 14 du Protocole de Maputo qui autorise et banalise l??avortement.
Que retenez-vous justement de la marche pénitentielle du 11 juillet 2009 à Douala, qui a vu la participation de plusieurs dizaines de milliers de personnes contre le protocole de Maputo ?
Cette marche a surpris beaucoup de gens au pays et hors du pays. Je n??avais pas demandé la permission ou fait une quelconque déclaration aux autorités au sujet de la marche du 11 juillet 2009. Puisqu??il s??agissait d??une marche pénitentielle. Le gouverneur de la région du Littoral est venu me voir la veille pour me dire que tout le monde en parle dans le pays : « Est-ce que ce ne serait pas bien qu??il y ait la police pour contrôler le trafic pendant la marche ? », a-t-il demandé. J??ai répondu : « Pourquoi pas ? ». Vous avez constaté vous-mêmes que la marche du 11 juillet 2009 s??est déroulée dans la paix et dans la joie. De manière étonnante, les députés de l??Assemblée nationale qui avaient pourtant adopté le projet de loi autorisant le président de la République à ratifier le Protocole de Maputo cherchaient le texte dudit protocole pour bien le lire. Ce qu??ils auraient dû faire avant de voter le texte en question. Les députés n??ont pris conscience des enjeux du protocole de Maputo qu??après que l??Eglise a réagi à Douala contre l??article 14. L??Eglise propose, mais chacun fait ce qu??il veut.
Vous aviez personnellement pris la tête de la marche après la messe pour aller remettre les signatures et la pétition adressées au président de la République au gouverneur de la région du Littoral.
C??est exact. Vous avez constaté qu??après la messe du 11 juillet 2009 à la cathédrale Saints Pierre et Paul de Bonadibong, personne n??a bougé. Nous avions un courrier à remettre au chef de l??Etat via les services du gouverneur de la région du Littoral. Ceux qui voulaient venir avec nous,  nous ont librement suivis dans la marche que Mgr Samuel Kléda et moi-même avions engagée en direction des services de M. le gouverneur de la région du Littoral. Une fois que l??archevêque et moi nous sommes mis en route en direction de Bonanjo, le quartier administratif, la foule immense nous a suivis dans la joie. C??est comme cela que les choses se sont passées. Tenez-vous bien ! Beaucoup d??évêques, dans le continent africain et à travers le monde entier, nous ont félicités lors du synode qui s??est déroulé récemment à Rome. C??est que l??évènement, à travers les médias écrits, l??audiovisuel et Internet, a été vu, analysé et connu dans le monde entier. Nous avons été félicités d??avoir eu le courage d??organiser cette marche populaire. Nous n??avons pas eu besoin d??avoir du courage pour faire ce qui s??est passé. C??était tellement évident de le faire. Ce qui nous a beaucoup intéressés, l??archevêque et moi-même, c??est que l??initiative de la marche est venue des laïcs de l??archidiocèse de Douala. Nous les avons encouragés dans cette initiative. S??il y a une leçon à retenir de cette affaire, c??est que les laïcs doivent continuer à s??impliquer dans les causes que défend l??Eglise, avec bien sûr la collaboration et l??autorisation de leurs évêques.
Que pensez-vous de « L??opération épervier » qui remplit nos prisons de grands commis de l??Etat parmi lesquels de nombreux chrétiens réputés généreux envers l??Eglise ?
A quoi sert-il de mettre tous ces gens en prison ? Il faut qu??ils ramènent l??argent au pays. Je me demande s??ils ont même encore cet argent. C??est peut-être le cas de quelques-uns. L??argent mal acquis ne peut profiter à celui qui l??a volé ou détourné. Je préfère qu??on trouve une solution matériellement bénéfique pour le pays. On peut saisir les biens, les comptes bancaires et autres avoirs des personnes concernées si elles sont reconnues coupables. Dans ce cas, on reverse les biens mal acquis au Trésor public. L?? « Opération épervier » ne doit pas se transformer en une opération de vengeance.
Peut-on parler d??une opération politique déguisée ?
C??est ce que disent beaucoup de camerounais. On raconte que les victimes de « L??Opération épervier » sont en prison non pas parce qu??ils auraient détourné les fonds publics, mais parce qu??ils auraient des ambitions politiques gênantes pour le président de la  République. Leur présence menacerait la place du chef de l??Etat à l??horizon 2011. Il se trouve que ces gens qui ont été jetés en prison sont populaires. Certains se seraient retrouvés en prison parce qu??ils ont manifesté leur désir d??être candidat à l??élection présidentielle. D??autres sont simplement soupçonnés de vouloir briguer un mandat présidentiel pour succéder au président Paul Biya.
Quelle réflexion vous suggère le fait que la plupart d??entre eux soient des chrétiens ?
Justement, la plupart d??entre eux sont des chrétiens. On n??est pas chrétien comme cela une fois pour toute la vie et sans aucun respect des commandements de Dieu. Il faut vivre le christianisme tous les jours. Il y a des exigences lorsque l??on s??engage dans une religion. Que l??on soit chrétien ou musulman, il faut respecter les enseignements de sa religion. C??est un des chapitres que je vais traiter dans mon prochain livre. Pour bien gérer les biens publics, un chrétien doit savoir se gérer soi ??même.
Elections Cameroon (Elecam) peut-il organiser des élections libres, transparentes et démocratiques au Cameroun avec sa composition monocolore actuelle ?
Rien n??est mauvais en soi. Les membres du conseil électoral et de la direction générale des élections d??Elecam peuvent être objectifs. Mais, malheureusement pour eux, puisqu??ils sont à presque 99 % des hommes et femmes du parti au pouvoir, les gens les soupçonnent. La question demeure de savoir s??ils peuvent vraiment être objectifs ou s??ils ne vont pas organiser des élections pour satisfaire leur parti politique dont ils auraient démissionné pour la forme ? En fait, tout dépend de l??Homme. C??est une affaire de conscience. Il est précoce de leur faire un procès sur l??objectivité. Car, ils peuvent être du parti au pouvoir et faire preuve d??objectivité et d??impartialité.
Vous avez affirmé un jour que s??il y a la guerre au Cameroun, cela pourrait provenir d??élections mal organisées !
C??est exact. Je tiens à le redire aujourd??hui. Je maintiens cette affirmation. Un jour, les gens vont dire qu??ils en ont marre et vont se braquer. Vous avez vu ce qui s??est passé dans les grandes villes du Cameroun en février 2008. Jusqu??aujourd??hui, personne ne peut dire qu??il sait exactement comment tout cela s??est passé. C??est-à-dire les tenants et les aboutissants de ces émeutes de la faim. Personne ne sait s??il y avait quelqu??un derrière ces jeunes qui criaient leur ras-le-bol. Des jeunes sans travail, des personnes sacrifiées et victimes d??injustices qui voient comment les gens roulent à gauche et à droite dans des grosses voitures acquises souvent de façon malhonnête. Les jeunes réfléchissent à la manière de renverser la situation.
Paul Biya avait pourtant dénoncé « les apprentis sorciers » qui se cachent derrière les événements de février 2008??
C??est son opinion.
Quelles leçons tirez-vous des attaques dont vous avez fait l??objet de la part de l??ancien ministre Ferdinand Koungou Edima et du ministre Jacques Fame Ndongo il y a quelques années ?
Je leur avais répondu. Nous sommes devenus des amis aujourd??hui. Quand je dénonce des choses, je n??attaque pas des personnes, mais ce que les personnes ont dit. Il y a une grande faiblesse au Cameroun en ce qui concerne les opinions émises. On ne se donne pas le temps d??analyser ce que quelqu??un a dit. On l??attaque ouvertement et sans la manière !
Alors qu??il était gouverneur de la province du Littoral, Ferdinand Koungou Edima vous avait accusé de plusieurs choses dont celle de soutenir les braqueurs à qui vous aviez adressé une lettre ouverte pendant le commandement opérationnel??
Bien sûr que c??était faux ce que disait Ferdinand Koungou Edima. On peut soutenir les braqueurs en tant que personnes humaines. Ce que je tenais à dire dans ma lettre, c??est qu??il faut juger les braqueurs. Il ne faut pas garder les gens en prison sans les juger, sans les traduire au tribunal. Ils doivent être jugés et libérés ou être jugés et condamnés à purger une peine de prison. Nous avions aussi condamné les exécutions extrajudiciaires. La vie humaine est très précieuse. On doit respecter les droits de tous, y compris ceux d??un criminel qui a tué quelqu??un.
Le ministre Jacques Fame Ndongo, alors ministre de la Communication, trouvait vos interventions médiatiques intempestives et toujours critiques envers le régime Biya.
C??est son opinion. Au Cameroun, un délégué m??a dit un jour, quand j??étais à Garoua, qu??on leur avait donné des directives. Celles de ne jamais m??interviewer en direct à la Crtv. Je suis absolument libre de dire ce que je pense chaque fois que j??ai l??opportunité de donner mon point de vue sur une situation donnée. Personne ne peut me priver de ma liberté. Après tout, je suis un des patriarches de ce pays. Il n??est pas donné à tout le monde d??avoir mon âge.
Avez-vous le sentiment de vous être enfin fait comprendre lorsque vous avez signé le contrat ayant permis au Pari mutuel urbain du Cameroun (Pmuc) de s??installer sur une parcelle de terrain de l??archidiocèse de Douala ?
Lorsque j??étais en tournée pastorale paroissiale, un fidèle m??a posé la question suivante : Monsieur le Cardinal, lorsque vous vous souvenez de tout ce qui a été raconté sur le contrat entre l??archidiocèse de Douala et le Pmuc, avec du recul qu??est-ce que vous en pensez ?
Je lui ai répondu que je me félicite de ce que j??ai fait. Certains me trouvent même des qualités d??un homme d??affaires qui a réussi une négociation. Je n??ai jamais regretté un seul instant d??avoir signé ce bail emphytéotique. D??ici 60 ans, l??immeuble va revenir à l??Eglise. Depuis la signature du bail, le Pmuc verse chaque année 38 millions de francs Cfa à l??archidiocèse de Douala. Je dois lutter pour l??autosuffisance financière du diocèse dont j??ai la charge. L??Eglise cherche de l??argent pour accomplir sa mission divine. L??Eglise investit par exemple dans des ??uvres comme Macacos pour avoir les moyens de former plus de prêtres et assurer la vie matérielle des ouvriers apostoliques.
Votre devise de prêtre a-t-elle influencé votre vie ?
Je vérifiais encore ce matin sur ma table ma devise de prêtre. Il y a 43 ans que je disais : « Prions pour l??Eglise qui est au Cameroun ». Quand j??ai été nommé évêque de Yagoua, le 6 décembre 1979, ma première réaction était de ne pas accepter ma nomination. Je ne connaissais pas Yagoua. Mon évêque m??a encouragé à accepter cette nomination. J??ai accepté d??aller à Yagoua par obéissance à la volonté de Dieu. C??est pour cela que j??ai choisi comme devise d??évêque : « Seigneur, me voici. Je viens faire ta volonté ».
Vous avez la chance d??avoir encore votre mère en vie. Quel est le secret de la longévité en famille ?
C??est Dieu qui sait tout. Je ne peux pas savoir pourquoi elle est encore vivante. Elle a 112 ans. Mais, son mari, mon père, est décédé en 1971. Il n??a pas vécu aussi longtemps que ma mère, sa femme.
Quelle est la solution au problème anglophone au Cameroun ?
Je suis pour le fédéralisme. En voyant nos différences, notre diversité culturelle et linguistique, les Etats-Unis du Cameroun seront la bienvenue. Si le gouvernement avait exécuté la décision de décentraliser, je crois que ce qu??on appelle le problème anglophone aurait largement trouvé sa solution. Si le parti au pouvoir apprenait à dialoguer, on n??en serait pas là aujourd??hui. L??Anglophone est quelqu??un qui dit ce qu??il pense, mais toujours avec respect pour l??autorité. On a cependant l??impression qu??il y a des postes au Cameroun qui ne doivent pas être occupés par un Anglophone. Je comprends que la fonction de président de la République résulte de l??élection présidentielle, mais je pense surtout à des postes ministériels des domaines des Forces Armées, de l??Education nationale, des Finances, l??Administration territoriale, etc. Est-ce les Anglophones sont si stupides qu??ils ne puissent pas occuper de
tels postes ? Beaucoup ont fait de grandes études dans ces différents domaines et sont utilisés à l??étranger dans des organismes internationaux. Il faut toujours dialoguer et tenir compte des compétences de tous les Camerounais sans aucune discrimination.
Comment voyez-vous l??avenir du Cameroun avec une société en complète déliquescence morale ?
Par rapport à l??Occident, on ne peut pas encore parler de complète déliquescence morale au Cameroun. C??est pire en Europe. Il n??y a pratiquement plus de respect de l??éthique objective dans les pays occidentaux. Tout est subjectif. Là-bas, on ne parle plus de mariage, mais de partenariat. La définition du mariage a subi des transformations. Des hommes qui vivent ensemble ou des femmes qui vivent en concubinage notoire sont mariés. La société occidentale est ainsi devenue permissive au point d??accepter le mariage des homos*e*xuels

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