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Essengue : un « village » au coeur de Douala

Les conditions de vie des pêcheurs de ce bled qui jouxte la zone portuaire de Douala sont difficiles, malgré toutes les entreprises qui s??y déploient. C??est un jour comme les autres à Essengue. Un passant a jeté un morceau de ferraille par terre, un autre l??a piétiné par inadvertance, et une troisième personne ne l??a ramassé pour compléter le petit tas qu??il possédait déjà. Enfin, le morceau de ferraille vendu sur le marché de la survie va finir sa course dans les stocks des sociétés indiennes et chinoises qui exercent dans le secteur, avant de prendre le large dans des conteneurs pour être fondu et recyclé à l??étranger. C??est comme cela qu??Alain

E. dit gagner sa vie. Ce jeune homme de 28 ans travaille dans l??une de ces sociétés depuis deux ans. « Pour le moment, mes études sont suspendues faute d??argent. Je suis venu rejoindre mes parents ici à Essengue », confie-t-il. Ce travail fait-il vivre son homme ? Alain préfère ne pas trop s??épancher là-dessus. « C??est déjà ça, on se bat avec. Et puis je ne crois pas qu??il y ait mieux », lance-t-il. Mais déjà, il faut le laisser à son job. Notre ami n??a peut être pas tort. En effet selon Esseng Esseng, chef du quartier Essengue, sa localité est très frappée par le chômage. « Le coin est essentiellement constitué de débrouillards. Ici, les gens font ce qu??ils peuvent ou trouvent, pour vivre ou survivre », dit-il. Et pourtant, le quartier qui occupe une partie du domaine portuaire aurait pu logiquement espérer mieux pour ses habitants, compte tenu de la présence des nombreuses sociétés dans la zone. Celles-ci exercent dans divers secteurs comme le transit, le bois, le pétrole, etc. « Très peu emploient les jeunes d??ici. C??est d??ailleurs un de nos plaidoyers auprès de l??administration. Le sous-préfet de Douala 1er nous a récemment promis qu??il parlerait aux dirigeants de ces entreprises », précise le chef du quartier. Mais, autant les habitants ne tirent pas profit de la présence de ces entreprises à ses alentours sur le plan de l??emploi, autant le village n??en profite pas au niveau des infrastructures. « Il n??y a pas de routes. La mairie n??a rien fait jusqu??ici, alors que les plans d??aménagement du quartier lui ont déjà été soumis depuis longtemps. Les centres de santé sont dérisoires, et on y fait des soins sommaires. Bref, nous n??avons pas de structures viables », se lamente Esseng Esseng. Sur ce plan aussi, le sous-préfet a promis de sensibiliser les entreprises pour qu??elles aident à la construction d??adductions d??eau, d??écoles, etc. Sur le plan de l??éducation, le quartier possède deux petites écoles primaires laïques, auxquelles s??ajoute celle de la mission catholique dont le cycle s??arrête malheureusement au CE2. Seul véritable fait d??arme de sociétés environnantes, la route qui constitue l??artère principale du quartier. Elle serait l????uvre d??une entreprise chinoise selon les habitants. Par ailleurs, celle-ci bien que non bitumée, est refaite tous les trois mois. Population hétéroclite On est bien loin du village de pêcheurs qu??était ce bled perdu à l??origine. « Il s??agissait d??une pêcherie au début. Les pêcheurs se réunissaient pour vendre le poisson sur les plages en bordure du port. La situation a un peu évolué à présent », déclare le chef du quartier. Du côté de la mairie de Douala 1er dont dépend le bled, l??on apprend que c??est d??ailleurs cette activité qui est en partie à l??origine de la création du quartier. « C??est un nouveau quartier dont l??activité est liée à l??insularité de la place. Il s??agit en effet de l??un des quartiers de la ville qui est en contact avec la mer », confie Lengue Malapa, maire de Douala 1er. Les vestiges de l??activité sont encore visibles, notamment à travers le « marché du poisson ». Cependant, l??activité selon les populations n??est plus ce qu??elle était. Sur place, seuls quelques pêcheurs rafistolent des filets, dans des bâtisses cramoisies. Pour les quelques six mille âmes qui vivent à Essengue, la vie est loin d??être facile. La majorité des habitations est en matériaux provisoires, le bois étant dominant. Parfois, les habitants doivent faire face aux montées d??eau de la zone franche. Dans ces cas comme pour la propreté des lieux en général, c??est le service de salubrité local qui doit faire le boulot. Ici, la population pourtant très hétéroclite avec notamment beaucoup de ressortissants des pays de l??Afrique de l??Ouest et de la sous-région a dû faire front commun pour parer à ces éventualités. En ce mercredi de juillet, les rues sont gorgées d??eau à cause de l??averse de la veille. Déjà, il faut s??organiser pour l??évacuer. « Nous sommes bien obligés d??oublier nos différences, et croyez-moi il y en a beaucoup », glisse un résident. « Les habitants viennent de tous les coins du pays. Moi-même je suis de la Haute-Sanaga, et ce n??est pas facile de gérer des personnes aussi différentes. Je dois mon autorité au fait que je suis l??un des plus anciens », confirme le chef du quartier. De la lassitude, certains habitants en ressentent. Pour cette femme, « on a parfois l??impression d??être au bout du monde. Personnellement, j??ai plus tendance à penser qu??on est plus un village qu??un quartier de Douala. Combien de personnes connaissent ce nom Essengue ? » déplore-t-elle. Pour autant, pas question pour le chef de se sentir abandonné par tous. « Je ne peux pas baisser les bras. Depuis des dizaines d??années que je suis ici, le coin a lentement mais sûrement progressé. Certes, c??est difficile, mais je suis en contact permanent avec les autorités administratives qui nous apportent autant que possible leur aide, notamment sur le plan de la sécurité à cause de la mauvaise réputation du quartier. Il faut croire en l??avenir », pense Esseng Esseng. Steve Libam, Effa Tambenkongho, CT

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