Ernest OuandiƩ

Ernest OuandiĆ© : Magnifique cours d’histoire sur le Cameroun

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Ce jours là, un avion militaire venait de se poser sur le « tarmac » de l aéroport de Bafoussam. Nous sommes le vendredi 15 janvier 1971.

Il est 6 heures du matin, le vrombissement de cet engin associé aux remue ménage inhabituel des engins de guerre patrouillant dans la ville témoignent d une intense activité militaire. Il se murmure de bouche à oreille que 03 dangereux maquisards viennent d être déférés dans la ville et doivent être passés par les armes au quartier Famlah en contrebas du palais de justice.

Joseph Sango Foganmegni alias FO Saagong est un vieux notable originaire de Bandoumla (village de l arrondissement de Bana) et installé dans la ville de Bafoussam depuis 1925. Il est le frère de Djomo le père du nationaliste. Djomo fut arrêté en 1927 et déporté à Djimbong (actuel kekem) c était dans le cadre des travaux forcés ou il trouva la mort. Le notable Joseph Sango Fonganmegni avait dès lors recueilli le gamin Ouandie à Bangou l avait successivement fait inscrire a l école publique annexe de Bafoussam ensuite à dschang a partir de 1934.

Il y avait obtenu son’ CEPE en 1940 et ensuite brava le concours de la prestigieuse Ć©cole supĆ©rieure de YaoundĆ© où il en ressortira en 1943 nanti de son DMI (diplĆ“me de moniteur indigĆØne). Ouandie Ć©tait devenu instituteur et Foo Saagong en Ć©tait Ć©mu. il fut successivement affectĆ© a Edea, Yoko Ndikimini Douala. Le jeune Ouandie avait entretemps convolĆ© en juste noce et avait Ć©pouse Marthe Eding une ravissante jeune progressiste originaire de Bakoko. Le 29 septembre 1952 au congrĆØs d Eseka, il fut portĆ© a la vice prĆ©sidence de l UPC Ć  l Ć¢ge de 28 ans.

Après les émeutes de mai 1955 organisé conjointement par l UPC et l USCC en vue de protester contre les agissements de l administration coloniale, Roland Pré signe le 13 juillet 1955 le décret colonial portant dissolution de l UPC et l ensemble de ses organisations annexes et ses leaders activement recherchés. Ernest Ouandie retourne clandestinement à Bafoussam où il remet ses diplÓmes et certains effets mobiliers à Joseph Sango avant de retrouver Moumie et Abel Kingue, et les 03 se réfugient a Kumba en zone Britannique. On parlera alors du trio de kumba. Um Nyobe Félix Roland Georges refuse de les suivre et se réfugie quant a lui dans la forêt de la Sanaga maritime. Après plusieurs années passées en zone Britannique où ils s allièrent à Ndeh Ntunmazah, les 3 hommes leurs épouses et une trentaines de cadres de l UPC parmi lesquels Njawe Nicanor, Gertrude Omog furent expulsés de la zone Britannique.

Ils dĆ©posĆØrent leur valise d abord au Caire, ensuite Ć  Moscou, a Berlin, en Chine et a Conakry. AprĆØs l Ć©chec des pĆ©titions de Um Nyobe a l AssemblĆ©e gĆ©nĆ©rale des Nations Unies suivi de son assassinat le 13 septembre 1958, Mounie FĆ©lix Roland fut Ć  son tour tuĆ© Ć  GenĆØve par empoisonnement au Thallium peu aprĆØs les indĆ©pendances. Au vu de tout ceci Ouandie dĆ©clare « Nous sommes parfaitement d accords pour dĆ©clarer que la bataille des paroles et des pĆ©titions est terminĆ©e mais que la lutte engagĆ©e sur l’autre front doit devenir implacable. Nous nous employons de notre cĆ“té » Passant clandestinement par le Nigeria et accompagnĆ© par le nationaliste Mendoya, il regagna le Cameroun par les cotes de Buea le 21 juillet 1961, et parvint a se retrouver dans le Mungo puis le Nde. L ordonnance prĆ©sidentielle portant armistice du 8 mai 1960 avait totalement dĆ©sorganisĆ© les rangs de la rĆ©bellion surtout avec l assassinat du stratĆØge militaire Singap Martin commandant de L armĆ©e de libĆ©ration nationale du Kamerun, de la reddition et de l assassinat de Momo Paul, commandant du groupe para militaire dĆ©nommĆ© Sinistre de la dĆ©fense nationale Kamerunaise.

Ouandie restructura l armĆ©e de libĆ©ration nationale du Kamerun (ALNK) et segmenta les pĆ©rimĆØtres de guerre en district militaires, dĆ©signa des chefs militaires a la tĆŖte desdits districts, crĆ©a un camp d entraĆ®nement militaire une Ć©cole de formation idĆ©ologique et une infirmerie Ć  Batcha. Ouandie organisa 03 assemblĆ©es rĆ©volutionnaires qui l ont portĆ© a la tĆŖte du comitĆ© rĆ©volutionnaire, instance dĆ©cisionnelle de l UPC. Puis il prĆ©para et rĆ©digea une correspondance Ć  Ahidjo et dans laquelle il exigeait le retrait des troupes Ć©trangĆØres du Cameroun entre autre puis il relanƧa les hostilitĆ©s. Il en fut ainsi jusqu’a sa reddition le 19 aoĆ»t 1970 a Banga suivi de son procĆØs Ć  partir du 26 dĆ©cembre 1971.

Il est bon de relever qu avant le debut des audiences proprement dite, Ouandie fut détenue au siege de la BMM une unite de repression politique et de contre-espionnage spécialisée dans le denichement des « subversifs ». Cette unité est dirigée par Jean Fochive qui hérita de Jacques Foccart des techniques les plus sophistiquées de tortures importees d Indochine. Ouandie fut drogué et attaché pendant plusieurs semaines sur une dalle de ciment humides et subit les séances de torture les plus cruelles et deshumanisantes. Fochive parvint certainement a lui arracher des aveux puis il fut enfermé dans la cellule de Mukong Albert l activiste du Cameroun occidental et Ouandie lui fit des révélations extraordinaire qu il consigna des sa sortie de prison dans l ouvrage intitulé  » prisoner without a crime ».

Le capitaine Paul Njock prĆ©side l audience C est avec dĆ©solation que Ouandie constata que ses conseils Me Jean Jacques de Felice et Me Jacques Verges ont Ć©tĆ© interdits d audience. Il rĆ©cusa a son tour Me Dinka l avocat commis d office et dĆ©clara :Ā Ā» vous aurez un jour a rĆ©pondre de cette forfaiture de condamnation devant l histoire. En ce qui me concerne je suis prĆŖt a aller au poteau d exĆ©cution autant ne pas faire un procĆØs de pure forme… »
Cependant et contre toute attente, les autoritĆ©s cherchĆØrent a obtenir de Ouandie la signature d un recours en grĆ¢ce prĆ©sidentielle pour obtenir la vie sauve le dossier fut portĆ© a Monseigneur Ndogmo et il signa mais lorsqu’il fut portĆ© Ć  Ouandie le rĆ©belle intransigeant refusa de signer et invita Ahidjo a assumer ses responsabilitĆ©s car les siennes il les a dĆ©jĆ  accomplies devant l histoire.

Certains temoins disent que Ahidjo n etait pas favorable a sa mise a mort mais que l’arrivĆ©e de Jacques Foccart a YaoundĆ© debut janvier 1971 porteur d un message de Georges Pompidou a decidĆ© Ahidjo a opter pour la mise a mort des nationalistes. Vendredi le 15 janvier 1971, Une foule des grands jours Ć©tait rassemblĆ©es au lieu de l exĆ©cution. Les gamins Maurice Kamto, Anicet Ekanet sa majestĆ© Sokoudjou Jean rameau Ć©taient Ć©galement prĆ©sents. Ce jours l administration avait obligĆ© les citoyens a suspendre leurs activitĆ©s et Ć  vivre en direct l Ć©vĆ©nement. Il est 10 heures ce jour, le temps semble avoir suspendu son envol, la foule est silencieuse certaines femmes Ć©touffent des sanglots Gabriel Tabeu alias Wambo le courant, Fotsing RaphaĆ«l et naturellement la tĆŖte d affiche Ernest Ouandie alias Camarade Ɖmile faisait face Ć  un peloton d exĆ©cution constituĆ© de 12 Ć©lĆ©ments lourdement armĆ©s. Ouandie a le visage radieux, il est souriant et refuse le bandeau noir sur son visage. Puis il entonne une chanson en langue Bangou.

Le notable Joseph Sango est assis sur une chaise Ć  la terrasse de son immeuble encore en chantier au quartier djeleng4. Ses nombreuses femmes sont en priĆØre. Tout ce beau monde est convaincu qu un miracle se produira a la derniĆØre minute et que tonton Ernest aura la vie sauve. Une rafale d’arme automatique dĆ©chire le silence matinal, suivi de la dĆ©tonation d un pistolet automatique. Le vieil homme se rend Ć  l’Ć©vidence « qu ilsĀ Ā» lont tuĆ©. Il est effondrĆ©, il se lĆØve pĆ©niblement et declare Ā Ā» Eh Wouo dieuh nte peh tep laih… »
Il s’enferme dans sa chambre. Ndjuikam Rebecca et ses coeĆ©pouses Ć©touffent les pleures car il est interdit de lamenter un « maquisardĀ Ā»

Ensemble avec ses compagnons? Ouandie sera inhumĆ© dans un mĆŖme lopin de terre de l’Ɖglise ƉvangĆ©lique du plateau et leur tombeau sera recouvert d’une double couche de dalle

Ahidjo a eu Ć  assumer Ć  plusieurs reprises l exĆ©cution publique de OuandiĆ©. A ce sujet, il avait dĆ©clarĆ© « Ndogmo je le dĆ©teste il sera graciĆ©, OuandiĆ© je le respecte, il sera fusillé ». Meme la demande de clemence du pape Pie VI suivi de celle du parti communiste franƧais ne l’avaient point Ć©mu.

Ahidjo ne portait pas en estime les populations de l’Ouest. Parlant d’elles, il avait dĆ©clarĆ© : Ā Ā» ils sont lĆ©galistes le jour et maquisards la nuit « 

Il ressort que le choix du lieu d exĆ©cution, le mode opĆ©ratoire n Ć©taient pas fortuites. Il s’agissait pour Ahidjo d’envoyer un message de terreur aux BamilĆ©kĆ©.

Bouba Songa

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