Cameroun – Crise anglophone : le gouvernement veut ajuster la riposte

Haut commandement reuni

Des mesures proportionnelles aux attaques des sécessionnistes seront implémentées dans les prochains jours, selon le Ministre de la Défense, qui a tenu une séance de travail hier à Bamenda.

Mercredi, 22 septembre 2021, le Ministre délégué à la Présidence chargé de la Défense a tenu une réunion d’évaluation sécuritaire, à Bamenda, chef-lieu de la Région du Nord-Ouest et surtout épicentre ces derniers jours de plusieurs attentats sanglants, ayant causé de source officielle, la mort d’une quinzaine d’éléments des forces de défense et de sécurité. Dans la déclaration faite à la fin des travaux, Joseph Beti Assomo relève la préoccupation du gouvernement : les « attaques meurtrières et perfides » de ces dernières semaines contre les forces de défense et de sécurité ont été faites avec du « matériel sophistiqué » et l’appui logistique et humain évident de forces extérieures. En attendant d’en saisir les contours, l’on apprend qu’« une nouvelle approche des forces de défense dur le terrain » vient d’être énoncée, avec les autorités locales. Le Mindef n’en dit pas plus, pour des raisons stratégiques.

Dans une sortie antérieure deux jours plus tôt, suite à l’attaque de Bamessing, le chef de la division communication du Ministère de la Défense, le capitaine de vaisseau Cyrille Atonfack Guemo, a cependant donné le ton de ce qui semble au Mindef, un défi à relever. « L’entrée en scène d’explosifs de forte capacité et de nouveaux armements consacre indubitablement le changement de paradigme dans les opérations en cours, les forces de défense et de sécurité ayant pour mission de tout faire pour restaurer la paix et garantir la libre circulation des personnes, biens et capitaux sur l’étendue du territoire national ». « De tout faire … », on note bien. Autrement dit, l’on s’achemine vers une radicalisation de la répression. « L’armée camerounaise reste déterminée à éradiquer toute forme de violences tant dans les régions crisogènes du Nord-Ouest et du Sud-Ouest que dans celle de l’Extrême-Nord, zones dans lesquelles il est désormais et clairement établi l’existence des liens et d’échanges d’armements sophistiqués entre les terroristes sécessionnistes (…) avec des groupes intégristes violents exogènes », prévenait l’officier supérieur communicant.

Frayeur quotidienne

Reste que la descente du Ministre, couplée à d’autres actions des autorités administratives et militaires, ne suffit pas pour ramener la sérénité dans le Noso. L’on se rappelle que dans le seul week-end du 10 au 13 septembre, près d’une vingtaine de personnes déclarées sont mortes de violences dans la seule région du Nord-Ouest, dont sept éléments du Bataillon d’intervention rapide (Bir) à Kikaïkom dans le Bui, un policier, six présumés séparatistes et trois civils. L’armée se vantait à son tour d’avoir mis hors d’état de nuire un groupe de quatre rebelles, présenté comme des chefs séparatistes, dont les corps ont été présentés au public au lieudit Finance Jonction pendant toute une journée. Les hommes du Lieutenant Bakari avaient alors, au cours d’une patrouille nocturne, vu ces hommes tirer sur une fille prénommée Solange et son compagnon, un ex-combattant séparatiste repenti. Embusqué, l’officier subalterne a suivi les assaillants, avec son équipe de quatre hommes, avec d’autres motos. Et à l’entrée du domicile de Ni John Fru Ndi, à Ntarikon vers 23h45, les séparatistes ont été neutralisés lorsqu’ils décident d’abandonner leurs motos pour emprunter une voiture, la Toyota Carina E immatriculée 159430. Deux fusils de marque AK-47 furent récupérés. La semaine d’après, des éléments du Bataillon d’intervention rapide sont, une fois de plus, morts lors d’une mission dans le Ngoketunjia. La qualité des engins explosifs improvisés, qui ont mis à mal les blindés des militaires, a semé le doute même dans les esprits les plus sereins.

Les attaques sont devenues quotidiennes. « Je ne sors plus. On ne sait plus du tout d’où viennent les tirs », témoigne E. N., enseignant, qui dit passer l’essentiel de son temps à faire de la lecture. « Les affaires sont mortes », relate Pierre W. dont la boutique située en face d’une unité de police de la ville a fait l’objet d’une attaque. Deux semaines après la rentrée scolaire, l’on ne peut pas véritablement pas dire que les écoles, lycées et collèges existent. Quelques rares structures se battent, sous haute surveillance, pour accueillir des élèves courageux. Peur et menaces sont leur lot quotidien dans cette zone de guerre, qui a déjà connu la mort de plus de 1200 éléments des forces de défense et de sécurité, selon certaines Ong.

Hypothétique reconstruction

Il vaut mieux ne pas évoquer les grands travaux dans le Noso. Pourtant presque tout est à réhabiliter : les routes, les écoles, les hôpitaux … ont été incendiés ou détruits. Seuls quelques téméraires vivent autour, malgré le discours de réconciliation et l’invitation au retour au village. Le Plan Présidentiel pour la Reconstruction et le Développement (PPRD) des Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest que pilote un fils du terroir, Paul Tasong, le ministre délégué auprès du Ministre de l’Economie et de la planification, piétine. Au grand désespoir des apôtres de la paix, qui pensaient être capables de relancer la vie dans le Cameroun occidental, en très peu d’années. En plus d’assurer le rétablissement de la cohésion sociale et de promouvoir le renforcement des valeurs culturelles et sociales pour rendre la vie à nouveau vivable, il était question de renforcer la reconstruction des organisations telles que la CDC, PAMOL et la SONARA afin de les rendre plus performantes et relancer une économie en déclin.
Bien malin qui peut prédire quand on pourra alors revitaliser les activités économiques et sociales ou rétablir l’adaptation sociale dans les communautés dont une importante partie vivote dans les métropoles de Douala et Yaoundé ainsi que dans les villages voisins de la Région de l’Ouest. En parlant des réajustements à faire, Joseph Beti Assomo a clairement tancé les « manœuvres de donneurs de leçons » et les « censeurs de l’action du gouvernement ».

Franklin Kamtche

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