Dans un acte diplomatique sans précédent qui secoue les relations franco-africaines, le président de la République du Congo, Denis Sassou Nguesso, a pris sa plume pour adresser une missive cinglante à un magistrat français. Cette lettre, dont 237online.com a obtenu copie en exclusivité, révèle l’exaspération du dirigeant congolais face à ce qu’il considère comme une ingérence néocoloniale dans les affaires de son pays et de sa famille.
Une menace judiciaire qui cible l’épouse présidentielle et déclenche une tempête diplomatique
L’objet de cette correspondance exceptionnelle ? Un mandat d’amener que le juge d’instruction français Serge Tournaire envisagerait de lancer contre l’épouse du président congolais dans le cadre de la tristement célèbre affaire des « biens mal acquis ». Cette procédure, qui a déjà conduit à la saisie de nombreux biens appartenant à des proches du chef d’État, franchit ainsi un nouveau palier en s’approchant dangereusement du cercle intime présidentiel.
« Je me dois de vous avertir, dès à présent, que si une telle convocation était lancée, mon épouse n’y répondrait pas », prévient sans ambages Sassou Nguesso dans sa lettre. Une position de défiance assumée qui traduit l’escalade des tensions entre Brazzaville et Paris sur cette épineuse question judiciaire qui empoisonne depuis des années les relations bilatérales.
L’immunité présidentielle au cœur d’une confrontation juridico-politique explosive
Dans sa missive au vitriol, Sassou Nguesso va droit au cœur du problème juridique que pose selon lui cette procédure française. « Les poursuites engagées à ce jour reposent explicitement et exclusivement sur le postulat qu’en ma qualité de chef d’État, j’aurais détourné des fonds publics », écrit-il, dénonçant ainsi une violation flagrante de son immunité présidentielle.
Le dirigeant congolais n’hésite pas à qualifier l’action de la justice française de « néo-colonialiste », fustigeant « un sentiment de supériorité mal venu » et « cette arrogance typique du colonisateur à l’égard du colonisé ». Des mots particulièrement forts qui illustrent combien cette affaire dépasse le simple cadre judiciaire pour s’inscrire dans la complexe relation post-coloniale entre la France et ses anciennes colonies africaines.
Une mise en garde à peine voilée sur les conséquences pour les intérêts français
Dans un passage particulièrement significatif de sa lettre, le président congolais glisse une référence à peine voilée aux conséquences que pourrait avoir cette tension judiciaire sur les intérêts économiques français au Congo. « Nombreux sont les Français qui travaillent au Congo et qui participent à l’économie de notre pays. Je veux espérer qu’ils n’y seront jamais aussi mal traités que nous le sommes à travers votre instruction », écrit-il dans ce qui ressemble à un avertissement diplomatique.
Pour les observateurs des relations franco-africaines, cette affaire illustre parfaitement les contradictions d’une politique française qui prétend tourner la page de la « Françafrique » tout en maintenant des formes d’ingérence perçues comme néocoloniales par les dirigeants africains. « C’est tout le paradoxe de voir un magistrat français enquêter sur un chef d’État qui a été l’un des piliers historiques de l’influence française en Afrique centrale », confie un expert sous couvert d’anonymat.
Cette confrontation inédite intervient alors que le magistrat Serge Tournaire n’en est pas à son premier dossier sensible. Ce juge chevronné a notamment instruit l’affaire Bygmalion impliquant Nicolas Sarkozy, l’affaire de l’arbitrage sur le dossier du Crédit Lyonnais et l’affaire Fillon. Des précédents qui démontrent que le magistrat n’a jamais hésité à s’attaquer à des personnalités puissantes.
Reste à savoir comment évoluera ce bras de fer diplomatico-judiciaire et quelles en seront les conséquences sur les relations entre la France et le Congo. Une chose est certaine : en portant ce conflit sur la place publique, Denis Sassou Nguesso a choisi d’en faire une affaire d’État au plein sens du terme.