Cameroun – Yaoundé: Il était une fois…Tsimi Evouna !

Tsimi Evouna

Après d’années à la Communauté urbaine de Yaoundé, marquées par des actions louables, des frustrations et des insuccès, celui qu’on surnomme « Jack Bauer », a cédé les clés de la ville à Luc Messi Atangana. Un héritage fragile.

C’est la fin de règne d’un homme qui a eu l’audace de bousculer les habitudes au nom du salut de la ville dont il se réclame le premier citoyen. C’est la fin de mandat d’un « super-maire » de la capitale devenu populaire et célèbre par son engagement à faire bouger les lignes. Tiré de sa retraite pour être nommé, en 2005, à l’Hôtel de ville, il est violemment critiqué pour sa propension à manier le bulldozer. Mais cet admirateur du baron Haussmann, bien loin des menaces et de la tonne de procès portés contre lui par des populations désabusées et même certains camarades du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), a poursuivi sans états d’âme la destruction des bidonvilles pour élargir les chaussées, aménager des jardins publics ou bien encore créer des parkings. Adulé, célébré par d’uns, conspué et honni par d’autres, Gilbert Tsimi Evouna aura marqué de son empreinte, à la Communauté urbaine de Yaoundé, siège des opérations qu’il aura initié dans la perspective de faire de la ville siège des institutions, une référence en Afrique centrale et même dans la sous-région. Après une quinzaine d’années de bons et loyaux services, l’homme, affaibli par la maladie et le poids de l’âge, a remis les clés de la ville à Luc Messi Atangana.

Opérations de déguerpissement

Que retenir donc du règne de celui qui a été pendant longtemps, l’un des adjoints au délégué du gouvernement de l’époque Nicolas Amougou Noma, décédé en avril 2004 ? D’abord, ces opérations de déguerpissement, engagées en 2006, au nom du nouvel ordre urbain au Cameroun. Si plusieurs urbanistes avaient remarqué à l’époque que l’initiative de Tsimi Evouna posait à la fois le problème d’incivisme des populations, d’échec du gouvernement dans sa politique sociale et infrastructurelle, de laxisme des gouvernements successifs et la cupidité des hommes d’appareil au pouvoir depuis plusieurs décennies, et enfin des aspects socioéconomiques liées à ce genre d’opération, le super maire de Yaoundé, lui, y voyait le souci de donner un nouveau visage, une fière allure à la capitale politique du Cameroun.

L’homme n’avait que cure qu’on assimile cela à un phénomène de frustrations des couches défavorisées, des minorités fragiles. Ce d’autant plus qu’à l’observation des démolitions des quartiers de Yaoundé, plus de 90% des déguerpis étaient des familles démunies. D’Ekoudou à Ntaba en passant par Mokolo, Messa Carrière et Etetak, très peu de familles socialement aisées ont été concernées. C’était aussi là l’illustration de l’écart existant entre les riches et les pauvres. Un écart qui prenait des proportions inquiétantes mais pour lequel le Délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Yaoundé n’avait pas le temps de jouer les pères sensibles.

Casser pour changer

Il fallait casser pour changer ; casser pour progresser. Beaucoup lui ont fait le procès de ce que ces déguerpissements laminaient tous les réseaux d’économie solidaire dont vivaient les populations affectées, craignant même qu’elle consacre la fragmentation urbaine de la ville, avec des conséquences comme l’insécurité à l’égard des riches, la remontée de la drogue, de la criminalité, etc. Tsimi est resté intraitable contre l’incivisme urbain. Lui à qui on a collé le surnom de « Demolition man ». Téméraire, ambitieux, redoutable et redouté, certains lui ont fait également le reproche de mettre toute son attention et son énergie sur l’itinéraire présidentiel alors que les chantiers comme celui du mythique lac municipal semblent avoir été remis aux calendes grecques. Plusieurs tentatives d’assainissement de cet espace ont échoué. Il y a d’ailleurs quelques années, le délégué a instruit des réaménagements de ce lac. Des ouvriers avaient commencé à curer les eaux. Et puis, silence radio !

Abus de pouvoir

A la veille de la Coupe d’Afrique des nations de football féminin en 2016, Gilbert TsimiEvouna, dans le souci de rendre la ville de Yaoundé la plus belle pour la compétition avait recommandé à la population de cette ville de repeindre leurs façades soit en jaune ocre soit en blanc. Une décision diversement appréciée au sein des populations qui voyait en cet acte du Délégué, une autre forme d’abus de pouvoir. Infatigable, Gilbert TsimiEvouna a convié les représentants des communautés Mvog-Ada à une réunion de concertation portant sur le projet de restructuration et rénovation du quartier Mvog-Ada en août 2019.Il se trouve donc que ledit projet, présente un plan d’aménagement qui couvre la zone du lieudit « Poste centrale » (Société nationale d’investissement) jusqu’au quartier Essos.

Au cours de la réunion sus mentionnée, le cabinet Compet qui s’est occupé de réaliser les études de faisabilité, a présenté son rapport. Ledit plan de réaménagement présente deux zones de travaux.La première va porter sur la restructuration. Celle-ci va consister à construire des voies d’accès. Et la seconde renvoie à la rénovation visant à détruire quelques bâtisses. Seul hic, les patriarches n’ont pas donné leur onction à ce projet. Parce que pour eux, il faut conserver leurs patrimoines culturels. Messi Atangana qui a désormais les clés de la ville, pourra-t-il poursuivre dans la même perspective ? Attendons de juger le (nouveau) maçon au pied du mur.

Christian TCHAPMI

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