Cameroun : Terrorisme, séparatisme, sécessionnisme, tribalisme, népotisme… Et événements de mai 1972

Mai 1972

L’escorte d’accompagnement de la commémoration des événements de mai 1972 au Cameroun est si lourde et si longue, si démêlée et si escamotée, qu’elle rivalise d’adresse avec l’escouade des événements de mai 1968 en France.

Mutatis mutandi. Il n’y a pas autre terme que chienlit pour désigner la profusion débridée des événements et désordres concomitants qui marquent la marche vers le couronnement des 50 ans de l’État unitaire au Cameroun. 24 heures chrono : les événements ici relayés, se sont déroulés, les 26, 30 avril et mi-mai 2022. Ils illustrent à suffisance l’emprise des forces centrifuges sur l’aspiration politique à l’unité nationale. Histoire commune, destinées singulières ?

Chienlit ! Nous empruntons l’expression au Général français, Charles de Gaulle, qui y eut recours pour qualifier le désordre ambiant qui précéda la Révolution de mai 68. En route vers la célébration du Cinquantenaire de l’Etat unitaire au Cameroun, une actualité troublante perturbe la grande ascension vers la date historique du 20 mai. Trois épisodes de cette actualité encombrent jusqu’à ce jour les colonnes de la chronique politique nationale.

Tribalisme : carton rouge à la SODECOTON !

« La présidence de la République a été saisie de dénonciations mettant en cause, la conduite, par les organes dirigeants de la Sodecoton, d’une politique de gestion des ressources humaines qui serait dommageable à l’unité nationale, à la stabilité du climat social et à un retour durable à la performance au sein de cette entreprise », écrit le Ministre d’État, Secrétaire Général de la Présidence de la République, Ferdinand NGOH NGOH, dans une correspondance adressée le 26 avril 2022 au Directeur Général de la Société de Développement du Coton.  »En attendant que la lumière soit faite sur ces récriminations, poursuit la correspondance, vous voudrez bien veiller à ce que les recrutements et la gestion du personnel à la Sodecoton, respectent les exigences d’équilibre et de représentativité de toutes les composantes sociologiques de la Nation ».

Avéré, le tribalisme constitue une défiance à la politique de l’unité nationale. Pour des raisons diverses, la Sodecoton peut exercer une attraction à géométrie variable sur les Camerounais, en fonction de leurs origines géographiques. Mais, le cas Sodecoton s’est avéré suffisant pour remettre au goût du jour, la problématique du respect de l’équilibre régional, voire des grands équilibres de la Nation pour en préserver la cohésion. Les politiques et les experts en sciences administratives sont en débat sur cette question… vitale.

Séparatisme : hold up et kidnapping des populations civiles.

« Mme Elizabeth Regina MUNDI, Sénatrice du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (parti au pouvoir) a été kidnappée, samedi 30 avril, aux environs de 12 heures (heure locale) dans la localité de Foncia Street à Bamenda », indique une dépêche de l’Agence Anadolu qui cite Adolphe LÊLÉ LAFRIQUE, Gouverneur de la Région du Nord-Ouest. « Au moment de son rapt, renseigne l’agence de presse, elle était en compagnie de son chauffeur, lui aussi enlevé à bord de leur véhicule ». Des recherches sont en cours pour retrouver les otages et les libérer. Le mouvement armé sécessionniste « Ambazonia Defense Forces » (ADF) revendiquerait le kidnapping et exigerait un échange des prisonniers ; soit la libération par le Gouvernement de près de 75 séparatistes qui seraient en prison.

Avéré, le recours au terrorisme pour justifier des revendications dites politiques, constitue un autre défi à l’unité et à l’intégrité territoriale du Cameroun. L’option de la décentralisation avec institution des organes gouvernants qui respectent les spécificités socio-culturelles des Régions dites anglophones,
actuellement mise en route, ne semble pas donner entière satisfaction. Ou plus précisément, cette option ne semble pas être du goût de tous. Et pourtant…

Extrémisme violent : affaire Groupe L’Anecdote et Direction Générale des Impôts.

Redressement fiscal. Abus de position de pouvoir. Tentative d’extorsion de fonds. Refus d’obtempérer aux instructions… Le rodéo Jean Pierre AMOUGOU BELINGA, PDG du Groupe L’Anecdote (GA), et Modeste MOPA FATOING, Directeur Général des Impôts (DGI) semble déborder le cadre dramatique d’une opération fiscale (de routine ?). Au fil des jours, il prend, tantôt les allures pathétiques d’une escroquerie (fiscale !) mise à découvert, tantôt les contours tragiques d’affrontements intercommunautaires. Ainsi, à la lecture des libelles en circulation dans les réseaux sociaux, il y aurait d’un côté, « les fils et filles du Septentrion » appelés à signer une « pétition », et de l’autre, l' »Association Solidarité Ekang » qui appelle l’autorité de tutelle de la DGI à user de « discernement pour le règlement pacifique et rapide de cet imbroglio ». Dans un cas, les porteurs de ces initiatives sont connus par l’apposition de leurs signatures au bas du document, dans l’autre, le document pétitionnaire en circulation ne porte ni date, ni signature. S’agirait-il d’un tract ? Auquel cas, qui aurait intérêt à embraser le Cameroun à l’heure de la commémoration (à défaut d’une célébration) de l’État unitaire ?

Dans les trois cas sus-évoqués, le traditionnel axe Nord-Sud qui constitue la colonne dorsale de l’État unitaire semble particulièrement sollicité, voire éprouvé. Ajoutée à la crise politico-sécuritaire du NOSO, une crise politique qui opposerait « le Cameroun septentrional » au « Cameroun méridional » réveillerait les vieux démons qui ont agité l’État du Cameroun avant la Réunification de 1961 et l’avènement de l’Etat unitaire en 1972.

Intentions méphistophéliques. Calcul machiavélique .

Manifestement, le Cameroun a mal à ses esprits malveillants. Pareilles manœuvres ne datent pas d’aujourd’hui. Seuls les acteurs de scène ont changé de présentation sans rien omettre de leurs prétentions. Hier, c’étaient des acteurs politiques. Aujourd’hui, ceux-ci agitent la presse ou ce qui en tient lieu, ou qui fait office de société civile, et agissent dans le noir maquis.

Les vrais tenants du pouvoir gouvernant, observent le jeu des acteurs, identifient les joueurs de champ et ceux de l’ombre, et mesurent les enjeux pour agir avec précision et exactitude au temps indiqué, le plus opportun, et confondre les Cassandre. Comme par le passé.

Et les voilà servis, ceux qui attendaient réponse à la question classique, posée lors des anniversaires : Cameroun, qu’as-tu fait de tes 50 ans d’unité ? Pendant un demi-siècle d’histoire, le Cameroun unitaire a su se préserver. Contre vents et marées. Coûte que coûte, la fête nationale du 20 mai se célèbre, sur toute l’étendue du territoire national et dans les représentations diplomatiques du Cameroun. En cette année 2022, le fait revêt les oripeaux événementiels. À deux titres au moins.

Primo : du fait de la pandémie du Covid-19, la fête nationale du Cameroun a été sevrée de toutes manifestations publiques pendant deux ans (en 2020 et 2021). Secundo : le Cinquantenaire d’un événement historique, quoi qu’il en coûte, constitue un marqueur. Pour les historiens qui se plaisent à raconter épopée et Odyssée. Et pour les générations présentes qui peuvent se réjouir d’avoir su garder l’héritage à leur bénéfice et au bénéfice des générations futures. Un tel marqueur devrait impérativement (nécessairement ?) laisser des…traces. Car demain, le verdict de l’Histoire se fera et sera rendu. Sans peur ni faiblesse.

Ce 20 mai-là (mai 2022), malgré la conjoncture, il fut organisé, au boulevard du 20 mai à Yaoundé, une parade militaire et civile, redimensionnée et calibrée à 90 minutes. Le soir, il n’y eut pas la traditionnelle soirée de gala au Palais de l’Unité. Mais, le minimum nécessaire républicain fut respecté. Tel devrait être le narratif des historiens et autres témoins de l’histoire. Tout autre texte contraire au cours de l’Histoire en marche, émousserait toute ardeur et toute ferveur légitimes, manifestées et entretenues autour de l’événement national qui fait de chaque Camerounaise et de chaque Camerounais, filles et fils d’une même Patrie. Plomberait tous efforts soutenus depuis un demi-siècle pour construire un État-Nation. Et justifierait toute disqualification prononcée à l’encontre des acteurs de l’heure.

C’est donc des deux mains et en position debout qu’il faut saluer la décision courageuse du Chef de l’État, Paul BIYA, de « ressusciter » les manifestations publiques de la fête nationale, fût-ce a minima comme c’est le cas. Ce « standing ovation » symboliserait et traduirait l’image d’un Cameroun debout. D’une Nation en marche. D’un pays en mouvement. Fier de son destin. Et jaloux des précieux acquis de son unité. Dans un monde en proie aux crises de séparatisme ou de sécessionnisme tous azimuts.

Le Cameroun n’y échappe pas, certes. Mais, le Cameroun a le mérite d’avoir su canaliser les vagues ensorcelées dans le double lit de la préservation de l’unité et de l’accélération de la décentralisation. Pour une République dont le cours s’inscrit dans le sens du mouvement d’appropriation et d’autonomisation du pouvoir local. Sans perdre ni son âme unitaire, ni son cœur vaillant de combattant pacifique. Son ADN essentiel.
Convoquer cette seule évolution historique qui, en douceur et sans douleur, a fait passer le Cameroun de la République fédérale à la République unie ; puis, de la République unie à la République tout court, étape essentielle devant tenir en respect tous Camerounais face à la République (en latin des origines « Res publica »/la chose publique), cette (r)évolution pacifique suffit à remplir la colonne des actifs des pères fondateurs du Cameroun post-indépendance. Malgré les vicissitudes qui ont rallongé les délais de son accomplissement, le Cameroun a misé et gagné, sur un État unitaire décentralisé, social et solidaire dans le prolongement de l’avènement de l’État unitaire. Nous y sommes. C’est une autre avancée à inscrire dans ce qui sera demain, l’Odyssée du Cameroun du Renouveau National sous le magistère éclairé et courageux du Président de la République, Paul BIYA.

Sans être quantité négligeable, le reste (la chose-là) devrait se conjuguer en fonction des conjonctures et au croisement des conjectures. Déjà, l’œuvre accomplie est immense. Mais, elle est au fond du vase, la tâche qui déteint sur la belle toile et rend blafarde, voire blême l’étoile du Cameroun. Il faut trouver un supplément d’âme à la politique de rigueur et de mo-ra-li-sa-tion, pour maintenir l’équilibre entre les quatre piliers du Renouveau des commencements : démocratisation, libéralisation, rigueur et…moralisation. Sinon, aucun Camerounais ne verra le paradis de nos espérances !

Jean ATANGANA, Editorialiste. Le Quotidien du lundi 16 mai 2022

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