Cameroun : Scènes de guerre à ciel ouvert à Yaoundé

Luc Messi Atangana

A l’origine, la destruction querellée du chantier de construction d’une station-service dans l’arrondissement de Yaoundé 7 qui s’est transformée en casses illégales orchestrées par les bidasses de la Mairie de ville.

Il y’a eu de l’électricité dans l’air jeudi 22 avril dernier ! Il a fallu de peu pour qu’une guerre éclate et embrase la commune d’arrondissement de Yaoundé 7 pourtant réputée pour son calme et sa légendaire hospitalité. L’affaire se raconte comme une scène hollywoodienne. Des policiers et des gros bras lourdement armés de la mairie de la ville de Yaoundé qui font irruption avec pour intention de tout raser à l’aide de leurs engins de destruction massive. La scène se déroule en mi-journée au lieu-dit « Usine des eaux », au bord de la Mefou. La cible de ces bidasses n’est autre que le chantier de construction d’une station-service pour lequel ils auraient reçu des fermes instructions de démolir sans autre forme de procès.Problème, les propriétaires sont deux officiers supérieurs de l’armée camerounaise. Ces derniers font appel aux militaires pour s’interposer à la casse. Sur place, face à la police et aux gros bras de ce qui était récemment encore baptisée Communauté urbaine de Yaoundé, la résistance s’organise. La tension monte. Les positions se radicalisent. L’adrénaline est à son summum. Les autorités de l’arrondissement sont alertées.

Force de persuasion

Chose curieuse, ni le maire, ni le sous-préfet de l’arrondissement de Yaoundé 7, encore moins le préfet du Mfoundi n’ont été prévenus par le maire de la ville pour la réquisition de la force publique. Néanmoins, les autorités essayent de dissuader le patron de la ville d’opérer cette casse. Rien n’y fait. Les militaires se font menaçants. Après de longues minutes de tension, les gros bras de la Cuy battent en retraite. On aurait dit happy end. Sauf qu’au retour de cette expédition inachevée, ces bidasses font un arrêt au carrefour Nkolbisson comme pour extérioriser leur revanche. Les engins se déployant alors a cœur joie. Les commerçants trouvés sur place n’ont pas la même force de persuasion que les militaires. Les engins se déchainent, et cassent tout sur leur passage. Des dizaines de boutiques sont réduites en poussière. Cris et explications n’y feront rien. Lamentations et jurons des pauvres propriétaires de commerces réduits en miettes, non plus.

Joint au téléphone par un collègue, le maire de Yaoundé 7, par ailleurs président des Communes et villes unies du Cameroun (Cvuc), est entrain de recevoir en audience l’Ambassadeur de France avec qui il s’étend sur l’épineuse problématique du développement des communes du Cameroun, n’en revient pas. Augustin Tamba aurait répondu à son interlocuteur au téléphone qu’il s’agit certainement d’un acte posé par un déséquilibré mental et qu’il ne peut pas s’agir d’une opération commanditée par la Mairie de ville. Auquel cas, Luc Messi Atangana dont il a souvent loué le sens de la collaboration avec les magistrats municipaux, l’aurait prévenu avant de poser ce type d’actes.

Casses sans préavis et sans sommation

Pour revenir à la station de service qui a échappé aux affres et la furia de la Cuy, le Messager a appris qu’elle est en construction sur un terrain qui détient un titre foncier. Les propriétaires ont, payé tous les frais exigibles à la Communauté urbaine, et ils ne sont plus qu’en attente du permis de bâtir. « La procédure est en cours. Malgré cela, la mairie de la ville a choisi de casser sans leur envoyer un préavis, sans aucune sommation », tempête un proche du dossier, ulcéré par cette opération coup de poing. Quant aux boutiques démolies au Carrefour Nkolbisson, elles ont été construites sur un site désigné par l’ancien délégué du gouvernement, Gilbert Tsimi Evouna, actuel président du Conseil régional du Centre et élite de la localité. Lorsque le nouveau Maire de la ville est installé, par précaution, le maire de l’arrondissement de Yaoundé 7 confie lui avoir demandé un permis de bâtir. En réponse, Messi Atangana lui a répondu que ce coin ne lui appartient pas, que c’est un domaine de l’Etat.

Augustin Tamba s’est retourné vers les services du ministère des Domaines pour formaliser la procédure. En début février 2021, en réponse à la demande de l’édile deYaoundé 7 de cession à titre gratuit de deux parcelles de terrain du domaine privé de l’Etat, contenance superficielle de 825 et 6896 mètres carrés à Nkolbisson, le ministre des domaines a écrit au préfet du Mfoundi lui demandant de vérifier leur disponibilité. A son tour,ce
dernier crée le 24 février 2021, une commission départementale ad hoc chargé de cette vérification. Selon des témoins, la commission était descendue sur le terrain pour finalement délimiter ces parcelles et la construction du complexe commercial de Nkolbisson a été lancée, pour désengorger le carrefour Nkolbisson où le marché se retrouvait finalement en pleine chaussée. Le maire a écrit au Mindcaf qui a donné son accord de principe; des opérateurs économiques ont engagé leur argent.

La décentralisation confisquée

Quelques temps après le début des travaux, la Commune de la ville est venue apposer des croix de saint André sur le site. Le maire de Yaoundé 7 a arrêté les travaux. Le lieu est resté ainsi inachevé pendant plusieurs mois, au point de devenir un repère pour des bandits, plusieurs habitants ont été agressés là bas. En février 2021, alors que les procédures de vérification s’accélèrent, Augustin Tamba, fidèle aux procédures en vigueur, écrit
au maire de la ville pour lui faire état de la situation et suggérer que les travaux soient relancés, ce qui a été fait. Le complexe commercial affichait déjà fière allure, lorsqu’il a été démoli jeudi dernier, sans aucune procédure de préavis, sans aucune sommation.

Sur place à Nkolbisson, l’on se demande de quel droit le maire de la ville peut venir casser un ouvrage réalisé par une autre commune sur le terrain de l’Etat sans notifier, sans passer par la tutelle des communes, ou le tribunal administratif en cas de conflit. La même situation s’était déjà présentée à Yaoundé 6, Yaoundé 2 et même Yaoundé 1er où des casses avaient été opérées parfois nuitamment, par des équipes de la Mairie de la ville, sans que les maires ne soient prévenus, sans que les operateurs économiques ne soient notifiés.

Pour les casses de jeudi dernier, les autorités de l ‘Etat ont été saisies et une commission d’enquête est annoncée sur le terrain demain mardi. Selon les textes qui organisent la décentralisation au Cameroun, aucune commune n’exerce la tutelle sur une autre commune. Il n’y a pas de hiérarchie entre les communes de villes et les communes d’arrondissement. De quel droit le maire de la ville peut-il s’offrir le luxe de démolir un ouvrage réalisé par une autre commune sur un terrain appartenant à l ‘Etat, sans notifier, sans passer par la tutelle (la préfecture Ndlr), ou encore le Tribunal administratif compétent pout connaître des oppositions entre administrations ?Affaire à suivre !

Franck ESSOMBA

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