Dans de nombreuses régions du Cameroun, la tradition concède le «droit» du choix du lieu d’inhumation au chef de famille. Toutefois, dans certaines contrées, la jouissance de cette disposition est assujettie au paiement préalable de la dot.[pagebreak]«Quand j’ai perdu ma belle-sœur, c’est son mari qui s’est occupé de ses obsèques. Mais quand il s’est agi de mon mari, je me suis tournée vers son petit frère [beau-frère, Ndlr] qui est le chef de famille». Cette confidence est de Ngouo Massouma Mouaboh, fille Ngoumba, originaire de Lolodorf, département de l’Océan (Sud-Cameroun). La veuve indique par ailleurs que le recours à son beau-frère pour l’organisation des funérailles de son époux, s’est fait de façon «naturelle » car c’est « vers lui qu’on se tourne quand on a un problème. Il est le responsable de cette famille et cette responsabilité ne tient pas compte de l’âge de la personne qui a été désignée». S’agissant du cas de sa belle-sœur, dame Ngouo explique que traditionnellement, l’époux est « l’ayant-droit direct» de la dépouille et il ne viendrait à l’idée de personne de lui contester ce «droit». Sauf si ce dernier dépend financièrement d’un autre membre de la famille. Car «la main qui donne commande», soutient Jacques, originaire de Nsimalen.
Il est cependant d’avis que coutumièrement, l’époux est l’organisateur des obsèques de sa conjointe même lorsque cela en apparence n’est pas visible. «Chez nous les béti, en raison de la douleur qui l’accable, le veuf ne se montre pas en public». Par conséquent, « il va déléguer ce pouvoir à quelqu’un en qui il a entière confiance. Il peut être un oncle ou tout autre membre de sa famille. Mais celui-ci s’en référera toujours à lui avant toute décision parce qu’il est celui qui a le plus côtoyé la défunte. Donc sait ce qui est mieux pour qu’elle se sente en paix», argumente Jacques. Il n’en est pas autrement dans la société bamiléké ou, affirme Joseph Flavien Kankeu, Deffo Ndoumgang, ce droit incombe au mari. Toutefois précise le notable hors hiérarchie au village Bamougoum dans la région de l’Ouest, « ce mari doit avoir régulièrement versé la dot à sa belle-famille. Il ne s’agit pas du mariage civil à la mairie. Mais d’un don en nature et en argent, décidé au cours des assises relatives au mariage coutumier».
Propriété
Au cas où la femme mariée et régulièrement dotée divorce et va en secondes noces, son deuxième mari, pour pouvoir jouir du « droit » de l’organisation de l’enterrement de son épouse doit « impérativement » rembourser la dot au premier mari. C’est dire, explique le dépositaire de la tradition, « qu’il rencontre sa belle-famille qui lui fait un inventaire de la dot reçue du premier mariage qu’il paie pour devenir « propriétaire de la femme ». Et d’ajouter que : « S’il y a des enfants avec le premier mari, la dot qui se rembourse représente les frais d’achat de la maman et donc enlève également aux enfants de ce premier ménage le droit de revendiquer la dépouille de leur maman. Même si cette dernière n’a pas eu d’enfants dans le second mariage». On tient compte de la volonté de la défunte si seulement, les deux conjoints n’ont pas versé cette dot.
Il est en outre, selon le notable, traditionnellement impensable qu’un enfant dont la mère n’a pas été dotée veuille enterrer sa génitrice chez son père. Néanmoins, explique encore Joseph Flavien Kankeu, cet enfant peut creuser une tombe dans laquelle il enterre un tronc de bananier représentant le corps de sa mère ou encore si ses relations sont bonnes avec son beau-père, « il pourra, dans le village de ce dernier, prendre la terre du lieu où cette femme a été enterrée qu’il ramène pour un autre enterrement dans son village ».
« Tout est tellement bien organisé qu’un homme a le droit de revendiquer la dépouille même de son ex-épouse s’il avait versé la dot », affirme le notable Bamougoum. A l’inverse par contre, partant du principe que « c’est la femme qui va vers l’homme », la femme ne décide pas du lieu d’inhumation de son époux. « C’est la famille de l’homme, principalement le successeur de son père qui, coutumièrement devient son père. La femme en raison de ses moyens peut intervenir dans l’organisation parce que généralement sur le plan légal elle a la signature mais en aucun elle ne peut influencer sur le site de l’enterrement ». Pour ce qui est des obsèques de l’enfant, « c’est exclusivement l’homme qui décide. L’enterrement se fait dans le village ou la concession du père. Parce que l’enfant comme la mère appartient au père ». Cependant, « si je perds mon premier enfant, c’est mon père ou son successeur qui l’enterre dans sa concession. Cette dépouille ne m’appartient pas. C’est comme un paquet qui m’a été confié que je remets à son propriétaire ».