Cameroun – Opération épervier: Paul Biya dans l’étau des pressions étrangères

De la France, les Etats-Unis, l’Onu ou l’Union africaine, les condamnations des incarcérations viennent de toutes parts.
Le chef de l’Etat joue la montre et veut sauver la face. « La France se réjouit de la libération de Mme Lydienne Yen Eyoum Loyse, à la suite du décret de remise de peine signé en sa faveur par le président Paul Biya. Tout au long de sa détention, les autorités françaises ont assuré à Mme Eyoum et sa famille un soutien constant ». 237online.com La sobriété de la réaction du porte-parole du ministère des Affaires étrangères de la France est du meilleur effet. Pas une ligne sur une quelconque influence du gouvernement français ou de François Hollande auprès de son homologue camerounais pour dénouer le sort de l’avocate franco-camerounaise Lydienne Yen Eyoum. Même pas une allusion de la promesse faite par Paul Biya au secrétaire d’Etat à la Francophonie et au développement, André Vallini, reçu en audience au palais de l’Unité jeudi 30 juin. Le chef de l’Etat camerounais, de nouveau interpellé, avait promis, selon la « Lettre du continent », une libération de la prisonnière au cours de l’été. Nous y sommes donc. Lundi 4 juillet, par un décret de grâce, Paul Biya a décidé de l’élargissement de Me Lydienne Yen Eyoum, condamné en 2010 à passer 25 ans de prison. Une condamnation qui avait acquis l’autorité de la chose jugée, l’avocate ayant épuisé tous les voies judiciaires de recours. La demande d’une grâce présidentielle était sa dernière chance, Paul Biya ayant lui-même laissé entrouverte cette issue au cours de la visite de François Hollande au Cameroun le 3 juillet 2015. L’échange entre les deux hommes, au cours de la conférence de presse de cette visite, avait été courtois mais assez révélateur. François Hollande : « Je voudrais juste aussi souligner que la famille de Me Eyoum m’a saisi et que j’en ai fait part au Président. » Paul Biya : « Je verrai ce que je pourrai faire si tel est le souhait de l’intéressée et si la Constitution me donne les moyens de faire quelque chose, c’est de bon cœur que je le ferais le moment venu. » La pression française n’était pas qu’officielle et institutionnelle. Dans le conseil de Lydienne Yen Eyoum figurait un certain Christian Charrière¬Bournazel. C’est lui qui avait saisi Hollande en juillet 2013, traitant Yaoundé de quelques noms d’oiseaux de nuit. C’est aussi lui que la nouvelle femme libre a d’abord appelé. En guise de remerciement. La France a donc pesé de son poids pour obtenir la libération de sa citoyenne. Comme avec Michel Thierry Atangana –libéré en février 2014 –, l’œuvre est signée : la première destination de Me Lydienne Yen Eyoum a été l’ambassade de France. En deux ans, Paul Biya a cédé deux fois à ce pays, qui montre qu’il garde une influence considérable. Mais il n’y a pas eu que la France, mais aussi les conclusions d’un groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire rendues publiques en mai 2015. Il avait jugé la détention de l’avocate « arbitraire ». Les avis de cet organe des Nations unies ne sont pas contraignants, mais les ignorer durablement n’est pas sans frais. C’est ce qu’a compris le gouvernement camerounais. Resté muet devant la communication sur le cas Lydienne Eyoum qui lui avait été adressée le 18 février 2015, il s’est ravisé sur le cas Marafa Hamidou Yaya. Interpellé le 1er juillet 2015 par le Groupe de travail des Nations unies au sujet de l’ancien secrétaire général de la présidence de la République, le gouvernement a répondu à la communication le 30 septembre 2015. Mais sans convaincre l’organe onusien qui a conclu, le 2 juin dernier, à un « détention arbitraire de Marafa Hamidou Yaya, et demandé « la libération immédiate de M. Yaya, avec la possibilité d’un nouveau procès où tous ses droits devront être entièrement respectés, pourvu que le Ministère public ait des raisons valables de le poursuivre. » Cette recommandation intervient à la suite d’un rapport du Département d’Etat américain sur les droits de l’homme publié l’année dernière et qui considère Marafa Hamidou Yaya comme un prisonnier politique. L’Union africaine n’est pas en reste. La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (Cadhp) a condamné, en avril dernier, le Cameroun à verser à Jean Marie Atangana Mebara, ancien secrétaire général de la présidence de la République, 400 millions de FCFA au titre de dommages et intérêts pour détention arbitraire. Le pouvoir de Yaoundé donne l’impression d’être sourd à ces recommandations qui succèdent, mais rien ne l’importune plus que ces preuves indépendantes que sa justice est loin d’être… indépendante. La question lancinante est de savoir comment Paul Biya va réagir aux cas des autres prisonniers qui ressemblent tant à ceux où il a fait prévaloir son pouvoir de grâce.

Parfait N. Siki

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