Cameroun/Monde – Sérail: Ces malades qui nous gouvernent – Santé présidentielle: L’ordonnance du secret d’Etat

Les derniers événements en Algérie et en Côte d’Ivoire relancent le débat sur ce sujet «tabou».
Interné le 02 février 2014 à Paris, officiellement «pour l’opération d’une sciatique», Alassane Dramane Ouattara, a regagné triomphalement Abidjan dimanche dernier. Le Président ivoirien qui est apparu muni d’une canne, a été accueilli, selon la police, par 150.000 partisans massés à l’aéroport. Retransmis en direct à la télévision d’Etat, le retour au bercail du Président Ouattara, après un mois d’absence, vient certes mettre un terme définitif aux rumeurs récurrentes qui l’avaient donné pour mort, mais pas aux interrogations sur son état de santé, et donc, sur son aptitude à gouverner son pays. Ce genre de questionnements n’est pas l’apanage des seuls Ivoiriens, puisqu’en Algérie, le sujet fait de manière itérative depuis 2012, les choux gras de la presse. Surtout depuis que le Président Abdelaziz Bouteflika (77 ans hier) – plusieurs fois hospitalisé ces dernières années pour des raisons de santé – a annoncé sa candidature à l’élection présidentielle du 17 avril prochain.

Réagissant à cette annonce, le magazine El Watan écrivait d’ailleurs que cette «candidature énigmatique suscite toujours des interrogations. Elle devient en même temps, un sujet de plaisanterie chez un citoyen lambda. Cloué sur un fauteuil roulant la suite d’un accident vasculaire cérébral, Abdelaziz Bouteflika ne s’est pas exprimé publiquement depuis le 8 mai 2012 à Sétif», ironisait le journal. C’est que le Président Algérien qui a finalement déposé lui-même au Conseil constitutionnel, à candidature hier en fin d’après-Midi, avait annoncé par la voix de son Premier Ministre Abdelmalek Sellai, puis par un communiqué, son intention de briguer un quatrième mandat à la tête de cet Etat.

Au Cameroun, le sujet sur l’état de santé du Chef de l’Etat est tout aussi entouré d’un halo de mystère, quand il ne fait pas tout simplement l’objet d’un «tabou», qui vaut infraction en pleine «démocratie apaisée». L’on se souvient en effet, qu’en 1997, Pius Njawé, de regretté mémoire, alors directeur de publication de Le Messager, avait payé de 10 mois d’emprisonnement ferme, sa curiosité sur la santé du Président Biya. Depuis lors, nul ne veut s’y frotter, par peur de représailles. Le débat ne s’anime pas moins sur le sujet, sous cape. Au Gabon, sous l’ère du feu Président Omar Bongo, le «tabou» de la santé du Président n’a pas empêché Jeune Afrique de s’interroger. «Même rebaptisé L’Intelligent, le journal Jeune Afrique continue à dire et à écrire que Bongo est malade (…). Mais Bongo est malade de quoi? Et où? Quel est le médecin qui l’a examiné, quel est le médecin qui le soigne?», s’était interrogé, goguenard, Obo. «Je pète la forme», avait, pour sa part, répondu le Président tchadien Idriss Déby Itno, en 2003 dans une interview accordée à Jeune Afrique, après de lourdes allusions sur son état de santé.

Omerta
Pourtant citée comme un des parangons de la démocratie dans le monde, la France semble au fil des mandatures présidentielles sous la cinquième République, s’être accommodée à quelques exceptions près, de la pratique de l’omerta sur la santé de ses chefs d’Etats. A titre d’illustration, on peut citer les cas emblématiques de Valéry Giscard d’Estaing, qui ne s’était pas cru obligé de publier son bulletin de santé. Pas plus que Jacques Chirac, qui s’était astreint à le faire en 1995, mais qui une fois élu n’a pas honoré son engagement jusqu’à son hospitalisation en septembre 2005. Atteint d’un cancer de la prostate dès novembre 1981, François Mitterrand avait sommé son médecin personnel de falsifier ses bulletins de santé pendant plus d’une dizaine d’années. S’agissant de Georges Pompidou, le «secret médical» a également été bien gardé, puisque les Français n’ont été informés qu’il souffrait d’un cancer de la moelle osseuse, qu’après sa mort survenu le 2 avril 1974.

Si «la santé du Président est une question tabou, car elle pose le problème de la bonne marche de l’Etat», constatait le journal Le Monde en août 2007, il parait évident que ce n’est guère sans raison. Car «Le Président de la République est le personnage central des institutions (…) Seul un Chef d’Etat en pleine forme, parfaitement maître de ses moyens, peut conduire les affaires de l’Etat. Évoquer les problèmes de santé du Président, c’est s’interroger sur les capacités de celui-ci à exercer le pouvoir, car un Président malade ne peut pas gouverner (…)», conclut le journal.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *