Cameroun: Le parti politique SDF à la croisée des chemins

Le SDF et le RDPC en complicité

La situation dans laquelle se trouve aujourd’hui le Sdf est très inconfortable pour la vitalité du jeu démocratique au Cameroun.

L’évolution de ses (contre)performances électorales laisse craindre une mort lente du mouvement lancé par Ni John Fru Ndi, il y a 30 ans. Si en 1992, lors de sa première aventure présidentielle, le parti a échoué tout près des buts avec 35, 93% contre 39,97% au candidat du Rdpc, le poulain du Sdf est descendu à 17,40% en 2004 pendant que Paul Biya, le vainqueur l’avait emporté avec 70,92%. En 2018, ce fut tout simplement une bérézina électorale. Le candidat du Sdf, Joshua Nambangi Osih a enregistré 3,35%, pire score de l’histoire de ce parti. La même tendance s’observe pour les autres scrutins où le Sdf part de 43 députés en 1997 pour n’obtenir que 5 sièges aujourd’hui à l’Assemblée nationale. Avec quatre communes qu’il contrôle aujourd’hui contre 61 en 1996, le parti a l’air d’amorcer véritablement son effondrement. C’est donc un Sdf atomisé, dynamité et exsangue qui tente aujourd’hui de faire son diagnostic afin de remonter la pente. La dernière réunion du Nec tenue, non pas à Bamenda comme d’habitude mais à Yaoundé, s’est donc inquiété de l’ampleur de cet effondrement. Ni John Fru Ndi et ses lieutenants ont essayé de trouver un diagnostic et de prescrire une thérapie de choc. Ce naufrage s’est nourri au fil des ans de plusieurs causes bien plus profondes.

Le départ ou la mise à l’écart de plusieurs grosses pointures dont certaines étaient les « founding fathers » du parti a été le point de départ des difficultés actuelles du parti. L’utilisation du fameux 8.2 a conduit à une véritable saignée du parti. Ils sont nombreux ces hauts cadres du Sdf qui ont quitté la barque à cause de ce célèbre article des statuts et règlement intérieur, pour se frayer d’autres chemins. C’est le cas par exemple des militants comme Basile Kamdoum, Mahamat Souleyman, Maïdadi Saïdou, Aladji Sani, Charly Gabriel Mbock, Pierre Kwemo, Bernard Muna, Tazoacha Asonganyi, Elisabeth Tumajong, Joseph Wirba. Quoi qu’on dise, la démission, le retrait ou l’exclusion de plusieurs responsables a privé le parti de ses cadres les plus influents. Cette coulée s’est aggravée avec la mort des deux poids lourds de cette formation politique: Me Joseph Mbah Ndam ou de l’honorable Joseph Banadzem Lukong.

Né en 1990, à l’orée du multipartisme, le Sdf a réussi à animer la scène politique pendant presque deux décennies avant de sombrer actuellement. Il paie en réalité son refus ou son incapacité à mener à bien l’aggiornamento idéologique qui aurait pu lui permettre de rester le leader incontesté de l’opposition camerounaise. Hélas, comme la plupart des partis usés par la conquête du pouvoir, le Sdf n’a pas su changer son logiciel politique hérité des années 90, ni tenu vraiment compte des évolutions de la société. Jusqu’’à la fin des années 90, le parti a entretenu une bonne partie des Camerounais sur le rêve d’une alternance possible au sommet de l’Etat. Même la tentative du renouvellement générationnel au dernier congrès de Bamenda, n’a pas produit les résultats escomptés.

Il n’est pas inutile de noter que l’insécurité orchestrée par les sécessionnistes dans les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest présentées jusqu’ici comme le bastion de ce parti aura contribué à l’atrophie de sa base sociologique. D’autre part, le Sdf qui avait étendu sa base sur une partie de l’Ouest doit aujourd’hui faire face à la concurrence de certains partis politiques qui ont pris de l’ancrage dans cette région. Il faudra donc absolument se réinventer pour garder la tête hors de l’eau. C’est une vraie question de survie.

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