Cameroun – James MOUANGUE KOBILA : Deuxième échec de Maurice Kamto

MOUANGUE

D’abord, celui qui se rêvait en chef d’une opposition reconstituée en fédérant les autres candidats à la présidentielle autour de sa personne n’a jusqu’ici agglutiné autour de lui que des seconds couteaux rejetés par le parti au pouvoir et qui n’ont aucune idée de sa conception de la République.

Au moment où il prend conscience de la banalité de sa candidature parmi les autres candidats de l’opposition, le choix malheureux de son slogan de campagne signe son deuxième échec. Jamais deux sans trois, dit l’adage…

Si le plagiat est incontestablement un crime académique, peut-on parler de plagiat en ce qui concerne un slogan de campagne électorale ? Un candidat peut-il s’inspirer d’un slogan de campagne utilisé dans un autre pays pour résumer sa vision du pouvoir ? En termes techniques, le slogan de campagne électorale, en tant que création intellectuelle, est-il une œuvre susceptible de constituer le siège d’un droit de propriété littéraire ou artistique détenu par un tiers ? Si oui, dans quel espace et dans quel laps de temps ?

En science politique, le terme « slogan » participe de la communication politique, qui se caractérise par une grande liberté. Par contre, ce terme ne figure ni dans le code électoral ni dans le Dictionnaire de droit de la propriété intellectuelle (Carine Bernault / Jean- Pierre Claver, 2e édition, Ellipses, 2015). Sans doute, la brièveté d’une période de campagne électorale qui ne dure tout au plus que de quelques semaines à quelques mois est-elle un obstacle empirique à la constitution d’un droit de propriété intellectuelle en cette matière. Un slogan est en effet conçu pour une campagne électorale dans un pays déterminé. Aussitôt après, il devient inutile et « tombe » de ce fait dans le domaine public universel, ce qui signifie qu’il peut être librement utilisé ailleurs, sans qu’il soit nécessaire de solliciter l’assentiment de son inventeur.

Ce qui est d’autant plus vrai que l’utilisation d’un slogan politique ne cause aucun préjudice injustifié aux intérêts légitimes de son auteur. C’est pourquoi le slogan de campagne électorale n’a quasiment jamais fait l’objet d’un droit de propriété intellectuelle. Le principe de territorialité du jeu politique trouve également toute sa place, dans la mesure où, contrairement aux authentiques œuvres de l’esprit qui, par vocation, ne connaissent pas de frontière, l’utilisation d’un slogan de campagne est géographiquement délimitée. Une fois sa disponibilité vérifiée, il peut donc être réutilisé dans le même environnement ou être adapté à d’autres contextes (cas du premier slogan de campagne de Nicolas Sarkozy « Ensemble tout est possible », adapté par Maurice Kamto sous la formule « Ensemble, c’est possible »). Le problème ne pouvant surgir que si celui qui en revendique la paternité l’a lui-même créé et… protégé, ce qui n’est pas toujours le cas.

Au vrai, la question de la paternité des slogans de campagne relève davantage du contentieux électoral que de la propriété intellectuelle, par assimilation au contentieux des couleurs sigles et symboles des candidats ou des partis politiques en compétition. Dans cette perspective, le plus important est de prévenir ou de mettre fin à toute éventuelle confusion entre les messages véhiculés par les différents candidats à une même élection. Sous cet angle, le juge électoral veille à ce que l’usage d’un slogan dans une campagne électorale soit exclusif à chaque candidat. En cas de similitude ou de confusion possible, le juge électoral devrait appliquer les principes d’antériorité et d’ancienneté qui permettent de départager les candidats qui choisissent des couleurs et sigles identiques ou susceptibles de semer la confusion parmi les électeurs.

L’alinéa 2 de l’article 131 du Code électoral pose ainsi qu’« [e]n cas de recours concernant la couleur, le sigle ou le symbole adopté par un candidat, le Conseil Constitutionnel attribue par priorité à chaque candidat sa couleur, son sigle ou son symbole traditionnel, par ordre d’ancienneté du parti qui l’a investi et, dans les autres cas, suivant la date de dépôt de la candidature, le récépissé de dépôt faisant foi.» En ce sens, l’avocate française spécialisée Anne-Sophie Cantreau souligne que «la reprise ou l’imitation d’un slogan banal et non protégé par le droit des marques n’est […] fautive que dans l’hypothèse où un risque de confusion entraînant un préjudice est démontré. »

Ce qui compte à l’arrivée, d’après les spécialistes du droit des marques, c’est que le slogan soit « le reflet de la personnalité du candidat ». L’utilisation d’un slogan déjà vu ailleurs autorise cependant des inférences entre le candidat utilisateur et le candidat créateur, que celles-ci soient positives ou négatives. C’est pourquoi l’homme politique habile ne s’inspirera que du slogan de campagne d’un candidat étranger dont il partage le paradigme du pouvoir. Si cette consonance est évidente à maints égards entre Omar Bongo et Paul Biya, l’« inspiration» Sarkozyste du slogan de campagne de Maurice Kamto, est clairement problématique. Cet ancien président français est en effet entré dans l’histoire comme l’instigateur de la destruction de la Libye, le déclencheur du cataclysme qui a déjà provoqué des centaines de milliers de victimes innocentes et la mort du financier du Fonds monétaire africain dont le siège avait déjà été fixé à Yaoundé. L’assaut lancé pour renverser le régime du Colonel Kadhafi a permis aux djihadistes de tout bord de prendre leurs quartiers en Libye, de tuer un ambassadeur des Etats-Unis, d’approvisionner leurs comparses du Sahel à partir du gigantesque arsenal libyen, avant d’envahir le Mali et de renforcer Boko Haram.

Chacun sait que l’action néfaste de cette secte terroriste et obscurantiste a par la suite déteint au Niger, au Tchad et que le Cameroun – qui en a le plus souffert après le Nigeria – n’en a pas encore fini avec les exactions de ces barbares avides de sang. Le fait que Maurice Kamto ait choisi de s’inspirer du slogan de campagne d’un dirigeant qui a poussé Barack Obama, ancien président des Etats-Unis, à confesser que sa plus grave erreur a été de s’embarquer dans l’expédition libyenne est révélateur du message subliminal (au premier ou deuxième degré) de ce candidat au tempérament froid, hautain, arrogant et belliqueux, par ailleurs encombré de casseroles tonitruantes (un procès en plagiat et en abus de confiance, des marchés éhontément «gagnés» dans le ministère qu’il codirigeait, etc.). Il se met souvent en scène avec des maillots de joueur de football et essaye d’épouser le langage des sauveteurs. Mais l’image rajeunie et de proximité que ce futur retraité (65 ans en 2019) s’efforce de singer, témoin d’une stratégie d’arrière-saison qu’il n’a pas su adapter à la configuration finale des candidatures à la présidentielle, sonne d’autant plus faux que quatre candidats concurrents la proposent en même temps aux électeurs, mais en vrai. Chacun constate qu’il récite son propos plus qu’il ne s’exprime. L’argument de la jeunesse qu’il s’obstine à placarder joue plutôt en faveur de ses antagonistes, beaucoup plus jeunes que lui. Bientôt, les Camerounais choisiront entre les adeptes du double langage qui souhaitent passer leur retraite au Palais d’Etoudi, les caméléons religieux, les candidats au discours stéréotypé voire sclérosé, et autres outsiders promis à un échec certain et celui qui réussit avec panache. Si l’on convient avec un contemporain que « l’art de faire le bon choix ne s’improvise pas », il y a des moments où le choix est particulièrement aisé…

James MOUANGUE KOBILA

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