Cameroun – Démission : Christian Fouelefack quitte le Mrc

Christian Fouelefack

Les raisons de cette sortie inattendue n’ont pas été rendues publiques, laissant libre cours à de grosses polémiques.

Après quelques autres gros noms, le navire Mrc vient de voir descendre un autre cadre à la notoriété établie. Dans une lettre adressée au président de ce parti hier, 18 mai 2021, Christian Fouelefack Tsamo, ancien coordonnateur départemental du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun pour la Menoua, annonce son désengagement avec le parti dirigé par Maurice Kamto. « C’était un grand honneur pour moi de travailler à vos côtés comme militant, secrétaire départemental et membre du directoire national du Mrc, dans la perspective du changement du Cameroun. Tout en retenant le meilleur de cette adorable aventure, je vous souhaite du courage pour la suite », écrit-il au Président national. Sur les raisons de cette descente spontanée du train de la Renaissance, l’enseignant d’université, réputé ne pas avoir sa langue dans la poche, que nous avons joint hier, se réserve de tout commentaire. Et les commentaires vont bon train, au sujet de celui qui avait récemment quitté ses fonctions à la base pour monter en grade, notamment au directoire national. Quelle est la pomme de discorde ? Ou plutôt qui l’a fâché ? Serait-il concerné par les dissensions autour de Survival ? Des questions qui restent pour l’instant sans réponse.

Flou

Ceux qui pensent à des pressions sur le plan professionnel doivent se souvenir qu’il avait gentiment refusé d’occuper un poste de chef de service pour lequel Jacques Fame Ndongo, le ministre d’Etat chargé de l’Enseignement supérieur, l’avait nommé à l’Université de Maroua. « Il n’y a pas longtemps que M. Fouelefack est passé Chargé de cours. Donc il est difficile qu’il soit déjà en train de vouloir changer de grade. Dans une filière comme la sienne où il n’y a pas de concours d’agrégation pour devenir enseignant de rang magistral, il faut beaucoup produire. Or il ne semble pas l’avoir beaucoup fait ces derniers temps, peut-être en raison de ses occupations politiques », explique un de ses aînés académiques.

Engagé tôt dans le Mrc alors que Maurice Kamto lui conseillait plutôt de consolider sa position professionnelle et sociale, Christian Fouelefack est un homme de terrain. Là où les autres brillent à la télé, cet ancien responsable du Rdmc de Pierre Mila Assoute parcourt les marchés et les villages, à la recherche de la clientèle politique. Dans son discours d’accueil de Maurice Kamto à Dschang, en novembre 2017, il raconte : « Dès le lendemain de notre convention nationale du 30 septembre 2012, nous nous sommes engagés à implanter le parti dans la Menoua. Cela n’a pas été une tâche facile pour nous, eu égard au contexte politique national que nous connaissons, fait d’obstacles de toutes natures, de découragement, de désespoir et d’appel à l’abandon. Mais nous n’avons pas reculé. Nous avons pris le temps nécessaire pour expliquer aux compatriotes, la particularité du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun et le souffle de l’espoir que nous portions en cette nouvelle formation politique.

Le temps nous a donné raison au regard du chemin parcouru ». Il a poursuivi : « Aujourd’hui, le Mrc est implanté dans les six arrondissements du Département de la Menoua à savoir : Penka Michel, Nkong Ni, Santchou, Fongo Tongo, Fokoué et Dschang. Dans chacun de ces arrondissements, des directoires communaux sont actifs sur le terrain. Bien plus, nous avons installé des directoires dans 3/5ème des Groupements du département de la Menoua et nous comptons actuellement plus de deux cents unités dans les quartiers dont les dernières ont été installées ce 14 novembre à Bamendou dans l’arrondissement de Penka Michel. De nombreuses autres unités sont en gestation dans les différentes communes. Le travail effectué pour conduire notre parti à la victoire lors des futures échéances électorales a déjà été fait à 75% dans le Département de la Menoua. Nous pensons terminer les 25% restants dans les jours qui arrivent. Nous promettons ainsi qu’avant mars 2018 le terrain sera bouclé à 100% dans la Menoua et nous serons candidats à tous les postes électifs dans la Menoua. C’est ainsi que nous travaillerons à installer le candidat du Mrc à Etoudi en 2018 en passant par le grand portail ». Les hôtes du jour avaient apprécié qu’il ait refusé l’exil projeté dans le septentrion pour faire ce travail.

Prof d’Histoire

Né en 1981 à Yaoundé, Il va un temps fréquenter Dschang, son village, avant de retourner à la capitale où il fera des études d’histoire, faute de moyens pour aller faire le droit à Soa. Il obtient la Licence en 2005 ; puis la Maitrise en 2007 et le Dea en 2009. Inscrit en thèse, il est recruté comme moniteur pour travaux dirigés dans sa faculté. Il ne soutiendra qu’en 2016, trois ans après le dépôt de son travail. Il aura été échaudé lorsqu’on ne le recrute pas en 2011 et anime avec d’autres le « Collectif des enseignants moniteurs vacataires et Ater en poste ». Chargé de cours depuis peu au département d’histoire de la Faculté des lettres et sciences humaines de l’Université de Dschang, les étudiants apprécient son esprit vif. Lors du colloque organisé sur Chantal Biya à l’Université de Yaoundé II par d’éminents chercheurs, il avait fait une analyse qui avait fait le buzz sur la toile. « Le chantalisme biyaïste et le biyaisme chantalien seraient des sous-idéologies de la Biyacratie qui se présente à nous comme une sorte de culte, une quasi-religion où le seul patronyme Biya fait de vous une personne digne d’une bonté qu’il faut louer. C’est apparemment une religion particulière dans laquelle on trouve des catholiques, des protestants et d’autres églises réveillées sous des appellations diverses : Presby, Jachabi, Jabrebi, les homonymes du président, etc.

Au sommet du culte, on a un pape ou un pontife qui est un dieu terrestre ayant des créations et des créatures. Elles-mêmes, ces créatures, en fonction de leurs rangs et prérogatives, se prennent ou se considèrent comme archevêques, évêques ou simples curés. Certains analystes de ces questions au colloque de Soa, à l’instar de Mathias Eric Owona Nguini, pensent d’ailleurs que Chantal Biya dans cette chaîne n’est qu’un simple vicaire au service du pontificat. Allez-y comprendre », expliquait-il avec hardiesse. Christian Fouelefack affirmait par la suite que toutes les éminences grises engagées dans « cette escapade scientifique » étaient mues par « l’appât du gombo ». Au reporter de Sinotables qui voulait comprendre, il ajoutait : « On a affaire à des flatteurs qui capitalisent ce qu’ils ont appris à l’école pour tromper une dame de bonne foi. Ces couplets entamés depuis Irène Biya vont être réécrits après Chantal Biya. Ce n’est donc pas une trouvaille, juste une astuce circonstancielle, intellectuellement gombotique. (…) Ce jargon est typiquement camerounais. Chaque camerounais sait au sens figuré ce que signifie le gombo dans ces milieux ».

Après les marches dites blanches qui ont suivi la contestation des résultats de la présidentielle, cet enseignant fut arrêté, humilié et emprisonné à Kondengui. Ses déclarations laissaient croire que la prison avait plutôt renforcé son esprit contestataire. Bien parti pour gagner les élections dans toutes les circonscriptions de la Menoua, selon son discours, il n’aura malheureusement pas l’occasion de mesurer sa côte de popularité, du fait du boycott du double scrutin de février 2020. Et la frilosité des sous-préfets, qui interdisent toute agitation, n’a plus permis de le voir en action. Rendez-vous au point d’atterrissage.

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