Les militaires bastonnent et tirent à balle réelle

Cameroun – Crise anglophone : Le gouvernement veut voir les enseignants au travail

Société

Pris entre deux feux, les enseignants doivent concilier la volonté de l’administration de les forcer à travailler pour entretenir l’impression de vitalité de l’Etat et les mises en garde ou assauts des rebelles qui punissent leur désobéissance.

L’image d’un préfet du Sud-Ouest, gilets pare-balles bien en vue, escorté par un bataillon nerveux de l’armée, menaçant de suspendre les salaires des agents publics qu’il n’avait pas trouvés en poste, au cours de sa tournée d’inspection avait choqué plus d’un. « Il parle pour lui. Je ne mettrai plus les pieds là-bas, jusqu’à la fin de la guerre », avait réagi un concerné, aujourd’hui suspendu de salaire. En effet, pour les punir d’avoir abandonné leurs postes et ainsi donné l’impression que les rebelles sont puissants, l’administration a frappé de sanction certains fonctionnaires. « Le préfet était allé mettre sa famille à l’abri à Yaoundé. Puis il est venu nous imposer d’ouvrir l’école. C’est difficile de décrire dans quelles conditions j’ai réussi à échapper aux Amba-boys, qui m’avaient dans leur ligne de mire. Un ami bienveillant m’a informé qu’ils devaient brûler ma maison ; j’ai fui avant », témoigne un ancien censeur de la section francophone dans le Ngoketunjia, aujourd’hui réfugié à l’Ouest. « Au départ, les autorités ont refusé que nous quittions nos villages pour le centre urbain où il y avait un peu de sécurité. Elles disaient que cela allait créer la peur chez les populations », ajoute un ancien directeur de collège dans la Manyu. En réalité, malgré toute la brutalité de la situation, même lorsque les autorités administratives elles-mêmes, pourtant protégées par des forces mixtes, ne pouvaient pas vivre dans leurs circonscriptions, les enseignants sont appelés à ouvrir les écoles, considérés comme un « bien public incontournable».

Travailler au prix de sa vie

Dans ce contexte, ceux des chefs d’établissements qui manquent à leurs devoirs sont immédiatement remplacés par des suppléants plus zélés, cependant que le personnel enseignant est soumis à des pressions multiformes, en vue de leur présence effective aux postes. Rien n’y fait. « La vie dépasse tout ça », confesse un ancien proviseur déchu. La passation de service entre ces nouveaux promus et les anciens se fait généralement dans les bureaux de la délégation ou dans bien de cas, des hôtels de Bamenda ou d’autres villes sécurisées. « Lorsque j’ai besoin d’un document, je négocie avec mon chef (proviseur). On se retrouve dans un lieu que nous connaissons et il le signe », informe un enseignant en service dans le Nord-Ouest. Ils sont donc nombreux à pouvoir produire, à l’attention de la hiérarchie centrale, des « certificats de présence effective au poste », datant de moins de trois mois, alors qu’ils ne connaissent plus le chemin qui mène à leur poste de travail. Explication, les « lockdown » empêchent la mobilité de tout le monde et les autorités qui donnent les ordres, se déplacent elles-mêmes sous forte escorte militaire. Quelques écoles ont certes ré-ouvert mais les enseignements ne se font plus dans la même concentration qu’avant. A l’Université de Bamenda, le télé-enseignement a bon dos.

Flore Edimo, 237online.com

Tagged

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *