Cameroun – Crash managérial : Les déboires du DG de ADC à la PJ

A la tête de Aéroports du Cameroun depuis seulement neuf mois, M. Thomas Owona Assoumou défile déjà au siège de la police judiciaire à Yaoundé pour de présumées malversations.
L’homme qui décroche son téléphone portable ce lundi 08 mars 2010, et qui se présente comme son directeur de cabinet, jure tous les dieux que le directeur général des Aéroports du Cameroun (ADC) n’a jamais déféré à aucune convocation au siège de la police judiciaire (PJ) à Yaoundé. « Cette information relève davantage des cancans de quartiers », précise-t-il, gratifiant au passage son interlocuteur d’une leçon de journalisme.
Les faits sont pourtant têtus : M. Thomas Owona Assoumou a bel et bien été auditionné au moins trois fois à la PJ à Elig-Essono ces dernières semaines. Une source précise d’ailleurs que lors de l’un de ses passages devant les limiers de la sousdirection des enquêtes économiques et financières, acculé par ses interrogateurs, l’actuel DG des ADC a subitement fait un accès de paludisme. Même si le mutisme est de mise à la PJ, Repères a tout de même pu apprendre que les auditions de M. Owona Assoumou portent sur des faits relatifs à de présumées malversations financières qui remontent à il y a huit ans.
Le 2 janvier 2002, M. Thomas Owona Assoumou, alors directeur d’exploitation de ADC, signe un protocole d’accord avec M. Emmanuel Ngassa Happi, directeur adjoint de SDV Cameroun S.A. Par cet accord, ADC, qui loue à ce transitaire ses magasins et bureaux situés dans la zone de fret aérien des aéroports de Douala et Yaoundé, « accepte de mettre un terme amiable (…) à toute réclamation inhérente au règlement par SDV des redevances commerciales pour des périodes du 1er janvier au 31 décembre 2002. » Comme solde de tout compte de cette redevance commerciale, SDV offre un règlement forfaitaire et global de 100 millions de FCFA.

RÉVOCATION
Sauf que, dans cette transaction, M. Owona Assoumou s’est plutôt prévalu de la qualité de directeur commercial, un poste qui n’apparait nulle part dans l’organigramme de ADC. En plus, il n’a reçu aucun mandat pour ce faire. Agissant ainsi à l’insu du directeur général et du conseil d’administration, pour des motivations connues de lui seul, il inflige une perte sèche de 409 millions de FCFA à son employeur, puisque la créance initiale s’élève à 509 millions de F CFA. Lorsque le pot-aux-roses est découvert, M. Paul Alain Mendouga, alors DG, épargne aux natifs de Melen à Yaoundé des poursuites judiciaires préconisées par d’aucuns, et se contente de le limoger et de le licencier.
Cet accord sera dénoncé par l’équipe dirigeante qui prend les rênes de l’entreprise par la suite. Après avoir végété pendant quelques mois seulement à l’inspection générale du ministère des Transports, il retrouve à nouveau le poste de directeur d’exploitation au sein de ADC. Et ne va pas tarder à récidiver. Cette fois-ci, M. Owona Assoumou « aliène certains équipements et matériel de la société », ainsi que le constate une résolution signée par M. Joseph D. Pokossy Doumbe, président du conseil d’administration au terme d’une session tenue le 15 mai 2008.

ALIÉNATION DU PATRIMOINE
En clair, sans informer ni requérir le quitus de la direction générale qui sera plus tard alertée par la présidence de la République, il a vendu « sous forme de ferraille » des équipements cédés aux ADC par M. Paul Ngamo Hamani qui officie alors comme administrateur provisoire de la Camair. Cette autre indélicatesse entraine une perte de confiance de l’entreprise à son endroit qui conduit d’abord à son limogeage de son poste et ensuite à sa révocation de ADC.
Entre-temps, M. Owona Assoumou a bénéficié, par le truchement de deux sociétés-écrans dénommées NetCam et Sim, et pour la seule période allant du 6 juin 2003 au 1er avril 2008, de 26 marchés douteux et vraisemblablement fictifs qui lui ont rapporté au total 44.137.763 FCFA. C’est cet homme qui sera porté à la direction générale de ADC le 15 juin 2009. Les principaux collaborateurs du président de la République ayant managé cette nomination ont pris le soin au mieux de lui cacher tous ces faits, et au pire de lui mentir. Il a été rapporté à M. Paul Biya que cet ingénieur de l’aéronautique civile, au moment où il est proposé à ce poste, est directeur d’exploitation de ADC. C’est du moins ce que précise le message porté adressé par la présidence de la République au ministre des Transports afin de « prendre toutes les dispositions nécessaires à la nomination de M. Owona Assoumou Thomas au poste de directeur général des Aéroports du Cameroun ». Pourtant ce dernier a été révoqué une seconde fois de l’entreprise un an plus tôt.
Aussitôt installé dans ses fonctions, ses collaborateurs n’auront plus de cesse de dénoncer ses dérives managériales. Le nouveau DG, tout en prenant le soin d’écarter de la gestion de l’entreprise tous les directeurs trouvés en place, s’offre par exemple, pendant les trois premiers mois de son séjour à la tête de ADC, deux véhicules de location à presque 20 millions de F CFA alors que son prédécesseur a laissé une Camry et une BMW à l’état neuf. Il acquiert un chariot à vin pour sa résidence pour plus de 700 000 FCFA, etc. Les dérapages budgétaires sont tellement légion que des dénonciations du personnel s’amoncellent et sont distillées partout. A la veille du conseil du 12 novembre 2009, un tract émanant d’un collectif d’employés membres de deux syndicats opérant au sein de l’entreprise intitulé « la voix des employés de la société des Aéroports du Cameroun » relève « la multiplication par le DG des missions fantaisistes. En cinq mois, il a déjà eu 45 jours de mission à l’extérieur ».
Ce sera encore le cas à partir du 18 mars 2010, et ce pour deux à trois semaines. Le tract souligne aussi le « fractionnement et la surfacturation des marchés au profit de ses petits copains et particulièrement son petit frère, M. Owona Didier. » sa stratégie, souffle un cadre de la maison, consiste à mettre en mission le directeur technique concerné au premier chef pour deux à trois jours avant toute procédure d’attribution d’un marché. Pis, ledit document attribue à M. Owona Assoumou le licenciement abusif de 65 employés. « Il a mis en quarantaine tous les directeurs pourtant nommés par ses bons soins », précise un agent. A telle enseigne que le collectif prévient le président du conseil et l’ensemble du conseil d’administration sur le risque d’un affrontement et fatalement d’une crise sociale au sein de ADC.

Dominique MBASSI

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *