Cameroun – Audience à Etoudi : Dans les secrets du tête-à tête Biya-Guilhou

Biya-Guilhou

Reçu en audience hier jeudi 3 juin au Palais de l’Unité, l’ambassadeur de France au Cameroun et le président de la République ont abordé plusieurs sujets d’actualité et des questions stratégiques.

L’audience d’hier n’avait rien d’anodin. S’il est admis que Christophe Guilhou contrairement à certains de ses pairs, a eu le privilège d’être reçu plusieurs fois par le président Paul Biya à Etoudi, il est clair que la rencontre d’hier était bien plus que spéciale. D’abord à cause du contexte politique de la sous-région Afrique centrale marqué entre autres par le changement de pouvoir au Tchad. On sait que la France a tranché sa position en soutenant le Conseil militaire de transition qui a pris le pouvoir après le décès du chef de l’Etat, Idriss Déby Itno, et ce en dépit de la condamnation par l’opposition, qui a qualifié cet acte de « putsch » contre la Constitution.

Le président français, Emmanuel Macron, avait d’ailleurs souligné dans un discours prononcé à l’occasion des funérailles du guide tchadien, que son pays « n’autorisera personne, ni aujourd’hui ni demain, à porter atteinte à la stabilité du Tchad ». Le Cameroun qui partage une longue frontière commune avec ce pays voisin étant présenté comme un acteur stratégique dans le pré-carré français, Guilhou a sans doute transmis à Biya, le message de Paris sur cet épineux dossier. Ce n’est pas un fait de hasard si « l’homme du 6 novembre 1982 » a évoqué le « renforcement du partenariat stratégique entre le Cameroun et la France », dans un tweet au sortir de l’audience d’avec son hôte.

Brouille entre Paris et Yaoundé ?

La France, un partenaire stratégique du Cameroun tente donc d’intensifier ses relations avec Yaoundé après une brouille qui a ouvert le boulevard à plusieurs interprétations sur la nature des rapports entre les deux pays. La dernière audience accordée par le président Paul Biya au diplomate français remonte au 22 février 2021. Christophe Guilhou était alors porteur d’un message de Macron à Paul Biya. A sa suite, le président français a invité son homologue au Sommet de Paris sur le financement des économies africaines durement touchées par la crise sanitaire. Empêché, Paul Biya avait dépêché le ministre des Finances, Louis-Paul Motaze à Paris.

Le conclave de Paris avait une résonance particulière au Cameroun, pays le plus affecté par la pandémie de la Covid-19 et première économie de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). C’est le président de la République, Paul Biya, qui assure actuellement la présidence en exercice de la Cemac. Une partie de l’opinion s’est étonnée que le porte-voix de la Communauté ait choisi de ne pas faire le déplacement de Paris, comme s’il n’y avait pas d’enjeux. Or, la troisième session extraordinaire du Comité de Pilotage du Programme des réformes économiques et financières de la Cemac (PrefCemac) tenue le 28 mars 2020 à Brazzaville a permis à la sous-région de prendre la mesure de la menace, de ses impacts socioéconomiques et de la nécessité de procéder à un « aggiornamento » tant au niveau national, communautaire qu’international.

Covidgate

En ces temps où des membres du gouvernement défilent au Tribunal criminel spécial pour des auditions relatives à la gestion des fonds dédiés à la lutte contre le Covid-19, Christophe Guilhou n’est certainement pas sorti de cette audience sans demander à Paul Biya des nouvelles sur le Covidgate. Au moment où on est passé à la phase de vaccination, le gendarme financier du monde, le Fonds monétaire international (Fmi), sans doute alerté par les critiques en interne, demande au Cameroun de rendre compte de la gestion de cette manne. La Chambre des comptes a rendu un rapport préliminaire qui éclabousse la République. Un partage des milliards entre membres du gouvernement dont les montants reçus sont en parfaite déconnexion avec les faits sur le terrain. Paris va-t-il exiger que des têtes soient coupées ? Just wait.

Jean François CHANNON

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