Enquête sur la controverse autour de deux documents internes de l’hémicycle qui tournent en boucle sur la toile, dans le but évident de nuire à l’image du patron de la Chambre basse du Parlement.
Les deux documents postés sur la toile établissent de manière irréfutable que quelqu’un veut montrer à l’opinion et surtout à Paul Biya que Cavaye Yeguie Djibril ne maitrise plus du tout la gestion de l’institution. Tout est parti de l’organigramme de l’Assemblée nationale que le Secrétaire général (Sg) a soumis à l’attention du président de l’Assemblée nationale (Pan). « En date du 18 janvier 2021, je vous ai fait transmettre un projet d’organigramme initié par le Secrétaire général de l’auguste chambre en conformité avec l’article 105 -A1 de notre Règlement intérieur. A la date d’aujourd’hui et après consultation, le quorum a été largement atteint. Je viens de signer ce document et de donner mon quitus au Secrétaire général d’en faire large publication. Cette consultation qui a été bien menée, de bout en bout, tient lieu de réunion du Bureau. Je demande au Secrétaire général d’en prendre acte et de faire le nécessaire comme à l’accoutumée », écrivait le Pan aux membres du bureau de l’Assemblée nationale le 23 avril dernier. Des informations recueillies à bonne source indiquent clairement que plus de 2/3 des membres de l’exécutif de cette institution ont réagi favorablement à la proposition du nouvel organigramme.
D’autres sources, non moins bien introduites dans les arcanes de l’Assemblée, précisent que tous étaient d’accord sauf deux membres du bureau qui sont des questeurs, en l’occurrence les honorables Kamssouloum Abba Kabir, député Rdpc du Logone et Chari dans l’Extrême-Nord et Bekono Ebah Pauline, épouse Ndoumou, député Rdpc du Dja et Lobo dans le Sud. Dix jours tout juste après avoir engagé tout le Bureau à constater que le nouvel organigramme est adopté, le même Cavaye revient et annule sans autre forme de procès le même document par un communiqué en date du 3 mai. Qu’est-ce qui s’est passé entre le 23 avril et le 3 mai pour que le Pan se désavoue aussi gravement et pire encore poste la preuve de cette incongruité sur la toile? « Le président de l’Assemblée nationale, porte à la connaissance des membres du Bureau des députés et de l’ensemble du personnel administratif de l’Assemblée nationale que le nouvel organigramme proposé par le Sg de l’Assemblée nationale mentionné dans sa correspondance en date du 23 avril 2021, relative à sa validation est purement et simplement annulée », écrivait Cavaye le 3 mai 2021.
Mission commandée
Que s’est-il donc passé ? Des sources concordantes, tant du côté de Mada que de Yaoundé, affirment qu’après la session de mars dernier, le Pan s’est retiré dans son village. De Mada, on rassure que les deux questeurs ont été reçus par le Pan. Qu’ont-ils dit ou fait pour convaincre Cavaye de revenir si facilement sur sa première décision antérieure? A quelles fins? Dans les couloirs de l’Assemblée nationale, les langues indiquent clairement que du retour de Mada, les deux élus du peuple, questeurs au Bureau, auraient posté sur la toile les deux documents en question. D’autres sources indiquent sans aucune hésitation qu’ils étaient en mission commandée dans le but bien compris, à défaut de montrer à l’opinion et surtout à Paul Biya que Cavaye Yeguie Djibril est dépassé par les évènements, à tout au moins d’annuler l’organigramme qui vient nuire à la puissance de leurs intérêts en tant que questeurs.
La source du mal
L’instabilité au poste de secrétaire général au Bureau de l’Assemblée nationale a permis aux questeurs de s’imposer en maîtres absolus d’abord en matière financière et administrative de la Chambre. De ce fait, le malheur de Cavaye Yeguie Djibril viendrait en grande partie du fait qu’il ait nommé un Secrétaire général qui chaque jour qui passe déssouche un peu plus les intérêts bien ancrés, les bizness des questeurs englués dans les affaires. On se souvient que l’actuel Sg, nommé le 14 avril 2020, est entré en fonction après que le poste ait été laissé vacant pendant près d’un an, suite au limogeage de Geoffroy Désiré Mbock, après seulement près d’un an en poste. Son départ, faut-il le souligner, était né et lié aux frictions avec les questeurs de l’Assemblée nationale avec en tête l’honorable Kamssouloum Abba Kabir. A cette époque, les questeurs avaient monté des stratagèmes pour faire croire au Pan que le malheureux Sg manœuvrait en sourdine pour sa chute.
Réveiller les vieux démons
On l’accusait de prendre ses notes du côté du Secrétariat générale à la présidence de la République. Avec l’affaiblissement du Secrétariat général par les questeurs, ces derniers entendent faire mains basses sur ce qui est possible. Ils sont aujourd’hui les véritables ordonnateurs et contrôleurs des dépenses à travers le compte de programmation. Ce compte, apprend-on du côté l’Assemblée nationale est la source de beaucoup de blocages et nuit à la fluidité des différentes opérations de l’hémicycle. Le compte de programmation est une exception dans la gestion financière de l’Assemblée nationale initiée par le Pan pour combler le vide causé par l’instabilité au poste de Secrétaire général.
Au moment où le nouveau Sg a pris fonction, un an après, l’instabilité se résorbe par les grandes innovations apportées au niveau du service. Les vieux démons se réveillent quand Cavaye Yeguie Djibril demande à son Bureau de revenir à l’orthodoxie dans la gestion des fonds. Dans les couloirs de l’Assemblée nationale, on croit dur comme fer que Kamssouloum et compagnies ont balancé les documents sur la place publique parce que le « vieux », depuis qu’il est avec Gaston Komba, ne jure plus que par ce dernier, mettant en péril les affaires lucratives de son entourage.
L’organigramme en question
Le nouvel organigramme prévoit entre autres, l’éclatement des directions. C’est le cas précisément de la Direction de la législation et des affaires linguistiques qui est scindée en deux directions : la direction de la Législation et celle du suivi et du contrôle de l’action du gouvernement. Il s’agit là des deux missions principales du parlement, à savoir légiférer et contrôler l’action du gouvernement. Quant à la Direction de l’information documentaire, elle devient la direction de la recherche documentaire. Elle est chargée désormais de mettre à la disposition des députés tous les éléments documentaires nécessaires à leur travail. Il s’agit en réalité d’une direction qui joue le rôle d’attaché parlementaire. Par ailleurs, l’organigramme réhabilite le Centre de promotion du bilinguisme. Il a la vocation de renforcer le bilinguisme des députés et du personnel.
Du côté de l’Assemblée nationale, bon nombre de sources ne prennent plus de précautions pour affirmer que les tous puissants questeurs de la Chambre, en dehors de Joshua Osih, s’exposent au courroux des députés, si on croit à certaines indiscrétions. Ils reprochent pour l’essentiel, les questeurs d’égocentrisme et surtout du refus des facilités que leur offre le nouvel organigramme. Les questeurs sont très remontés parce qu’à travers cet organigramme, le Sg aurait les intentions de faire tomber leurs protégés de la tête de certaines directions. C’est dit-on ce qui vient verser une once de souffre à cette volonté d’en découdre par tous les moyens avec le Pan et son Sg. Au moment où l’opinion parle d’un désaveu de ce dernier, le cercle proche du chef de Mada, parle d’une entente très cordiale entre les deux hommes. Que fera Cavaye? Le temps exposera toutes choses.